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Gérardmer possédée à distance

C’est en ligne que s’est déroulé le 28ème Festival du Film Fantastique, qui a décerné son Grand Prix à « Possessor » de Brandon Cronenberg, et a primé également deux films français « Teddy » et « La Nuée ».

Grand Prix de cette édition en ligne, « Possessor » de Brandon Cronenberg : la technologie permet à une tueuse de se glisser dans le corps d’autres humains.

Pour tous ceux qui ont l’impression de vivre dans un film de science-fiction depuis bientôt un an, la tenue du 28ème Festival du Film Fantastique de Gérardmer en est un nouveau signe. Certes, le festival vosgien, où furent projetés par le passé bien des films évoquant des virus mortels, s’est bien tenu en cette année pandémique 2021, du 27 au 31 janvier. Mais ce fut une édition pas comme les autres, sans projections ni spectateurs, une édition « virtuelle », uniquement en ligne, puisque les « festivaliers » ont eu la possibilité de visionner une trentaine de longs-métrages, chacun chez soi devant son ordi.

Gérardmer 2021, c’est donc une vraie sélection, de vrais jurys, celui des longs-métrages était présidé par Bertrand Bonello (le cinéaste de « Saint Laurent », « L’Apollonide », « Nocturama »…) et celui des courts-métrages par l’acteur Pio Marmaï ; de vraies conférences, enfin plus exactement des visio-conférences ; et donc de vrais festivaliers restés chez eux, privés de leurs rituels et de la neige vosgienne, mais pas privés de films et de leur dose d’effroi et de cauchemars. Avec au programme, d’habituelles histoires de vampires, maisons hantées, tueurs sanglants, manifestations bizarres, fantômes, morts-vivants, et même un croque-mort macabre, forcément macabre…

Et aussi, donc, un vrai palmarès, le Grand Prix ayant été décerné à « Possessor » (également Prix de la meilleure musique), le second film de Brandon Cronenberg, fils du grand cinéaste David Cronenberg (« La Mouche », « Crash », « eXistenZ », « Chromosome 3 », « Spider »…). Son héroïne subit elle aussi un confinement, mais à l’intérieur d’un autre corps : la technologie permet à une tueuse de se glisser dans la peau d’autres humains, et de leur faire commettre des crimes. Mais lorsque la meurtrière par procuration se retrouve piégée dans un « autre », on ne sait plus alors qui a pris possession de qui.

Les sauterelles ont le goût du sang

Anthony Bajon est « Teddy », Prix du Jury et du Jury Jeunes, un jeune homme qui s’accroche à sa copine blonde, et dont le corps se transforme les nuits de pleine lune.

Depuis toujours, le Festival de Gérardmer est le lieu de présentation des films de genre français, « Sheitan », « Martyrs », « Frontière »… auparavant, ou encore récemment avec « Grave » de Julia Ducournau et « Revenge » de Coralie Fargeat. « Le genre français peut tout à fait être inventif et exister à la condition d’accepter d’être français », estime Bertrand Bonello, et c’est le cas des deux films français sélectionnés parmi la douzaine de long-métrages en compétition, « La Nuée » et « Teddy », qui ont obtenus deux prix chacun. Deux films dont la sortie a été malheureusement reportée à cause de la fermeture des salles de cinéma, et deux films qu’on espère voir sur les écrans en 2021.

Prix du Jury, ex-aequo avec « Sleep » du cinéaste allemand Michael Venus, et Prix du Jury Jeunes, « Teddy » aurait assurément plu au public géromois, potache et connaisseur du genre. Réalisé par les frères Ludovic et Zoran Boukherma, cette sympathique pochade un peu bricolée avait déjà reçu le prestigieux label Cannes 2020, et avait été projetée « pour de vrai » au Festival de Deauville, où elle avait bien diverti le public. Anthony Bajon (vu dans « Au nom de la terre » et « La Prière ») y joue un branleur de campagne, quelque part dans le sud de la France, qui s’accroche à sa copine blonde alors qu’elle s’imagine déjà ailleurs. Après avoir été mordu par un animal, le jeune homme constate les transformations de son corps les nuits de pleine lune ; faut dire qu’un loup rôde autour du village, ou plus exactement, un loup-garou, qui n’attaque pas que les moutons. La soirée de loto dans la salle des fêtes communale sera sanglante.

Héroïne de la série « Zone blanche », tournée dans la région de Gérardmer, Suliane Brahim incarne dans « La Nuée » une éleveuse de sauterelles.

Sorte de mix de « Petit paysan » et de « La Mouche », « La Nuée », premier film de Just Philippot, a reçu le Prix du Public et le Prix de la Critique. Une jeune veuve, endettée et deux enfants à élever, s’y échine en vain à cultiver des sauterelles pour en faire de la farine ; après un accident, la paysanne découvre que ses insectes apprécient le goût du sang. Grâce à cette « potion magique », les bestioles deviennent de meilleures pondeuses, plus nombreuses, plus grosses… mais aussi plus voraces. Doté d’une bonne idée de scénario, « La Nuée » est surtout porté par sa formidable interprète, Suliane Brahim, qui incarne fiévreusement la folie progressive d’une femme. L’actrice connait bien les Vosges puisqu’elle joue l’héroïne de la série « Zone blanche », qui avait été tournée dans la région de Gérardmer et flirtait déjà avec le fantastique. Vous n’êtes pas prêt d’oublier le bruit des sauterelles, le soir, au fond des bois.

Esprit, es-tu là ? Oui !

Film de confinement tourné pendant le confinement, « Host » avait forcément sa place dans la sélection de Gérardmer 2021. Rob Savage a tourné ce film comme une réunion en visio-conférence, désormais banale. Chacune chez soi devant son ordinateur, un groupe de jeunes filles participe ainsi à une séance de spiritisme par Zoom. « Esprit, es-tu là ? », oui, il est là, mais fallait pas l’inviter, un esprit malin s’est glissé dans la conversation et ça va faire mal. Effets covid au cinéma : même terrorisée, une jeune fille met bien son masque avant de s’enfuir de chez elle, et quand elle retrouve une amie, elles ne se jettent pas dans leurs bras mais se tendent le coude pour se saluer !

Le scientifique du film de Gavin Rothery, « Archive » (hors-compétition), est lui aussi confiné mais volontairement, au cœur d’une forêt japonaise enneigée qui ressemble beaucoup à la forêt vosgienne. Seul dans un laboratoire secret, il tente d’insérer dans un robot l’esprit et la mémoire de son épouse défunte. Cela se passe en 2049.

Patrick TARDIT

« Host », visio-conférence en temps de confinement, une séance de spiritisme par Zoom très interactive.

Palmarès

Gérardmer-affiche

GRAND PRIX soutenu par la Région Grand Est : POSSESSOR de Brandon Cronenberg (Canada & Royaume-Uni)

PRIX DU JURY : SLEEP de Michael Venus (Allemagne)  et TEDDY de Ludovic & Zoran Boukherma (France)

MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE soutenu par la SACEM : Jim Williams pour POSSESSOR de Brandon Cronenberg (Canada & Royaume-Uni)

PRIX DE LA CRITIQUE : LA NUÉE de Just Philippot (France)

PRIX DU PUBLIC soutenu par la Ville de Gérardmer : LA NUÉE de Just Philippot (France)

PRIX DU JURY JEUNES de la Région Grand Est : TEDDY de Ludovic & Zoran Boukherma (France)

GRAND PRIX DU COURT MÉTRAGE : T’ES MORTE HÉLÈNE de Michiel Blanchart (France)

Infos sur festival-gerardmer.com

 

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