Le public du Festival de Deauville avait décerné son Prix au premier film réalisé par Scarlett Johansson. Une comédie dramatique avec une héroïne de 94 ans, formidablement interprétée par June Squibb.
Premier film réalisé par l’actrice Scarlett Johansson, « Eleanor the great » (sortie le 19 novembre) avait apporté un rare sourire et un peu d’optimisme parmi un échantillon de films assez graves au Festival du Cinéma américain de Deauville. Ce qui avait certainement incité le public normand à décerner son Prix à cette comédie dramatique avec, il est vrai, un personnage principal particulièrement attachant.
Formidablement interprétée par June Squibb, cette Eleanor est une vieille dame de 94 ans, qui marche avec une canne et dort avec des bigoudis sur la tête. Menteuse impénitente, affabulatrice et inventeuse d’histoires, la joyeuse mamie a aussi la faculté de dire leurs quatre vérités à chacun. Espiègle et malicieuse, elle fait la joie de sa chère amie Bessie, avec qui elle vit depuis une dizaine d’années en Floride. Mais après la mort de celle-ci, Eleanor vient à New York, habiter chez sa fille débordée qui prévoit de l’envoyer dans une « résidence » avec « des gens de son âge » et qui, en attendant, l’inscrit au Centre culturel juif de Manhattan.

Par hasard, Eleanor s’y retrouve dans un groupe de parole, où assiste Nina (Erin Kellyman, vue dans « Star Wars ») une jeune étudiante en journalisme ; en fait, c’est un groupe de soutien à des rescapés de l’holocauste, ce qu’Eleanor n’est pas. Mais invitée à prendre la parole, elle s’approprie l’histoire de son amie Bessie, née en Pologne, déportée à Auschwitz, qui n’en n’a parlé qu’à elle, jamais à personne d’autre, pas même à ses propres enfants. Elle la raconte avec talent, si bien qu’elle subjugue son auditoire, bouleverse l’apprentie journaliste qui voit là un bon sujet pour un article.
De l’émotion et de l’humour
Une amitié se crée alors entre la jeune demoiselle et la sympathique grand-mère un peu indigne, d’autant que toutes deux ont perdu récemment un être cher : Nina sa mère et Eleanor son amie. Mais celle-ci est finalement prise au piège de ses mensonges qu’elle répète, ce récit de déportation qui n’est pas le sien. Ecrit par Tory Kamen, le scénario de « Eleanor the great » fait penser à « Marco, l’énigme d’une vie », film de Aitor Arregi et Jon Garaño (sorti en mai), l’histoire réelle de l’imposteur Enric Marco, qui a présidé l’Association des anciens déportés espagnols et rapporté l’horreur des camps de concentration, où il n’a pourtant jamais été prisonnier.
La mise en scène de Scarlett Johansson est certes assez classique, mais il y a dans ce premier film (sélectionné à Cannes, par Un certain regard) de l’émotion et de l’humour, de la chaleur humaine, alors qu’il évoque le deuil et la Shoah, et une bonne dose de tendresse, entre les deux vieilles amies, entre un père et sa fille tous deux dans le chagrin. Et puis après tout, Elenaor est confortée par un rabbin newyorkais qui lui assure qu’un mensonge est pardonnable… si les intentions sont bonnes.
Patrick TARDIT
« Eleanor the great », un film de Scarlett Johansson, avec June Squibb (sortie le 19 novembre).