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« Tapie voulait tout »

« C’est quelqu’un qui est parti de rien et qui veut tout obtenir, c’est le grand aventurier de la deuxième moitié du XXème siècle », confie Olivier Demangel, cocréateur de la série consacrée au célèbre « Nanard », diffusée sur Netflix.

Sans tomber dans l’imitation, le comédien Laurent Lafitte (de la Comédie-Française) s’est glissé avec délice dans les costards du « bonhomme », jouant « son » Tapie.

« Tapie, Tapie, Tapie… », entend-on avant même la première image de la mini-série diffusée sur Netflix. Mais si Bernard Tapie est alors acclamé, c’est par les pensionnaires de la prison de la Santé. C’est ainsi qu’ont choisi de commencer les créateurs de l’une « des séries les plus attendues » de cette rentrée, « Tapie », à savoir le réalisateur Tristan Séguéla (fils de Jacques, le publicitaire) et Olivier Demangel, scénariste originaire des Vosges.

« Quand on me l’a proposé, c’était vraiment le personnage qui m’a intéressé », confie Olivier Demangel, scénariste notamment de « Novembre » de Cédric Jimenez, film captivant sur l’enquête des attaques terroristes à Paris, de « Tirailleurs » de Mathieu Vadepied avec Omar Sy, « Atlantique » de Mati Diop (Grand Prix au Festival de Cannes), de la série « Baron Noir »… et a collaboré au scénario de « Rien à perdre », premier film de Delphine Deloget bientôt sur les écrans (sortie le 22 novembre) avec Virginie Efira en mère courage.

« Il y a une forme de fascination »

Hâbleur, bateleur, baratineur, gouailleur, Tapie l’ambitieux était un personnage emblématique des années 80 et suivantes.

« Tapie, c’est quelqu’un qui est parti de rien et qui veut tout obtenir, c’est le grand aventurier de la deuxième moitié du XXème siècle, quoiqu’on pense de lui. D’ailleurs je n’ai pas d’opinion sur lui, ni je l’aime ni je le déteste, mais évidemment il y a une forme de fascination », confie Olivier Demangel, qui a conçu avec Tristan Séguéla une série « librement inspirée de faits réels ». Sans tomber dans l’imitation, le comédien Laurent Lafitte (de la Comédie-Française) s’est glissé avec délice dans les costards du « bonhomme », jouant « son » Tapie dans ce « biopic romancé » du « wonderman ». Un récit « ni à charge ni à décharge » des mille vies de Nanard, chanteur, homme d’affaires, patron de club de foot ou d’équipe cycliste, ministre, prisonnier, acteur, animateur télé, marionnette « sévèrement burnée » des Guignols…

Hâbleur, bateleur, baratineur, gouailleur, magouilleur, Tapie l’ambitieux était un personnage emblématique des années 80 et suivantes. « J’étais assez fasciné par cette capacité à tout faire, ou à vouloir tout faire en tout cas, parce que je ne pense pas qu’il a tout très bien fait, mais il a voulu tout faire en tout cas. Il a une capacité d’invention permanente qui est de l’ordre du mouvement qui me fascinait beaucoup », assure Olivier Demangel.

Vendeur de télé, patron de Wonder, acheteur puis vendeur d’Adidas, membre du gouvernement de François Mitterrand, débatteur télévisuel avec Le Pen… soutenu tout ce temps par son épouse Dominique (incarné par l’élégante Joséphine Japy). Passant d’un univers à l’autre, dont il ne maitrise jamais les codes, Tapie est « too much », comme on disait alors. Eternelle alternance d’échecs et de succès, et réciproquement, « Tapie » la série est comme le personnage, pittoresque et tragi-comique. « Je veux qu’on leur mette une branlée, au PSG », clame le boss dans les vestiaires à ses joueurs marseillais, mais c’est bien l’affaire OM-VA qui le mènera jusqu’à la case prison après un passage dans le bureau du procureur Eric de Montgolfier.

« Il a une fidélité à ses origines »

« Quand il a repris l’OM, ce n’était pas un des clubs les populaires de France à l’époque, et c’est lui qui a fait de Marseille un des grands clubs français », estime Olivier Demangel.

« Dans sa trajectoire, il a une fidélité à ses origines, un peu prolétariennes, il y a une volonté complète de s’arracher à ce milieu tout en y restant fidèle, c’est quelque chose que je trouve très noble et qu’il n’y a pas forcément chez tout le monde », précise Olivier Demangel, « Les gens ont plutôt tendance, quand ils s’arrachent à leur milieu, à être des transfuges de classe, c’est-à-dire à renier, rejeter, et chez Tapie il n’y a aucune renégation de ses origines, ce qui en fait un personnage très singulier ».

« C’est cette mécanique-là que j’avais envie de raconter, même si c’est l’histoire d’un Parisien, un Parisien qui va devenir Marseillais, il est plus populaire à Marseille qu’à Paris maintenant », constate le cocréateur de la série, « Quand il a repris l’OM, ce n’était pas un des clubs les populaires de France, à l’époque c’était plutôt Saint-Etienne, et c’est lui qui a fait de Marseille un des grands clubs français. La bipolarité entre Marseille et Paris est très intéressante, il a renversé Marseille contre Paris, contre ses origines, pas tant contre ses origines que contre la représentation qu’il se faisait de l’élitisme et de ce qu’il fallait affronter. Il a joué Marseille comme le club populaire contre Paris la capitale, alors qu’il habitait un hôtel particulier dans le VIème arrondissement ».

Olivier Demangel travaillait déjà depuis longtemps sur le sujet à la disparition de Bernard Tapie, en octobre 2021. « C’était un peu étrange quand il est mort, j’avais un peu l’impression d’avoir une familiarité avec lui, je le côtoyais alors tous les jours, j’avais l’impression que c’était une part de moi qui s’en allait, c’était vraiment très bizarre », confie-t-il.

Patrick TARDIT

« Tapie », mini-série en sept épisodes de Tristan Séguéla et Olivier Demangel, avec Laurent Lafitte, disponible sur Netflix.

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