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« Elle s’appelle Barbara » mais aussi Umm Mohammed

« J’étais femme au foyer », prétend le personnage du film de Sérgio Tréfaut, une jeune mère et veuve d’un combattant de Daech.

Barbara est de ces jeunes Européens convertis à l’Islam et partis ensuite en Syrie et en Irak.

« Elle s’appelle Barbara », Barbara Gonzalez, née au Portugal, a grandi en France, a presque un visage d’enfant, a déjà deux enfants, est enceinte d’un troisième, dans ce camp irakien où elle est prisonnière, après la chute de l’état islamique. La comédienne portugaise Joana Bernardo incarne le personnage principal du film de Sérgio Tréfaut, réalisateur de nombreux documentaires, « Elle s’appelle Barbara » (« A Noiva », sortie le 28 juin). Elle s’appelle Barbara, mais aussi Umm Mohammed (mère de Mohamed), car elle est de ces jeunes Européens convertis à l’Islam et partis ensuite en Syrie et en Irak.

De ce camp où s’entassent femmes et enfants, veuves et orphelins, elle est conduite par des militaires dans une prison. Au milieu de la cour est installé un poteau d’exécution, plusieurs terroristes dont son mari vont y être exécutés, quelques secondes de fusillade, l’un après l’autre ; la séquence est tournée en caméra fixe sur le visage de la jeune femme, qui ne se dévoile complètement que lorsque c’est « le tour » de son mari. Interrogée par un général, qui lui rappelle que la France ne demande pas l’extradition des terroristes ni de leurs épouses, elle affirme avoir été piégée, qu’elle ne voulait pas venir en Irak, que son mari était cuisinier en France, qu’il n’était aussi que cuisinier au siège de Daech, qu’il l’a forcée à venir… « J’étais femme au foyer », prétend-elle plus tard au tribunal, mais confie à une autre prisonnière qu’elle a fabriqué des bombes artisanales.

De longues séquences, des plans fixes

Venue jusqu’en Irak pour retrouver et rapatrier le corps de son fils, sa belle-mère regarde à peine ses petits-fils, se désintéresse de sa belle-fille à laquelle elle glisse une enveloppe d’argent à la fin d’une visite rapide. La veille de son procès, c’est la visite de son père que Barbara reçoit en prison : « Je n’ai pas changé, Papa », assure-t-elle à l’homme inquiet. Avec le lecteur qu’il lui a apporté, elle fait entrer la musique (Amy Winehouse, « Back to black ») dans le monde de ses enfants qui n’en avaient jamais encore entendu au cours de leur courte vie.

Faisant entendre en voix off les prières intérieures de la jeune mère, Sérgio Tréfaut fait des choix précis de mise en scène, avec des séquences longues, des plans fixes ou presque, des scènes qui paraissent anodines, une lessive, des jeux d’enfants, un magazine feuilleté, un maquillage… Dramatique, pathétique, son film évoque la terrible situation de ces femmes, de ces enfants, mais l’incertitude du rôle réel de « Barbara », un manque d’empathie peut-être, empêche finalement de s’apitoyer sur son sort, qu’elle accepte de toute façon.

Patrick TARDIT

« Elle s’appelle Barbara », un film de Sérgio Tréfaut, avec Joana Bernardo (sortie le 28 juin).

Incarnée par la comédienne portugaise Joana Bernardo, la jeune veuve affirme avoir été piégée, qu’elle ne voulait pas venir en Irak, que son mari l’a forcée à venir.
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