Une grande manifestation est prévue à Béziers ce samedi 15 novembre pour alerter les pouvoirs publics sur la situation intenable des viticulteurs méridionaux. Cette mobilisation en rappelle d’autres.

Ce samedi 15 novembre 2025, la sous-préfecture de l’Hérault verra ses rues envahies par des milliers de vignerons en colère. Entre la fin des vendanges et l’ouverture du salon Sitevi (salon international des filières viticoles à Montpellier du 25 au 27 novembre), le peuple viticole du Languedoc sera mobilisé pour réclamer des réponses urgentes face à une crise qui ne cesse de s’aggraver.
Les revendications
Avec 80 000 habitants, Béziers est habituée aux grands rassemblements, mais l’ampleur de cette mobilisation témoigne de l’exaspération d’un secteur qui se sent abandonné par Paris et par Bruxelles. Les revendications sont multiples : valoriser le prix du vin à des niveaux rémunérateurs, réformer la distribution, réduire la production via arrachage et distillation, lever les contraintes françaises sur la production et la commercialisation, et déclencher des mesures d’urgence telles que la suspension des cotisations MSA ou une année blanche pour les exploitants en difficulté.
Un air de déjà-vu
La scène rappelle celle de Narbonne le 25 novembre 2023. Il y a deux ans, 6 000 manifestants avaient obtenu des promesses ministérielles et un fonds d’urgence de 80 millions d’euros, assorti d’un plan d’arrachage initialement évalué à 150 millions, puis réduit à 120 millions sur l’arrachage définitif fin 2024. Cette trajectoire jugée décevante alimente la frustration des vignerons de 2025, convaincus que seule une mobilisation massive et visible fera pression sur les décideurs.
« On ne voit le Midi à la porte des gouvernants que lorsqu’il est rouge », résume un vigneron béarnais.
Une colère historique
L’histoire des mobilisations viticoles dans la région est longue et intense. À Béziers, la fresque en hommage à Marcellin Albert, visible à l’angle de la rue des Capucins et de la rue Saint-Jacques, rappelle les manifestations de 1907. On y lit encore aujourd’hui : « Abère tant dé boun bi et pas pourré manger dé pan ! », un cri de détresse vieux de 118 ans. La fresque retrace également les « 12 degrés de la misère viticole », témoignant d’un combat séculaire pour obtenir des actions concrètes face à la précarité.
Des manifestations sous haute tension
Les syndicats appellent les participants à rester pacifiques, et la municipalité de Béziers assure la promotion de l’événement tout en protégeant le patrimoine public. Néanmoins, certains manifestants envisagent de passer par des négociants ou des enseignes de grande distribution au retour de la manifestation, laissant planer l’ombre de possibles actions spectaculaires.
La colère est alimentée par une récolte 2025 amputée par la canicule du 15 août, mettant en péril les investissements viticoles pour la campagne à venir. Les acteurs du secteur réclament désormais des réponses rapides du gouvernement et de la Commission européenne, sous peine de voir la situation sociale basculer. Les incidents récents — la DREAL soufflée à Carcassonne et la MSA incendiée à Narbonne début 2024 — illustrent l’explosion potentielle d’un malaise ancien.
Une mémoire de luttes
La mobilisation actuelle s’inscrit dans un continuum historique : manifestations de surproduction dans le XIXe siècle, événements marquants en 1930, 1955, 1967, 1971, 1975, 1976 et jusqu’aux actions spectaculaires des années 1960-1980 (blocus de Sète, sabotages chez les négociants, incendies). Ces épisodes rappellent que la viticulture languedocienne n’a jamais été épargnée par la colère collective lorsque les réponses politiques se font attendre.
Samedi, le vignoble occitan reprendra le flambeau de cette longue tradition de mobilisation : l’histoire se répète, et les rues de Béziers résonnent des mêmes revendications qu’il y a plus d’un siècle. Entre la colère et l’espoir, les vignerons de 2025 exigent aujourd’hui, plus que jamais, des actes.