C’est avec humanité et compassion que la réalisatrice Sacha Polak raconte la difficile résilience d’une grande brûlée par l’acide.
« Si ton joli visage n’est pas pour moi, il n’est pour personne ». C’est avec ce raisonnement brutal que des hommes justifient d’horribles violences envers les femmes. Par dépit amoureux, ils sont nombreux en Angleterre à jeter de l’acide sur le visage de celle qui ne veut pas ou plus d’eux (454 attaques de ce type auraient été déclarées à Londres en 2016). C’est de ce fait-divers qu’est partie la cinéaste néerlandaise Sacha Polak pour imaginer, écrire, et tourner « Dirty God » (sortie le 19 juin).
Son personnage principal est une victime, Jade, qui sort de l’hôpital pour aller chez sa mère où elle vit avec sa petite fille. Elle porte un masque transparent sur la moitié du visage, qui ne cache pas vraiment grand-chose de sa peau, meurtrie, brûlée, blessée… jusque sur les bras, les épaules, le torse. Défigurée, la jeune femme fait même peur à sa propre fille.
Jade est interprétée par Vicky Knight, qui fait ici ses débuts au cinéma. Assistante médicale, cette jeune Britannique est une grande brûlée, pas par l’acide mais dans un incendie criminel alors qu’elle était enfant. Marquée à vie, elle avait diffusé une vidéo sur internet où elle racontait son histoire ; c’est par ce témoignage qu’elle a été repérée pour le film. « La vie de Jade et la mienne sont très similaires », assure Vicky Knight : « Je ne me résume pas à mes cicatrices », proclame-t-elle.
Le regard des autres sur « sa gueule »
Ces cicatrices apparaissent en gros plan à l’écran, attirant ou repoussant le regard, c’est selon. Jade rejette cette « peau de serpent », source de souffrance, douleur, de moqueries et mauvaises blagues. Elle ne supporte pas plus le regard des autres, qui la dévisagent, qu’elle ne se résigne à devoir « garder cette gueule » monstrueuse, jusqu’à se précipiter contre un mur.
Croisant des femmes voilées dans la rue, elle essaie un tchador, s’imagine sortir sans être vue, regardée, redécouvrant un sentiment de liberté en s’enfermant, en cachant son corps, son visage, sous du tissu. « Je suis maudite », dit Jade, « Mon dieu est un salaud », d’où le titre du film, ce « dirty god » qui ne fait rien pour elle. Si elle porte d’affreuses traces du passé, elle essaie d’en effacer une autre elle aussi ancrée dans sa peau, le tatouage d’une hirondelle en vol, le même que porte son agresseur, le père de son enfant.
Contrainte à la solitude et au sexe par internet, Jade fait la fête avec sa meilleure amie, qui la surnomme « sexy Dark Vador ». Mais Dark Vador quand même, elle prendre un boulot mal payé dans un centre de téléphonie, économise pour aller faire refaire son visage au Maroc, dans une clinique qui fait de la pub sur internet…
C’est avec humanité et compassion que la réalisatrice Sacha Polak raconte la difficile résilience de Jade, notamment dans une scène très forte, Jade faisant à son amie le terrible récit de son agression. Malgré les obstacles, les déconvenues, les fâcheries avec sa mère, elle va faire son chemin, affronter le regard des autres, et enfin « accepter, oublier, avancer ». Avec ou sans « dirty god ».
Parick TARDIT
« Dirty God », un film de Sacha Polak avec Vicky Knight (sortie le 19 juin).