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« Mia et le lion blanc », le fauve et l’enfant

Le film familial de Gilles de Maistre est une fable écolo et humaniste, dans laquelle une future star fait ses débuts, la jeune Daniah de Villiers. Rencontre avec le réalisateur, l’actrice, et le zoologiste Kevin Richardson.

C'est un drôle de cadeau qui arrive dans la famille, le matin de Noël : un petit lionceau blanc.
C’est un drôle de cadeau qui arrive dans la famille, le matin de Noël : un petit lionceau blanc.

Voici la fable de ce Noël, car c’est au matin de Noël que se passe l’événement primordial du film de Gilles de Maistre, « Mia et le lion blanc » (sortie le 26 décembre). Dans les souliers de Mia et son frère Kevin est déposé un drôle de cadeau : un lionceau, un tout mignon et tout petit lion blanc, né dans la ferme familiale, en Afrique du Sud.

Mais Mia, petite fille qui vivait jusqu’alors en Angleterre avec sa famille, préférait le foot aux animaux qui l’entourent désormais. Jusqu’à l’arrivée de la boule de poils nommée Charlie, qu’elle va nourrir, laver, caresser, jouer avec ; le fauve et l’enfant s’apprivoisent mutuellement et grandissent ensemble. Petit lion deviendra grand, le big boy est de plus en plus big et de plus en plus dangereux, même pour son amie ; lorsqu’elle comprend que le beau et imposant fauve risque d’être vendu à des chasseurs, Mia se donne une mission : il faut sauver Charlie ! Ensemble, la gamine (qui elle aussi a bien grandi) et le félin vont donc s’échapper, traverser le bush jusqu’à une réserve, où le roi des animaux serait en sécurité.

Réalisateur de nombreux documentaires (dont « Le premier cri ») et de la série télé « Les petits princes », Gilles de Maistre a clairement l’ambition de « faire passer un message de sauvegarde de la nature ». Cette fois, c’est avec une fiction et ce film familial d’aventure, fable écolo et humaniste, que le cinéaste transmet ses idées : « Aujourd’hui, l’homme détruisant complètement la nature, il n’y a que lui qui peut freiner et changer les choses », confie-t-il.

Dans sa conception, « Mia et le lion blanc » est un pari fou. D’une part, le tournage s’est étalé sur trois ans, le temps de faire grandir à la fois enfants et lions ; d’autre part, il a fallu établir une relation de confiance entre des mômes et de vrais animaux sauvages, sous la responsabilité d’un spécialiste, le zoologiste Kevin Richardson. « On refuse le terme de danger, parce que si c’était dangereux, on ne l’aurait pas fait », assure Gilles de Maistre, « La méthode de Kevin Richardson, qu’il a expérimenté depuis une vingtaine d’années de création de vrais liens avec ces animaux, est la seule protection réelle qu’on peut avoir, c’est la protection de l’amour en fait. Un lion avec qui vous avez créé une relation n’a aucune raison de vous attaquer ».

C’est donc une certaine authenticité qui a été recherchée dans les rapports entre les animaux sauvages et les enfants. « Evidemment, il y a peu de gens qui deviennent amis avec des lions », convient le réalisateur, « Mais j’ai fait beaucoup de documentaires sur des gens qui ont sauvé des animaux sauvages, des éléphants, des tigres, etc, et il y a vraiment des relations improbables qui se créent entre animaux, humains, mais oui, ce n’est pas la norme ».

Daniah de Villiers : « Je ne connaissais rien du tout aux lions »

« Pour travailler avec des lions, il y a deux principes qui sont l’amour et la confiance », estime la jeune Daniah de Villiers.
« Pour travailler avec des lions, il y a deux principes qui sont l’amour et la confiance », estime la jeune Daniah de Villiers.

Ce n’est effectivement « pas la norme » ce qu’a vécu Daniah de Villiers, « the star of the movie » ; « avec le lion », ajoute la charmante demoiselle, confortablement installée dans un grand canapé du salon Bonaparte à l’Hôtel Shangri-La à Paris, entre Gilles de Maistre et Kevin Richardson.

Mia est son premier rôle au cinéma, mais à quinze ans la jeune fille a tout d’une future star, l’allure, la beauté, le sourire, et même le nom, Daniah de Villiers, prêt à claquer en grosses lettres sur les affiches. On comprend le réalisateur, qui a vu 300 enfants en Afrique du Sud, et a choisi cette enfant qui a suivi des cours de théâtre dès 10 ans, a joué dans des pubs dès 11 ans, des séries pour la télé sud-africaine, et a reçu un prix à Hollywood, dans un championnat junior des arts de la scène.

« Je ne connaissais rien du tout aux lions », confie Daniah, qui a donc grandi avec Charlie, le lion qui en fait s’appelle Thor. Originaire du Cap, toute la famille de Villiers a déménagé à Johannesburg, pour que la petite blondinette puisse être en contact régulier avec son drôle de partenaire, que chacun puisse « s’imprégner » de l’autre, qu’elle soit « adoptée » par le lion. « Il faut beaucoup de courage pour travailler avec des lions, il y a deux principes qui sont l’amour et la confiance », dit-elle, « J’espère que ce film inspirera des enfants, qui à leur tour inspireront d’autres enfants ».

