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Lettre d’avril de Gaïa à Aurore Kepler 452B

Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 B dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire.

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

De Gaïa à Aurore

Ma chère Aurore

J’ai toujours beaucoup de plaisir à te lire, car tes réflexions sont si proches des miennes qu’elles semblent faire écho à mes pensées. J’ai l’impression qu’elles sont réfléchies par ce mur de poussières de basalte, d’olivine, de silicate et de chondrite carbonée que forme notre couronne d’astéroïdes entre la planète rouge et mon grand Jupiter. Cette étrange lumière zodiacale que j’aperçois le long du plan de l’écliptique est l’œuvre des familles de Flore, de Coronis et de tant d’autres, mais je sais que les lacunes de Kirkwood trouent ce mur et que c’est bien toi ma muse Écho, celle qui me conseille et me réconforte pour survivre à ce silence, pour supporter l’implacable immensité et pour souffrir cette solitude sidérale qui a toujours été la chose que j’ai toujours eu le plus de mal à accepter.

Tes conseils m’évitent d’avoir de sombres pensées, de songer à partir en toupie pour aller percuter une autre planète. Pour en finir enfin avec toutes ces folies, ces angoisses et ces tracas qui m’empêchent de tourner rond depuis si longtemps. Souvent la lassitude me gagne et je n’ai plus envie de combattre. À quoi bon tout cela ? Qu’il doit être doux de ne craindre ni le passé ni le présent ni l’avenir. Se laisser sombrer dans le néant sans en craindre l’idée, pouvoir enfin jouir d’une paix sans projet et sans devoir. Avant de disparaître, avoir la sagesse de ne plus me soucier de l’image que je laisserai. Car tout finira un jour et il ne restera rien, rien de mes péchés, rien de mes exploits, rien de ma vie. Souhaiter l’absence comme Charmant désire le ciel. Ne vouloir plus rien ressentir. Enfin, oui enfin, acquérir cette sérénité, la Sérénité, que l’état vivant fait toujours miroiter mais procure si peu. Oui, je le crois, la mort me plaira.

…dès qu’ils me feront trop souffrir

Enfin… je vais tâcher de vivre encore un peu. Car l’attrait de l’après ne m’est pas encore suffisant pour que j’ose m’y résoudre. Quand mes problèmes sont immenses, je me réconforte en pensant à disparaître, en me disant que je pourrai toujours en finir dès qu’ils me feront trop souffrir. Ce projet morbide est une échappatoire qui paradoxalement me permet de lutter contre le désespoir qui souvent m’étreint. Je peux toujours sortir ce joker pour siffler la fin de la partie. Sans avoir à subir les affres de la défaite, la torture des regrets et la douleur des blessures.

Comme je suis toujours là, mon devoir est de résoudre les problèmes de mes peuples.

En cet instant, je reprends des forces en admirant les frondaisons printanières de mon hémisphère nord. Les arbres se couvrent pendant quelques jours des plus belles parures que ma terre peut offrir.
Au Japon, les Charmants ont élevé la contemplation des cerisiers en fleurs au rang d’une discipline, le Hanami, qui oscille entre la méditation et l’esthétique.
En Amérique et en Europe, ce sont les diaphanes buissons d’aubépines qui apaisent le regard du promeneur ou les prunus aux fleurs pourpres qui se fondent aux feuilles rosées pour enivrer celui du passant.
Les pommiers à la fine membrure tachetée de tulle blanc parsemé de carmin, les poiriers crémeux, les sorbiers à l’inflorescence d’hortensia, les alisiers aux bouquets nacrés, tous ces fruitiers font aux premiers vents du printemps des valses de pétales qui font place aux tempêtes neigeuses.
Quant aux magnolias, ils ploient sous leurs plumages d’oiseaux tropicaux faits de tépales d’organdi rose comme des flamands. Ils resplendissent de milliers de bouquets que mêmes les rois les plus fous ne pourraient offrir aux reines les plus désirables. Puis ils s’envolent à la première bourrasque et tourbillonnent comme une giboulée que l’on aimerait voir, les jours de mariage, honorer le parvis des églises.

Ah ! Ces moments sont magiques.

