La catastrophe de Fukushima, au Japon, le 11 mars 2011 est un accident nucléaire majeur que suit au jour le jour l’association ACRO (pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest). Elle lui consacre même un site dédié ACROnique de Fukushima. Son président, David Boilley, explique ici que nous ne sommes pas à l’abri d’un tel événement.
Cela fait 10 ans que l’ACRO effectue un suivi régulier de la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi et de ses conséquences. Avec plus de 2 700 articles, des photos, des vidéos et deux webcams en direct, c’est le site francophone le plus complet sur le sujet.
L’association reconstitue les événements, dès les premiers instants de la catastrophe. Tremblement de terre à 14 h 46 d’une magnitude de degré 9,0 suivi d’un tsunami. Quelques secondes plus tard, l’arrêt d’urgence est enclenché dans les 3 réacteurs en fonctionnement. Le groupe électrogène de la cellule de crise de la centrale, située à Ôkumamachi à 5 km de la centrale, démarre automatiquement quand l’électricité est coupée. Il ne fonctionnera qu’une heure environ. 16h46 : L’état d’urgence est déclaré à la centrale de Fukushima : c’est la première fois au Japon. 21h23 : Le gouvernement ordonne l’évacuation dans un rayon de 3 km et confine les habitants vivant entre 3 et 10 km.
Les dégâts sont considérables. Une vaste zone de l’est du Japon a été exposée à des radiations.
Les poussières d’aspirateur
A l’occasion du dixième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, le laboratoire citoyen Chikurin a effectué une nouvelle campagne d’analyse de la contamination radioactive des poussières d’aspirateur dans 153 maisons. Cette étude est en complément d’autres projets de surveillance citoyenne de la radioactivité auxquels Chikurin est aussi associé :
- la cartographie de la contamination des sols par le réseau Minna no data
- le relevé des débits de dose ambiants par le Fukuichi Environmental Radiation Monitoring Project.
Ce projet a pour but d’évaluer la contamination intérieure en mesurant la concentration en césium dans la poussière des aspirateurs domestiques, 10 ans après l’accident nucléaire. L’exposition des habitants par inhalation de ces poussières vient s’ajouter aux autres expositions à la radioactivité.
Bilan chiffré
Les sites sont classés du plus contaminé au moins contaminé. Ils peuvent être visualisés sur cette carte qui indique la zone proche de la maison, de sorte que les personnes ne puissent pas être identifiées :
Puis, l’ACRO propose:
- un bilan chiffré de l’avancement des travaux à la centrale nucléaire accidentée et de la situation dans les territoires contaminés ;
- une revue de la littérature scientifique sur l’augmentation observée des cas de cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima ;
- les résultats d’une étude sur la contamination des poussières domestiques par le laboratoire que nous avons soutenu au Japon.
- Ce travail minutieux et indépendant de l’association ACRO a, entre autres mérites, celui de nous sensibiliser aux risques nucléaires. Car un accident peut se produire aussi chez nous en Europe et en France.
#TEPCo a accumulé plus d'1 million de m3 d'eau contaminée à #Fukushima dont elle ne sait que faire. 72% du stock mal traités doivent être repris. Pas d'analyse indépendante. Pour en savoir plus ⬇️ https://t.co/7yZK4Pll6Z
— ACROniqueDeFukushima (@ACRO_Fukushima) March 2, 2021
Questions à David Boilley
Docteur en physique nucléaire, président de l’ACRO et conseiller scientifique du laboratoire citoyen de mesure de la radioactivité Chikurin (Japon).
Pourquoi l’association ACRO que vous présidez s’intéresse-t-elle à l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon ?
Depuis sa création, suite à l’accident de Tchernobyl, l’ACRO œuvre pour l’accès de tous à la mesure de la radioactivité. Elle surveille notamment les rejets des installations nucléaires. A Fukushima, suite aux forts rejets dans l’environnement, il était évident que la population aurait besoin de mesures indépendantes de la radioactivité. Nous avons donc soutenu les populations affectées pendant deux ans, en contrôlant de nombreux échantillons très variés, le temps d’ouvrir un laboratoire sur place qui a pris le relais.
