Point-de-vue- « L’impôt sur le revenu des Français qui perçoivent en même temps des revenus venant de France et du Luxembourg est une histoire à dormir debout depuis quelques années » affirme Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget. Explications.
Par Christian Eckert
Le 20 mars 2018 à Paris, une convention fiscale a été signée entre les deux pays. Les députés (alors LREM) de nos territoires applaudissaient, saluaient un progrès « formidable » et le Parlement adoptait sous leurs applaudissements la loi du 25 février 2019 ratifiant (procédure obligatoire) la nouvelle convention.
Curieusement, le 10 octobre 2019, en toute discrétion, un avenant à cette convention modifiait les règles fraichement ratifiées. Certains fiscalistes, moi-même et quelques journalistes, avaient en effet alerté sur un changement radical du calcul de l’imposition des revenus français des foyers fiscaux des frontaliers. Ces impôts augmentaient mécaniquement avec la méthode de l’imputation choisie en 2018. Les députés n’avaient rien vu !
Des augmentations d’impôts…
Le nouvel avenant a donc été, lui aussi, soumis à ratification et les mêmes députés se félicitaient pour ce qu’ils prenaient pour un retour à la case départ. La loi du 27 janvier était adoptée à leur grande satisfaction, l’un de ces pieds nickelés déclarant même que « rien ne changeait » par rapport aux règles d’avant 2019.
Hélas! pour lui, la première année où cet avenant entrait en vigueur, des dizaines de milliers de frontaliers voyaient avec effroi des augmentations d’impôts parfois très importantes…
Les députés n’avaient encore une fois pas bien lu : l’impôt sur le revenu payé au Luxembourg n’était plus déduit du revenu global (c’était écrit en toutes lettres) et les conséquences étaient souvent importantes…
Ils trouvaient alors en « Bercy » un bouc émissaire pratique pour masquer leur incompétence : les services administratifs étaient accusés d’avoir mal interprété le texte auquel ils n’avaient rien compris… Ces derniers avaient en fait parfaitement appliqué ce que ces législateurs « amateurs » avaient voté !
Fièrement, ils obtenaient du Gouvernement le 1° octobre 2021 un communiqué qui annonçait que la loi régulièrement votée ne serait pas appliquée afin de prendre le temps d’en peser les conséquences. Inédit dans notre État démocratique !
Le communiqué était précis:
« Afin d’en apprécier précisément l’ampleur pour les contribuables, le Gouvernement procèdera à une évaluation complémentaire de l’impact, pour les frontaliers, du changement de méthode d’élimination de la double imposition prévue par la convention fiscale.
Dans l’attente des résultats de cette évaluation, qui sera présentée au Parlement, les foyers concernés pourront exceptionnellement demander, pour ce qui concerne l’élimination de la double imposition, l’application des stipulations de l’ancienne convention pour les revenus visés perçus en 2020 et 2021. »
Les services fiscaux étaient chargés d’accepter en vitesse des milliers de réclamations.
Mais l’évaluation annoncée a-t-elle été faite depuis cette annonce vieille de 15 mois ? Nul ne sait…
Le communiqué parlait des revenus de 2020 et 2021. Rien n’est dit sur les revenus de 2022. L’année 2022 est finie. Les frontaliers concernés ne savent pas comment leurs revenus de l’année écoulée seront imposés !