Après ces digressions agrestes, il me faut en revenir à ton histoire du droit des femelles ovoïdes. Il me rappelle celui de mes charmantes femelles. Mais je ne veux épiloguer car, quand l’on n’est pas soi-même une Charmante, c’est un sujet trop sensible pour que l’on puisse y apporter une touche de jugement qui ne serait pas recevable en tant qu’étrangère à cette condition. Ainsi je retombe dans l’incertitude. Et cette incertitude me ramène au pourquoi du vouloir tout résoudre. Plutôt que de tout laisser partir à vau-l’eau.

« Coco aime le virus »

Heureusement que mon petit virus couronné de ce beau diadème n’a pas encore disparu et qu’il est même en plein essor. Et ce malgré la vaccination, qui ne le gène que très peu pour l’instant. J’ai l’impression qu’il a retrouvé un troisième souffle. Ce coquin sait varier et fait des variations. Comme il circule encore beaucoup, il augmente ses chances de muter. Car plus il circule et contamine, plus il se reproduit, et plus la probabilité d’erreur de retranscription de son génome par les milliards d’usines à réplication que sont les milliards de charmantes cellules, est grande. Ces erreurs font des mutants que Charmant nomme « variants ».

Ils ont le mérite d’être moins ou pas reconnus par les systèmes de défense immunitaire des Charmants déjà infectés ou même vaccinés.

Il semblerait, selon Nature qui est une charmante revue scientifique pas du tout naturelle, que le variant ébouriffé des Anglais et le crépu des Sud-Africains soient encore sensibles aux vaccins actuels, mais que le P1 Brésilien nécessite beaucoup plus d’anticorps pour être neutralisé et exposerait aux réinfections. Pour ce dernier il y aurait une moindre efficacité de la vaccination. Toutefois l’Amazonien n’est pas plus létal que lors du pic de la première épidémie en avril lors de ma précédente rotation autour de mon Soleil. Mais la circulation effrénée a permis à chaque région du Brésil de voir naître des gentils variants – il y en a à ce jour 92 – dont le P2 qui roucoule à Copacabana, et le P4 qui danse la bossanova à Belo Horizonte.

Par défaut de respect des mesures barrières, mes virus circulent toujours autant et il y a fort à parier qu’ils vont trouver des relais chez d’autres animaux. « Coco aime le virus, Coco aime le Virus, Coco aime le virus, Coco… ». Ainsi choyés par le chatoyant langage des perroquets, tout comme il sont accueillis en leur sein, mes petits virus chéris vont pouvoir se mesurer à d’autres défenses, à d’autres réplications, imparfaites mais qui seront, je l’espère, derechef agressives quand elles reviendront visiter mon Charmant.

Une arme politique pour les gouvernements en danger

Ce qui m’ennuie, c’est que Charmant commence à comprendre qu’il faut vacciner les enfants. Car si ceux-ci sont bien résistants à la maladie au point d’être infestés mais de na pas avoir ou peu de signes cliniques, ils n’en sont pas moins de magnifiques transmetteurs. Et si Charmant les vaccine – cette vaccination abaisse l’hébergement et donc la contagiosité – il va enrayé ma belle machine que j’ai créée pour ralentir son hégémonie.
Heureusement que tous les peuples ne l’ont pas encore compris. Il n’y a guère que les Finlandais qui l’avaient déjà réalisé. Mais ils ont été rejoint par les Israéliens qui l’ont constaté avec leur plan de vaccination globale – la faille c’est qu’ils ont oublié de vacciner leurs voisins qui travaillent chez eux, les Palestiniens – et les Anglais, qui font feu de tout bois pour montrer au reste de l’Europe qu’ils ont eu raison de la quitter tout en s’accaparant les vaccins produits sur ce même continent européen.

La vaccination de masse est devenue une arme politique pour les gouvernements en danger.

