Point-de-vue. La fusion des deux départements alsaciens va-t-elle bouleverser l’organisation de la région Grand Est ? L’avis de Roger Cayzelle président de l’Institut de la Grande Région.
par Roger Cayzelle
C’est un paradoxe : le Grand Est, cette nouvelle Région française créé artificiellement de toutes pièces par François Hollande et Manuel Valls, sans véritable réflexion et sans préparation politique, provoque aujourd’hui des tensions qui n’existaient guère auparavant.
Elles tiennent aux propositions formulées avec obstination par les présidents des deux départements alsaciens et soutenues par les responsables de l’Euro métropole strasbourgeoise. Ces propositions visent à créer en Alsace un département unique doté de compétences particulières notamment dans le domaine du tourisme et de la culture. La vérité oblige à écrire qu’elles ne sont ni illogiques ni illégales. Elles s’inscrivent dans un cadre réglementaire qui permet ce type d’expérimentation et elles tentent d’organiser cette partie orientale du Grand Est qui s’appelle (et qui s’appellera encore longtemps) l’Alsace. Le gouvernement français donnera d’ailleurs sans doute satisfaction à ces revendications.
Région artificielle
Celles-ci sont par contre mal vécues par les autres territoires du Grand Est. « Donner satisfaction aux Alsaciens déséquilibrerait la Région à leur profit. C’est une position qui n’a guère de sens. Dans les faits le Grand Est est déjà un espace marqué par des ruptures et des inégalités territoriales sans que l’on perçoive suffisamment clairement une stratégie d’ensemble susceptible de les surmonter.
C’est à ce niveau que le bât blesse. Aujourd’hui la nouvelle Région Grand Est peine à faire suffisamment sens. Elle est d’abord un espace administratif qui peut s’avérer fonctionnel et utile dans de nombreux cas mais qui ne mobilise que faiblement ses habitants. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui estiment que cette nouvelle Région est une création artificielle qui n’aurait jamais dû être mise en place.
Pragmatique et réaliste, le nouveau président de la Région, Jean Rottner, a perçu cette difficulté. Il considère désormais que le grand Est est un espace qui doit d’abord vivre de l’initiative des collectivités et des acteurs locaux. Dès lors, le président Rottner sillonne sa région en soutenant les projets et les réalisations locales susceptibles de dynamiser ce territoire français trop faiblement attractif. Il cherche à mettre en avant les atouts spécifiques du Grand Est qu’ils soient économiques culturels ou universitaires.
Dimension transfrontalière
Un vrai défi reste toutefois à relever : celui qui consisterait à produire un récit affichant, au-delà des formules toutes faites, des ambitions mobilisatrices dans lesquelles tous les territoires puissent se retrouver.
La dimension transfrontalière en fait évidemment partie. La région Grand Est ne pourra pas indéfiniment se contenter d’affirmer qu’elle se situe au cœur de l’Europe. Il lui faut décrire plus précisément quels objectifs concrets elle souhaite mettre en avant et comment elle s’organise pour produire des synergies efficaces avec ses voisins. Cet enjeu essentiel n’est pour l’instant relevé que trop timidement.