« Il y a eu un vrai travail d’apprentissage de quelque chose d’unique, ce qu’a fait Daniah est un énorme travail, j’aurais été incapable de le faire », précise Gilles de Maistre. « Comme elle ne connaissait rien aux lions, elle était comme une page vierge, comme une éponge prête à absorber tout cela, sans idées préconçues », ajoute Kevin Richardson, « Elle écoutait vraiment ce que je lui disais, et elle le faisait, j’ai pu lui apprendre les choses parce qu’elle était véritablement à l’écoute. Daniah a été extrêmement choquée d’apprendre que les lions étaient élevés dans des fermes pour plus tard, hélas, être abattus, et aujourd’hui elle est l’ambassadrice de notre fondation ».

« La relation entre le lion et Daniah était dans le regard et les mains de Kevin, qui décrypte complètement la façon dont ses animaux réagissent », raconte le réalisateur, « Bien sûr ça contraint le tournage, mais tout le principe était d’abord de faire un tournage éthique, on a récupéré des lions de fermes de chasse, les lions ont été respectés comme des acteurs, ils n’ont jamais été dressés, mais apprivoisés, et c’est Kevin qui disait si on pouvait tourner ou pas ».

« La première année, toute l’équipe était en liberté avec le lion bébé, quand le lion avait un an et demi j’étais toujours en liberté avec eux », dit Gilles de Maistre, « Plusieurs personnes se sont relayées autour des lions pendant les trois ans, et la dernière année toutes étaient parties parce qu’elles avaient peur. A la fin, il ne restait plus que Daniah, Kevin, et Ryan qui joue le frère, tous les autres étaient partis », précise le réalisateur qui, comme tout le reste de l’équipe, était alors en cage.

Kevin Richardson a-t-il pu promettre aux parents de Daniah qu’elle ne serait jamais ni en danger ni blessée ? « Non », répond-il aussitôt. La jeune fille porte d’ailleurs des cicatrices, des traces de griffures. « Le risque était si petit par rapport à la récompense », estime le zoologiste, « C’était impressionnant de la voir avec Ryan travailler et se comporter avec les lions, je ne suis pas sûr que j’aurais eu ce courage à quinze ans ».

Kevin Richardson, « l’homme qui murmure à l’oreille des lions »

« J’ai commencé à travailler avec les lions à 22 ans, aujourd’hui j’en ai 44 et je ne le ferai pas », confie Kevin Richardson, qui a « interagi » avec plus de cent lions.
« J’ai commencé à travailler avec les lions à 22 ans, aujourd’hui j’en ai 44 et je ne le ferai pas », confie Kevin Richardson, qui a « interagi » avec plus de cent lions.

« On a tous en nous cette possibilité d’interagir, de communiquer avec les animaux, mais la plupart du temps nos inhibitions grandissent et nous avons des barrières que nous ne voulons pas forcément faire tomber », affirme Kevin Richardson, « l’homme qui murmure à l’oreille des lions », ainsi qu’était titré le documentaire que lui a consacré Gilles de Maistre. Un être « mi-homme, mi-lion », assure Mélanie Laurent (qui joue la maman de Mia), « Il prend aussi des bains dans les rivières avec des hyènes ».

L’homme a pourtant l’air tout à fait civilisé à Paris, habillé d’une chemise en jean au logo de sa ferme. C’est en effet dans la « Welgedacht Reserve », à une quarantaine de kilomètres de Pretoria, qu’a été tourné « Mia et le lion blanc ». « J’ai commencé à travailler avec les lions à 22 ans, aujourd’hui j’en ai 44 et je ne le ferai pas », confie Kevin Richardson, qui avait alors « l’énergie et l’enthousiasme ». Depuis, il a « interagi » avec plus de cent lions en vingt ans de collaboration avec le cinéma, décidant du planning de tournage en fonction du bon vouloir des animaux.

« Le côté sauvage est toujours là. Il y a beaucoup d’adultes qui pensent qu’ils peuvent gérer un lion, mais plus on est âgé et plus on a des peurs qui reviennent, alors que les jeunes sont plus innocents, ils n’ont pas d’a priori, il y avait une sorte de compréhension entre l’animal et les jeunes », dit-il, « Les jeunes croient réellement que le monde peut changer et qu’il va changer, contrairement à nous les plus vieux ».

Thor et les autres lions « acteurs » du film finiront tranquillement leur vie dans sa ferme, qui est un refuge, « un sanctuaire », pour tous les animaux menacés, dans un pays où la chasse en enclos est légale. En Afrique du Sud, on peut tuer lions, éléphants, girafes, rhinocéros… pour 25.000 dollars. « Il y a une prise de conscience réelle depuis cinq à dix ans, estime Kevin Richardson, « Nous avons toujours été une partie intégrante de la nature, mais on s’en est désolidarisé, c’est essentiel de se reconnecter à la nature pour réellement créer un changement politique qui ait du sens ».

Patrick TARDIT

« Mia et le lion blanc », un film de Gilles de Maistre, avec Daniah de Villiers (sortie le 26 décembre).

Daniah de Villiers avec Gilles de Maistre : « Ce qu’a fait Daniah est un énorme travail, j’aurais été incapable de le faire », assure le réalisateur.
Daniah de Villiers avec Gilles de Maistre : « Ce qu’a fait Daniah est un énorme travail, j’aurais été incapable de le faire », assure le réalisateur.

 

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