Concernant les défenses mises en place par Charmant contre mon petit virus, ce qui m’inquiète un peu plus, c’est la réponse lymphocytaire. Elle semble bien durable. Comme tu le sais, la réponse à une attaque virale se fait de deux façons : par la voie dite humorale de production d’anticorps par les lymphocytes T qui est générée par la maladie ou les vaccins. Et par la voie cellulaire, celle des lymphocytes B. Les patients ayant été infectés possèdent des lymphocytes B avec une mémoire spécifique de la protéine Spike de liaison du virus à la cellule. S’ils rencontrent la Spike, les lymphocytes B se transforment en plasmocytes et secrètent des anticorps neutralisants. Les chercheurs charmants de l’Institut Mondor ont montré qu’en ce moment la population en lymphocytes B ciblant la protéine Spike s’accroissaient plus que celle des autres lymphocytes ciblant les autres coronavirus, dits béta saisonniers, qui donnent de petits rhumes mais ne protègent pas contre mon couronné de diadème.

Couronné d’un prix Nobel

Ce qui m’inquiète encore plus, c’est une étude de la grande banque new-yorkaise J.P. Morgan Chase qui essaye toujours d’être en avance pour investir ou désinvestir avant les autres et faire plus de profit. Cette étude montre qu’à partir d’un petit pourcentage de la population vaccinée, pas plus de 15 ou 20%, il existe une protection de la population charmante contre mon petit virus couronné de diadème. Cela va certainement enrayer ma pandémie et je vais devoir trouver des moyens plus efficaces.

Comme je te l’écrivis tantôt, la recherche charmante est lancée tout azimut et je crains bien qu’elle ne découvre par sérendipité d’autres traitements à des cancers et à des maladies rares. Preuve en est, Charmant commence à exploiter de L’ARN interférent (ARNi) déjà couronné par un prix Nobel. Comme tu le sais, tout récemment la grande révolution des vaccins s’est faite en injectant un ARN messager qui fait fabriquer directement par les cellules charmantes des anticorps anti Covid. Eh bien avec l’ARN interférent, c’est l’injection d’un ARN qui réprime l’expression d’un gène nocif pour le corps charmant. Une récompense qui s’appelle le Prix Galien vient de distinguer le traitement par ARNi d’une maladie très grave, l’amylose héréditaire. Si même ces maladies génétiques peuvent être traitées, je ne vois plus comment je vais réguler tout ce petit monde.

Le leader de mes jolis petits virus

Je garde confiance dans mon petit couronné. Car il sait varier, il sait muter de mille manières. En fait comme je le disais auparavant, ça n’est pas lui qui change, mais ce sont les trillions d’usines de sa reproduction qui font parfois des erreurs et se trompent en produisant des virus imparfaitement identiques à leurs modèles.

Ces répliques imparfaites, ces variants sont déjà assez nombreux car on dénombre sur ma planète plus de 16.000 mutations depuis le début de ma pandémie.

Comme l’expliquait le sage Darwin, elles sont le jeu du hasard non déterministe, c’est à dire que, contrairement à ce que je voudrais, mes virus n’ont pas de but. Ces mutants sont très souvent peu efficaces pour infecter d’autres charmantes cellules. Mais sur le nombre, certains peuvent se révéler très adaptés pour tromper le système de défense de Charmant. Et ceux-là, ou plutôt celui-là qui est le mieux adapté, finira par gagner.

L’exemple du moment, c’est ce variant anglais dont je te parlais qui, d’anecdotique, de minoritaire, est devenu le parfait leader de mes jolis petits virus. Quand il a débuté en Grande Bretagne, il a fait sourire d’aise les Charmants du continent européen qui y ont vu un châtiment de l’orgueil britannique de les avoir snobés et quittés comme une famille qu’ils n’avaient jamais vraiment aimée. Et puis ce variant a franchi le Channel et bientôt supplanté partout sur mon écorce ces virus réputés plus méchants pour la santé de Charmant que sont l’Africain ou le variant P1 Brésilien, plus létaux mais moins transmissibles. Certains considèrent que le variant dit anglais est une évolution de mon petit couronné, naturelle et que si ce variant éclot si vite partout, ce n’est pas seulement le fruit de la transmission inter personnelle ou un saut par dessus le Channel, mais surtout la convergence vers une forme finale. Qui heureusement n’est peut–être pas encore atteinte car il n’est pas assez efficace !

