Déficit explosif, récession masquée et Sécurité sociale en péril : l’économiste Marc Touati tire la sonnette d’alarme sur une situation qui rappelle dangereusement la crise grecque de 2010.

Une récession camouflée par des artifices comptables
L’Institut national de la statistique (INSEE) a beau afficher une croissance de 0,1% au premier trimestre 2025, la réalité économique française est bien plus sombre. Selon une analyse détaillée des comptes nationaux, si l’on retire la « formation de stock » — variable d’ajustement souvent utilisée pour lisser les statistiques — le PIB français s’est en réalité effondré de 0,84%.
Cette chute brutale n’a été observée que trois fois depuis 1950 : lors de la récession de 2008-2009, du second choc pétrolier en 1980 et de Mai 68. La France traverse ainsi sa quatrième récession technique consécutive, avec trois trimestres de baisse effective du PIB.
L’emploi en chute libre, sauf dans le public
Les chiffres de l’emploi confirment cette dégradation : l’emploi salarié a reculé de 0,1% au premier trimestre 2025, soit le deuxième trimestre consécutif de baisse. Sur un an, ce sont 93 800 emplois nets qui ont été détruits, dont 123 300 dans le seul secteur privé.
Paradoxalement, l’emploi public continue de progresser (+0,5%, soit 29 500 postes supplémentaires), portant le nombre de fonctionnaires à près de 6,1 millions. Depuis 2017, l’administration Macron a créé 378 600 postes dans la fonction publique, soit une hausse de 6%.
La Sécurité sociale au bord du défaut de paiement
Plus alarmant encore, la Cour des comptes annonce un risque de défaut de paiement de la Sécurité sociale dès 2027. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), créée en 1996 pour financer le « trou de la Sécu », arrive au bout de son enveloppe légale de financement.
Avec un déficit prévu de 22 milliards d’euros cette année contre seulement 10 milliards d’euros d’émissions autorisées pour la CADES, l’équation devient insoluble. Des retards de paiement de 3 à 6 mois sur les arrêts maladie sont déjà signalés par de nombreux chefs d’entreprise.
Le match France-Italie : 7-1 pour la péninsule
La comparaison avec l’Italie, longtemps considérée comme le « maillon faible » de la zone euro, est cruelle pour la France. Sur sept indicateurs clés, l’Italie surpasse désormais l’Hexagone :
- PIB par habitant : désormais équivalent, voire supérieur à celui de la France
- Croissance : +6,3% depuis 2020 contre +4,2% pour la France
- Déficit public : 3% du PIB contre 6% pour la France
- Dette publique : en baisse de 1,6 point depuis 2020, contre une hausse de 12 points en France
- Dépenses publiques : 50,6% du PIB contre 57,2% en France
- Balance commerciale : 48 milliards d’excédent contre 79 milliards de déficit français
Un scénario à la grecque qui se profile
Cette accumulation d’indicateurs au rouge rappelle dangereusement la situation de la Grèce en 2010. Même déni de réalité des dirigeants, mêmes écarts entre prévisions et réalité des déficits, même incapacité à mettre en œuvre des réformes crédibles.
La différence majeure : la dette française représente 3 500 milliards d’euros contre 350 milliards pour la Grèce à l’époque. Un « zéro de plus » qui rendrait toute crise systémique bien plus dangereuse pour l’économie mondiale.
Une thérapie de choc encore possible
Malgré ce constat alarmant, des solutions existent selon Marc Touati : baisse massive des impôts (CSG, impôt sur la production), réduction drastique des dépenses de fonctionnement (50 milliards d’économies possibles), lutte renforcée contre les fraudes fiscales et sociales, et modernisation du marché du travail.
Cette « thérapie de choc bienveillante » permettrait paradoxalement de réduire le déficit de 80 milliards d’euros tout en baissant la pression fiscale. Reste à savoir si la classe politique française aura le courage de l’appliquer avant qu’il ne soit trop tard.
Une lueur d’espoir dans la zone euro
Seule bonne nouvelle dans ce tableau sombre : l’inflation de la zone euro poursuit son reflux à 1,9% en mai 2025, offrant une respiration aux ménages européens après des mois de forte hausse des prix.