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« Le Jeu » dangereux de la vérité

« C’est une comédie à suspense, un thriller où on se marre », dit Fred Cavayé de son film, où tous les secrets sont dans les portables.

Sept amis autour d'une table et les portables au milieu : la mauvaise soirée peut commencer.
Sept amis autour d’une table et les portables au milieu : la mauvaise soirée peut commencer.

« Pas de chance, vous avez un message ! ». Il sonne juste le slogan sur l’affiche du film de Fred Cavayé, « Le Jeu » (actuellement en salles). Car c’est un dangereux jeu de la vérité auquel participent sept personnages (joués par Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Dora Tillier, Vincent Elbaz, Grégory Gadebois, Roschdy Zem, Stéphane de Groodt) lors d’un dîner entre amis. Mettre tous les portables au milieu de la table, et lire à voix haute les messages, visionner les photos, écouter les communications… tout ce qui sort de ces satanés appareils.

« Je veux ton corps », dit le tout premier message de la soirée arrosée. Car, évidemment, le jeu d’un soir d’éclipse va dégénérer en jeu de massacre, révélant les petits et grands secrets de chacun ; il y aura des engueulades et quelques baffes

dans ce film grinçant aux dialogues bien écrits. « En amour comme en amitié, il vaut mieux ne pas tout savoir », dit un des convives. « Au risque de contredire cette réplique, je ne suis pas trop d’accord, mon point de vue personnel est que dans la majorité des cas la vérité est vecteur de santé », confie Dora Tillier, « Ne pas dire les choses ça finit par créer des malaises ».

« J’aime les films ludiques », dit Fred Cavayé, qui a construit « Le Jeu » avec la même mécanique efficace de ses films d’action, « Pour elle », « A bout portant », « Mea culpa » (il a aussi réalisé la comédie « Radin ! », avec Dany Boon). Interview du cinéaste à l’occasion de l’opération Ciné Cool, lors de la présentation de son film à l’UGC Ciné-Cité de Ludres, où il était accompagné des actrices Suzanne Clément et Dora Tillier.

« C’est vraiment un film de comédiens à 90 % »

Comment avez-vous été amené à tourner « Le Jeu », qui est adapté d’un film italien, « Perfetti Sconosciutti » de Paolo Genovese ?

Fred Cavayé : Le film original italien est sorti il y a trois ans en Italie ; les producteurs italiens l’ont envoyé à mon agent, ils avaient cette velléité de voir si un Français pourrait être intéressé par l’adaptation. Mon agent, qui me connaît bien, a vu tout de suite que ce film correspondait à ce que je pouvais rechercher à ce moment-là, c’est-à-dire un vrai film de comédiens, j’avais envie d’aller vers un travail moins lourd en machinerie. Là j’étais servi, parce que c’est vraiment un film de comédiens à 90 %. Sur le papier, on peut se dire que c’est un décor unique, et que ça va être moins compliqué que de défoncer un TGV comme dans « Mea culpa » ; et il s’avère qu’ un film comme ça, qui a une unité et lieu et une unité de temps, c’est encore plus compliqué à mettre en scène,.

Qu’est-ce qui vous a fait passer des films d’action aux comédies, vous en aviez marre des poursuites en voiture et des acteurs qui courent avec des pistolets ?

J’avais fait ça trois fois, et j’aime avant tout le cinéma. Quand je suis spectateur, je ne vais pas voir qu’un type de films, quand je suis réalisateur c’est un peu la même démarche, je ne veux pas me cantonner dans un seul genre. Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des histoires qui me passionnent et me permettent d’avoir l’axe pour traiter des sujets qui m’intéressent. Et là, il y avait sept possibilités de sujets différents, des problématiques assez variées, tout de suite j’ai vu qu’il y avait l’axe pour faire le film qui allait me plaire. Les comédies, c’est des films où on peut traiter plein de sujets différents, et avoir des personnages avec plein de facettes différentes. Dans le jeu, on peut passer du rire à l’émotion, dans un thriller c’est plus compliqué.

« Le portable nous referme sur nous, c’est pas collectif »

Fred Cavayé : "J'aime les films ludiques", dit le réalisateur.
Fred Cavayé : « J’aime les films ludiques », dit le réalisateur.

Tourner entièrement dans un lieu unique a dû être un casse-tête de mise en scène ?

C’est ça qui est intéressant pour un metteur en scène : comment je peux mettre du rythme et faire un film qui est presque la continuité logique de films que j’ai pu faire précédemment, des films à suspense ? Le genre n’existe pas, mais c’est une comédie à suspense, on se demande ce qui va arriver comme textos, et même on craint les textos qui peuvent arriver. Et surtout le challenge, c’est de faire oublier l’unité de lieu. Je voulais qu’on oublie que c’est un huis-clos, grâce aux personnages, on suit le film presque comme un thriller, un thriller où on se marre, enfin j’espère. Comme les films d’horreur, c’est jubilatoire parce qu’on se fait plaisir à avoir peur, c’est mieux que ça arrive à la personne qui est à l’écran qu’à nous, là c’est un peu ça aussi.

Qu’est-ce que cela fait de tourner un remake, alors que vos films ont fait l’objet de remake, notamment « Pour elle » par Paul Haggis ?

J’ai été remaké cinq fois. « Pour elle », il y a aussi une version turque ; « A bout portant », il y a une version coréenne et indienne, et Netflix en fait une version américaine ; les droits de « Mea culpa » ont été achetés. Mark Wahlberg avait acheté les droits de « A bout portant », et m’avait proposé de le refaire avec lui, mais le film ne s’est pas fait. Le record c’est Francis Veber, qui a été remaké huit fois. En ayant été de l’autre côté cinq fois, je peux me l’autoriser une fois. Ce n’est pas très courant en France de faire un remake, même si ça existe plus qu’on croit, mais ça fait des films nouveaux à part entière ; quand vous faites une adaptation, il n’y a plus qu’une vérité qui compte, c’est celle du film que vous êtes en train de faire. Il y a des choses que j’étais persuadé d’avoir inventées et qui sont dans l’original, et d’autres que je croyais dans l’original et que j’ai inventées.

Est-ce qu’avec ce film vous allez lancer une mode, un nouveau jeu en société dans les dîners ?

Je ne sais pas, sans doute que les gens vont jouer, proposer, ça peut être le point de départ de problèmes. Après, je suis admiratif de la personne qui ne regardera pas son portable pendant un dîner de trois heures, moi perso lors d’un dîner, je peux aller voir sur twitter et instagram si on parle de moi. Maintenant, le moindre temps de pause, vous l’occupez avec votre portable, je me suis surpris à faire ça. J’aime faire des films universels et le portable maintenant, tout le monde en a un. Le portable nous referme sur nous, c’est pas collectif, c’est un outil de communication, mais c’est un truc qu’on regarde tout seul généralement.

Propos recueillis par Patrick TARDIT

« Le Jeu », un film de Fred Cavayé (actuellement en salles).

Tout semble bien aller entre les amis, mais il y aura des engueulades et quelques baffes.
Tout semble bien aller entre les amis, mais il y aura des engueulades et quelques baffes.
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