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« Agribashing » ou prise de conscience ?

Point-de-vue. Dans sa lettre hebdomadaire, Gérard Charollois évoque l’évolution du monde agricole et ses conséquences économiques, politiques, sociétales.

La mécanisation a favorisé l’agriculture intensive (photo Pixabay)

La France fut longtemps peuplée de paysans. Les pouvoirs publics y subventionnaient davantage l’élevage de montagne et les maïsicultures que les innovations électroniques. Il fallait produire du cochon, du blé et des choux fleurs pendant que d’autres, ailleurs, produisaient des composants, des microprocesseurs, des téléviseurs puis des smartphones. On ne fabrique plus d’électronique en France et le savoir industriel se perd, ici, mais on vend du mouton, du blé et des betteraves.

La Paix publique

Pour faire de la politique en France, Jacques CHIRAC, grand maître en la matière, vous aurait expliqué qu’il suffisait de savoir « taper sur le cul des vaches » ! On apprenait aux petits enfants de France que « le paysan était l’homme qui nourrissait les hommes ».
Députés, sénateurs, préfets, ministres, flattaient le « campagnard » ce qui ne les dispensait pas d’un peu de mépris qui les consolait de leurs génuflexions devant le monde agricole. Naguère, on enseignait même aux écoles de police et à l’école de la magistrature que lors d’une manifestation d’agriculteurs, il ne fallait rien faire si un commissaire était peint en blanc et une préfecture décorée au lisier de porc.
La paix publique était au prix de ces reculades de la loi et de l’Etat.

La loi du marché

Cette mansuétude ne bénéficiait guère aux salariés et aux étudiants. Aussi, les protestations agricoles dégénéraient souvent en émeutes couvertes d’immunité syndicale de label FNSEA et apparentés.
Les bureaux de madame Voynet, ministre de l’Environnement en 1999, furent victimes de ce syndrome bien français. Nul ne fut inquiété pour ce saccage anti-écolo !
Mais le monde et les temps changent et l’exploitant agricole devient victime de l’hubris de l’agro productivisme.
Le nombre des exploitants confine à une relative marginalisation d’un groupe social tout puissant il n’y a qu’une cinquantaine d’années. La concentration, l’augmentation des rendements, la nécessité d’abaisser sans cesse les coûts de production sous la loi du Marché tuent le monde agricole victime d’une politique dont il est l’ardent défenseur. Ne voit-on pas la FNSEA soutenir les projets de fermes–usines ? Or, une ferme–usine remplacera plusieurs centaines de producteurs « à l’ancienne ».
C’est la loi du Marché, du libéralisme économique, de la droite qui se confond avec la FNSEA.

La Nature, amie ou ennemie ?

Cette agriculture intensive, chimique et mécanisée a fait disparaître 80% des insectes, 40% des oiseaux. Elle a arasé les haies, comblé les mares, empoisonné les sols et les eaux et elle exige toujours davantage d’aseptisation de la nature vouant sangliers, cervidés, renards, fouines, lynx et loups à une guerre d’extermination.
Il faut comprendre d’où vient ce monde agricole. Pendant des siècles, l’homme dut protéger ses récoltes et productions de la terre des prédations. Le paysan était en lutte farouche contre les « mauvaises herbes » et les bêtes sauvages ravageuses de récoltes et consommatrice d’animaux d’élevage. La Nature était une ennemie à laquelle il fallait arracher la subsistance.

Inverser le processus

Aujourd’hui, la Nature nous menace encore, mais non par sa luxuriance, sa générosité, sa présence, mais par sa mort. Il convient donc d’inverser un processus mental et culturel sur lequel fonctionne encore trop « d’exploitants agricoles ».
Les pesticides, la suppression des plantes libres et de la faune deviennent les ennemis du vivant. Désormais, il faut aimer, protéger, respecter la nature si nous ne voulons pas vivre sur une terre morte.
Un divorce moral est survenu entre les contemporains et les ennemis de la terre qui n’ont pas compris que la montagne n’est pas un parc à moutons, un marais un champ de maïs et qu’il est du devoir de l’homme de se réconcilier avec les autres formes de vies. Sans doute, dans l’intérêt général, vaut-il mieux subventionner des loups que des moutons !
Voilà qui n’aurait pas pu être énoncé au milieu du siècle passé. S’il est encore iconoclaste de le dire, cette vérité s’imposera demain.
Peut-on en finir avec « l’agribashing » ? Oui, si l’homme de la terre sait se réconcilier avec l’animal, être sensible et avec la nature. Alors, encore un effort messieurs du biocide, du piège et du fusil qui êtes les mêmes !

Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
UNE FORCE POUR LE VIVANT

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