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Alice au pays qu’on surveille

Sous l’apparence d’un monde parfait, le film d’Olivia Wilde « Don’t worry darling » camoufle une insidieuse oppression de la femme.

L’actrice Florence Pugh et la nouvelle pop star Harry Styles incarnent un jeune couple aimant, beau et souriant.

Comme en écho au monde totalitaire décrit dans le film d’Olivia Wilde, la projection de « Don’t worry darling » était sous surveillance au Casino de Deauville, en clôture du Festival du Cinéma Américain. Portables enfermés dans un sac plastique et vigiles équipés de jumelles infrarouges pour avoir l’œil sur les spectateurs, la parano anti-piratage des studios hollywoodiens n’était pas moindre que celle des maîtres du monde parfait imaginé dans cette fiction.

« Don’t worry darling » (sortie le 21 septembre) est le second film (après « Booksmart ») réalisé par Olivia Wilde, connue des téléspectateurs pour avoir incarné la jeune interne numéro 13 de la série « Dr House ». L’actrice et réalisatrice joue d’ailleurs dans son film une des épouses modèles de la communauté de familles idéales. Parmi elles, Alice et Jack (interprétés par l’actrice Florence Pugh et la nouvelle pop star Harry Styles) un jeune couple aimant, beau et souriant, qui réside dans une belle maison à l’intérieur design et l’esthétique chic des années 50. Comme tous leurs voisins. Chaque matin, ces messieurs montent dans leur belle voiture et vont travailler après avoir embrassé leurs belles et jeunes épouses qui, elles, restent à la maison. Au programme de ces femmes au foyer : faire le ménage, la cuisine, et se faire belles pour le retour du chef de famille.

La vérité est ailleurs

Mise sous surveillance, Alice a le sentiment qu’on lui cache la vérité.

Cette vie facile et forcément meilleure est réservée à une élite, promise par le Projet Victory, où oeuvrent les hommes, et un patron omnipotent et charismatique (joué par Chris Pine), sorte de gourou visionnaire, respecté et admiré. Mais dans cette bulle en plein désert californien, coupée du reste du monde, un grain de sable vient perturber le quotidien si bien réglé d’Alice ; dès lors qu’elle pénètre dans une zone interdite, elle a le sentiment qu’on lui cache quelque chose, que la vérité est ailleurs, ses questions entraînent la suspicion des voisines et sa mise sous surveillance.

Rejetant le contrôle absolu et inquiétant sur sa vie artificiellement confortable, Alice se sent piégée, prisonnière dans un univers à la « Truman Show » ou « Pleasantville ». La belle image du film et l’architecture géométrique et colorée camouflent en fait une insidieuse oppression de la femme. Le scénario malin, porté par de bons acteurs, cache l’envers du décor, une révélation inattendue à la façon de M. Night Shyamalan (« The Village ») qui nous téléporte brusquement dans un épisode de « Black Mirror ».

Comme l’héroïne de « Don’t worry darling », une autre jeune femme également prénommée Alice (jouée par Keke Palmer) se révolte et tente de s’enfuir de son monde dans un film sélectionné lui aussi au Festival de Deauville. Cette « Alice », film réalisé par Krystin Ver Linden (disponible en vod sur les plateformes, à partir du 26 septembre), vit au contraire dans un enfer : esclave noire d’une plantation de Géorgie, elle est humiliée, brutalisée, violée, par un cruel propriétaire blanc. Là aussi, les apparences sont trompeuses, et on se retrouve également d’un seul coup dans un autre univers, une autre époque. Ce qu’on croyait être un film historique sur l’esclavage devient alors un hommage à la Blaxploitation, ces films des années 70 avec Pam Grier en pétroleuse vengeresse, en pleine période du Black Power et de la lutte pour les droits civiques.

Patrick TARDIT

« Don’t worry darling », un film réalisé par Olivia Wilde, avec Florence Pugh et Harry Syles (sortie le 21 septembre).

« Alice », réalisé par Krystin Ver Linden, avec Keke Palmer (en vod à partir du 26 septembre).

Dans « Don’t worry darling », les femmes sont au foyer, à faire le ménage, la cuisine, et se faire belles pour le retour du chef de famille.
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