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« Célébration » d’un génie fragile

Consacré à Yves Saint Laurent, le documentaire d’Olivier Meyrou fait le portrait pathétique d’un vieil homme angoissé.

Assis à sa table de travail, Yves Saint Laurent apparaît tel un vieil homme malade, perdu ailleurs.
Assis à sa table de travail, Yves Saint Laurent apparaît tel un vieil homme malade, perdu ailleurs.

Cet homme est décidément un bon sujet de cinéma. Gaspard Ulliel a incarné « Saint Laurent » dans le film de Bertand Bonello, et Pierre Niney fut « Yves Saint Laurent » dans celui de Jalil Lespert. Après ces deux fictions, c’est le vrai Yves Saint Laurent que l’on voit cette fois dans le documentaire d’Olivier Meyrou, « Célébration » (en salles depuis le 14 novembre). Entre 1998 et 2001, le réalisateur s’était glissé « en immersion » dans la célèbre maison du « dernier des grands couturiers », dans les ateliers, les salons d’essayage, les couloirs feutrés où l’on murmure…

Cependant, Pierre Bergé, compagnon et mentor du couturier, s’est longtemps opposé à la diffusion de ce film, avant de finalement l’autoriser peu de temps avant sa mort (en 2017). Outre une projection au Festival de Berlin en 2007, cette « Célébration » arrive donc sur les écrans vingt ans après l’enregistrement des premières images, et dix ans après la disparition de Saint Laurent.

Le film sort vingt ans après le tournage des premières images.
Le film sort vingt ans après le tournage des premières images.

Le temps a passé, et il reste plusieurs célébrations dans ce film, celle d’un génie de la mode, de la création, des premiers essais tels une cérémonie, des défilés, y compris le grand défilé YSL au Stade de France, avant la finale de la Coupe du Monde de foot France-Brésil en 1998, où la marque apparaît comme un symbole français.

Tel un pantin absent au monde autour de lui

Mais l’essentiel de ce portrait a quelque chose de pathétique, à nous faire entrer ainsi dans l’intimité de ce vieil homme malade, boudeur et capricieux, qui a l’air d’un pantin, un fantôme fragile et angoissé. Assis à sa table de travail, dans son atelier, un crayon de papier dans la main, levée sur la feuille de dessin, il semble absent au monde autour de lui, ailleurs. Ses croquis sont pourtant guettés par tous, les assistants, sa chère Loulou de la Falaise, les petites mains qui l’appellent « monsieur Saint Laurent », et l’omniprésent Pierre Bergé, toujours dans l’ombre, comme le montre ce plan terrible où il apparaît derrière, à surveiller le maître.

A peine un sourire s’esquisse sur les lèvres de Saint Laurent, lors d’essais avec quelques-unes de ses mannequins vedettes, dont la toute jeune Laetitia Casta. « J’ai changé, j’ai décidé d’être heureux et de travailler dans le bonheur », confie-t-il lors d’une interview à New York. Personne n’y croit, surtout pas Pierre Bergé, qui dit de lui qu’il est « comme un somnambule » : « Il faut le laisser dans son monde à lui et il ne faut pas le réveiller ». Donc il le surveille dans son sommeil agité, pour éviter qu’il ne tombe.

Malgré une bande son parfois crispante, et une image pas toujours très belle, très nette, sa partie en noir-et-blanc confère à ce documentaire un caractère de document du passé, un film qui célèbre aussi « l’élégance du cœur ».

Patrick TARDIT

« Célébration », un film d’Olivier Meyrou (en salles depuis le 14 novembre).

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