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La colère des paysans explose partout en France

Plusieurs actions agricoles se poursuivent cette nuit du 11 au 12 décembre sur les grands axes français. Derrière les barrages, une colère profonde nourrie par une crise sanitaire mal vécue, un malaise économique durable et un sentiment d’abandon généralisé.

Vaccination animale (dessin Anne-Marie/ Agathe Dream Digital)
Vaccination animale (dessin Anne-Marie/ Agathe Dream Digital)

Une colère qui ne faiblit pas

Après plusieurs journées de tensions, les mobilisations agricoles continuent de perturber routes et villes du Sud de la France. Si les blocages évoluent d’heure en heure, le message des paysans, lui, reste le même : ils n’en peuvent plus.
Du pied des Cévennes aux plaines ariégeoises, la colère n’est plus seulement circonstancielle. Elle est devenue un cri d’alarme.

La crise sanitaire comme étincelle

Le déclencheur le plus immédiat remonte à la gestion des foyers de dermatose nodulaire contagieuse, une maladie touchant les bovins.
Dès l’annonce de l’abattage préventif de troupeaux entiers, les réactions ont été vives. Dans plusieurs fermes du Sud-Ouest, des éleveurs ont tenté de s’opposer physiquement à l’arrivée des services vétérinaires. « On nous enlève nos bêtes alors qu’on a respecté toutes les règles. On ne nous écoute plus », témoigne un éleveur sous couvert d’anonymat.
Pour beaucoup, l’État a pris des décisions jugées brutales, sans dialogue suffisant, ni garanties d’indemnisation à la hauteur des pertes.

Une fragilité économique devenue insoutenable

Mais réduire la mobilisation actuelle à la seule crise sanitaire serait une erreur. Depuis des années, les agriculteurs voient leurs marges se réduire à peau de chagrin.

  • Prix de vente trop bas
  • Coûts de production en hausse constante : carburant, alimentation, matériel
  • Charges et assurances en augmentation

« Nous travaillons à perte un jour sur deux », répètent nombre d’entre eux. Le décalage entre le prix payé au producteur et le prix final en rayon est devenu un symbole de leur frustration.

Le ras-le-bol administratif

À ces difficultés économiques s’ajoute une exaspération administrative qui ne cesse de monter. Beaucoup dénoncent « une bureaucratie devenue « ingérable » : normes environnementales multiples, contrôles réguliers, paperasse croissante pour accéder aux aides européennes. Un jeune agriculteur résume : « Je fais plus de paperasse qu’un comptable. Ce n’est pas pour ça que j’ai repris la ferme familiale. »

Le poids des normes environnementales

La transition écologique est au cœur des critiques. Sans rejeter les enjeux environnementaux, les agriculteurs dénoncent des décisions prises « sans compréhension des réalités du terrain ». Restrictions d’irrigation, zones protégées, interdictions successives de produits phytosanitaires… Chacun de ces dossiers ravive la sensation d’être désignés comme les coupables de tous les maux : pollution, artificialisation, perte de biodiversité.
Beaucoup se disent stigmatisés.

Les importations au cœur des tensions

Autre sujet de discorde : les accords commerciaux internationaux et les importations de produits venus de pays ne respectant pas les mêmes normes que les producteurs français. « On nous impose des règles que les autres n’ont pas, et après on nous demande de rester compétitifs. C’est impossible », martèle un céréalier du Gers.
Cette impression d’injustice nourrit un sentiment profond de déclassement.

Un sentiment d’abandon généralisé

Au-delà des revendications sectorielles, c’est toute une profession qui exprime un malaise social, parfois existentiel.
Perte de repères, isolement en milieu rural, fermetures de services publics, difficultés à trouver une relève familiale…
Le message est clair : les agriculteurs ont le sentiment que leur rôle n’est plus reconnu, alors même qu’ils nourrissent le pays.

Et maintenant ?

Le gouvernement a multiplié les annonces ces derniers jours, mais les syndicats jugent les réponses insuffisantes ou trop tardives. Les agriculteurs exigent :

  • un dialogue sanitaire réel,
  • un plan de soutien économique durable,
  • une simplification administrative immédiate,
  • une protection commerciale plus stricte.

En attendant, les actions pourraient se poursuivre dans les jours à venir. Et pourraient agréger d’autres luttes sociales.

Un cri d’alarme devenu national

La mobilisation de décembre 2025 n’est pas un simple épisode de colère. Elle révèle une crise beaucoup plus large : celle de la place de l’agriculture dans la société française. Tant que les paysans auront le sentiment d’être incompris, dévalorisés ou fragilisés, les blocages risquent de se multiplier.
Le pays, lui, semble remettre la question agricole au centre du débat.
Enfin.

Actions, blocages et perturbations

En Occitanie / Autoroute A75 (Lozère) :

  • L’A75 est bloquée dans les deux sens entre Peyre-en-Aubrac et Le Buisson par des tracteurs et cortèges d’agriculteurs, créant d’importants bouchons. Ce blocage a commencé jeudi soir et devrait se prolonger dans la nuit.
  • A9 près de Narbonne Sud et A61 (Sud-Ouest) : Des barrages et points de ralentissement importants sur l’A9 au niveau de Narbonne Sud (sortie 38) et sur l’A61 autour de Villefranche-de-Lauragais (entrées/sorties fermées).

Ariège — ferme bloquée et tensions :

En Ariège, des agriculteurs bloquaient l’accès à une ferme pour tenter d’empêcher l’abattage d’un troupeau de vaches suite à un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Tensions avec gendarmes, jets de pierres et lacrymogènes ont été signalés jeudi soir.

Rennes / Bretagne :
Jeudi en fin d’après-midi, des tracteurs ont convergé vers Rennes, provoquant une opération escargot sur la rocade et des perturbations dans le centre-ville avant dispersion en soirée.

Mobilisations prévues vendredi 12 décembre

Des restrictions de circulation sont annoncées à Agen dès vendredi matin, avec plusieurs voies fermées autour de la place principale.
De nombreuses mobilisations agricoles sont également prévues (à Arles notamment), avec rassemblements matinaux et actions symboliques.

À l’international

Même si ce n’est pas en France, des blocages agricoles importants continuent en Grèce avec fermeture de routes, ports et perturbation du trafic aérien dans plusieurs régions, dans le cadre d’une grève nationale des agriculteurs contre les retards de paiements de subventions et autres aides.

Causes principales des blocages (local et national)

Les actions sont motivées par plusieurs points de mécontentement agricoles :
🔹 Crise sanitaire animale — forte mobilisation autour des abattages liés à la dermatose nodulaire contagieuse et la gestion de cette crise dans plusieurs départements (Ariège, Hautes-Pyrénées…).
🔹 Problèmes de gestion agricole et  réglementaire — colère contre certains textes, contraintes administratives ou décisions de l’État.
🔹 Pressions économiques et politiques agricoles — revendications plus larges sur le revenu agricole, normes ou politiques territoriales (ex. SAGE).

 

 

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