L’économiste Marc Touati analyse trois événements majeurs qui révèlent l’ampleur des défis économiques français : nouveau Premier ministre, dégradation de sa note et excédent commercial chinois record.

Le Premier ministre en difficulté dès sa nomination
François Bayrou ayant démissionné, Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu au poste de Premier ministre. Selon les derniers sondages, ce dernier ne bénéficie que de 16% d’opinions favorables, un score inférieur à ses prédécesseurs : Michel Barnier avait débuté avec 34%, Gabriel Attal avec 20%. Cette défiance traduit l’état d’esprit des Français vis-à-vis du pouvoir, Emmanuel Macron lui-même n’obtenant que 17% d’opinions favorables, son plus bas niveau depuis 2017.
Dégradation de la note française par Fitch
L’agence de notation Fitch a dégradé la note de la France de AA- à A+, perspective stable. Cette décision, attendue depuis un an, reflète l’incapacité du pays à réduire son déficit public. Deux autres agences majeures, Moody’s (verdict le 25 octobre) et Standard & Poor’s (28 novembre), pourraient suivre, ce qui aurait un impact plus significatif sur les marchés.
La France, qui bénéficiait d’un triple A jusqu’en 2012, se trouve désormais dans la catégorie « qualité moyenne » avec sa note A+. Cette dégradation s’accompagne d’un élargissement des écarts de taux d’intérêt avec les autres pays européens : 80 points de base avec l’Allemagne, et des taux français désormais équivalents à ceux de l’Italie.
Tensions sur les taux d’intérêt
Les taux d’intérêt français à 10 ans atteignent 3,5%, leur plus haut niveau depuis novembre 2011. Sur les échéances à cinq ans, la France affiche le taux le plus élevé d’Europe (2,81%), devançant l’Italie (2,79%) et la Grèce (2,62%). Cette situation reflète la méfiance des investisseurs quant à la capacité française à respecter ses objectifs budgétaires.
L’explosion des dépenses de fonctionnement
Les dépenses de fonctionnement publiques représentent 541,1 milliards d’euros sur 12 mois, soit 32,2% des dépenses publiques totales. Elles ont augmenté de 21,5% depuis 2021, représentant une hausse de près de 96 milliards d’euros. Cette croissance contraste avec l’augmentation de seulement 12,8% des dépenses sociales sur la même période.
La question fiscale au cœur des débats
Face à un déficit public proche de 6% du PIB, le nouveau gouvernement envisage des hausses d’impôts, notamment sur l’épargne et les entreprises. Cette orientation inquiète, la France étant déjà le pays avec le plus fort taux de prélèvements obligatoires au monde (51,4% du PIB). Les dépenses publiques atteignent 57,2% du PIB, contre 49,2% en Grèce qui a réussi à redresser ses finances.
Record chinois préoccupant
Parallèlement, la Chine a établi un nouveau record d’excédent commercial avec 1.167,6 milliards de dollars sur 12 mois. Malgré les droits de douane américains, les exportations chinoises se reportent vers l’Europe. La France affiche un déficit de près de 50 milliards d’euros avec la Chine, compromettant les objectifs de réindustrialisation.
Perspectives sombres
L’économiste prédit une poursuite de la hausse des taux d’intérêt français, qui pourraient atteindre 5% d’ici à 2026 si aucune mesure crédible de réduction du déficit n’est prise. Il critique la stratégie consistant à augmenter les impôts plutôt qu’à réduire les dépenses publiques, estimant que cette approche risque d’aggraver la situation économique du pays.
La nomination de Sébastien Lecornu intervient dans ce contexte difficile, avec la mission de redresser les finances publiques tout en maintenant la cohésion sociale, un défi que ses prédécesseurs n’ont pas réussi à relever.