La catastrophe de Fukushima est aussi un évènement majeur et complexe qui marque l’histoire du nucléaire. Nous faisons donc un suivi, sur un site Internet dédié (https://fukushima.eu.org), afin de permettre à un public francophone de comprendre ce qui se passe à la centrale nucléaire de Fukushima daiichi et dans les territoires contaminés.
La catastrophe a eu lieu le 11 mars 2011. Un tel accident est-il possible en France ou en Europe ?
L’accident nucléaire de Tchernobyl était considéré, en occident, comme un accident « soviétique ». C’était une expérimentation qui a mal tourné dans un réacteur moins sûr que les réacteurs occidentaux. Fukushima a montré qu’un accident grave était possible dans un réacteur occidental, avec des rejets massifs.
Tous les présidents de l’Autorité de sûreté nucléaire ont, depuis Fukushima, dit et répété qu’un accident grave était aussi possible en France ou en Europe.
Quels enseignements en tirez-vous, dix ans après ?
Le sujet est tellement vaste qu’il faudrait plusieurs pages pour décrire tous les enseignements à tirer de cette catastrophe et je suis sûr de ne pas pouvoir être exhaustif. La première leçon qui a été tirée en Europe, est un renforcement des exigences de sûreté pour les réacteurs existants, même si les nouveaux équipements tardent à être installés en France. Plusieurs pays ont aussi décidé de se passer de l’énergie nucléaire.
A l’ACRO, nous avons travaillé sur les plans d’urgence en cas d’accident nucléaire dans plusieurs pays (Belgique, France, Inde et Ontario au Canada). Les rapports sont disponibles en ligne. Il est clair que nous ne sommes pas prêts à faire face à un accident d’une telle ampleur. Juste un exemple : la Suisse a étendu la distribution de comprimés d’iode de 20 à 50 km après la catastrophe de Fukushima. La Belgique, de 20 à 100 km. Et la France, de 10 à 20 km… L’évacuation de la clinique de Futaba, située à 2 km de la centrale de Fukushima daiichi a entraîné une cinquantaine de décès. Les personnes nécessitant des soins sont les plus vulnérables en cas d’accident nucléaire. La continuité des soins doit être bien préparée.
Avec plusieurs centrales sur des fleuves et rivières qui alimentent en eau potable des millions d’habitants, il y a là une vulnérabilité spécifique en cas d’accident grave qui n’est pas prise en compte. Durant l’été 2019, nous avons découvert que 6 millions d’habitants buvaient de l’eau avec du tritium rejeté par les installations nucléaires. Que se passera-t-il pour eux en cas d’accident grave ? Est-ce que cette eau sera encore potable ? Si elle ne l’est pas, quel approvisionnement est prévu ? Nous nous sommes rendus compte que les « plans Orsec eau potable » devaient encore être rédigés…
À propos de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest
L’ACRO est une association loi 1901 déclarée à la Préfecture du Calvados en date du 14 octobre 1986, elle est agréée de protection de l’environnement par la préfecture du Calvados. créée, par un millier de personnes, dans les mois qui ont suivi l’accident de Tchernobyl, en réaction à une carence en information et en moyens de contrôles de la radioactivité. Dotée d’un laboratoire de mesure de la radioactivité agréé, l’ACRO mène des travaux d’études et de surveillance de la radioactivité dans l’environnement à sa propre initiative ou encore pour répondre à la demande de collectivités territoriales ou d’associations. Elle anime au quotidien l’Observatoire Citoyen de la Radioactivité dans l’Environnement, lequel implique les riverains des installations nucléaires aux côtés du laboratoire dans une surveillance active des niveaux de la radioactivité autour de chez eux.