Mieux réguler la pollution industrielle

En Moselle qui est un petit territoire de France, le British a éliminé l’Afrikaner qui était bien implanté, plus méchant mais moins contagieux. Et ce délicieux virus british est aujourd’hui le dominant en Moselle, comme partout en France d’ailleurs. Si fait qu’en ce pays qui a atteint récemment des records de 50.000 contaminations par jour, une espèce de confinement général avec arrêt des écoles, a été de nouveau décrété.

Dans un autre registre, j’ai appris ce que les Charmants de Genève ont publié dans « Earth Systems and Environnement » : les pics de pollution, que ce soit par des polluants industriels ou par des tempêtes de sable avec des particules fines de 2,5 micromètres, accompagneraient les pics de contamination. Cela va peut-être inciter mes tendres créatures, mes charmantes créatures, à songer à s’astreindre à mieux réguler la pollution industrielle.

Quant au lieu de naissance de mon couronné, tout le monde le connaît excepté les accoucheurs.

On n’en finit pas de s’extasier de la bonne volonté du gouvernement chinois. Les Charmants chinois s’étonnent toujours que le monde entier leur attribue la maternité de cette naissance alors qu’ils n’ont rien fait qui puisse la favoriser… À force de subir la pression internationale, leur gouvernement a enfin accepté qu’une enquête d’experts soit diligentée sur place pour éclaircir la mystérieuse apparition de mon petit chéri.
Comme c’est un gouvernement sérieux, il a bien préparé la visite. Rien n’a été laissé au hasard. Toute révélation d’un Charmant chinois qui pourrait impliquer leur grand pays est punie d’emprisonnement. Toute publication déjà parue qui ne corroborerait pas la ligne officielle disparaît. L’annonce dans Nature, le 17 novembre 2020 par les chercheurs de l’Institut de Virologie de Wuhan (WIV), de la prochaine parution des séquences génétiques des virus collectés à la mine de Mojang, n’a pas été suivie d’effet. La professeure qui est retournée sept fois sur place n’a rien trouvé du tout. Quelle abnégation de la part d’une universitaire de chercher, de chercher et d’insister, sans pour autant découvrir des virus proches de mon petit SARS-Cov2 ! Qui plus est elle travaille pour le pur plaisir de travailler.

Car la base de données du WIV qui contient des milliers de séquences virales a été mise hors ligne du Net…

Tout cela a quand même fini par agacer Tedros Ghebreyesus, le directeur de l’OMS, qui a déclaré qu’il allait diligenter une enquête sur l’hypothèse d’un accident de laboratoire chinois, celui de Wuhan, qui est si proche du marché, pour ne pas le citer.

Demain, un missile de trop

Ah ! Je pense que mon monde n’en a pas fini avec les guerres et ceci va remplacer ma pandémie pour maintenir un nombre raisonnable d’habitants sur ma planète. Car le monde oriental monte en puissance et le monde occidental ne le laissera pas faire. C’est le piège de Thucidyde, ainsi dénommé en hommage à l’historien antique, qui constata la crainte des Lacédémoniens de voir grandir Athènes afin, pensaient-ils, de les supplanter. C’est la paranoïa du premier face à l’hubris du second. En général pour que la déflagration arrive, il faut un élément extérieur qui allume la mèche du baril de poudre. En 1914, ce fut l’assassinat de l’Archiduc à Sarajevo. Demain, ce pourra être le missile de trop maladroitement tiré par la Corée du Nord, l’interposition précipitée des troupes de l’OTAN contre l’invasion de l’Ukraine par des troupes du Donbass ou un petit bombardement atomique israélien sur le territoire iranien…

Bref, je ne dois pas trop m’inquiéter de ma surpopulation qui va bientôt trouver une solution interne.

Voilà donc ma chère Aurore mes dernières pensées. Mon régulateur se porte bien et j’apprends à l’instant qu’il est devenu très performant en Inde et qu’il va je l’espère contourner les vaccins ARN messager. Nous verrons.

J’espère avoir de bonnes nouvelles de tes Ovoïdes qui semblent menacés par les Transparents. Mais comme tu me le rappelais, face à la gravité du moment, les populistes seront là pour remettre les pendules à l’heure.

Crois en mon infinie compréhension et en mes vœux les plus tendres.

Ta Gaïa

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