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Le courage des « Enfants rouges »

Prix de la Presse au Festival de Fameck, le film de Lofti Achour est un drame poignant, tiré d’une histoire vraie », l’assassinat d’un jeune berger tunisien.

C’est bien sûr la couleur du sang qui éclate dans ce film tourné à hauteur d’enfant.

C’est comme une joyeuse échappée de deux gamins que commence le film de Lofti Achour, « Les enfants rouges » (sortie le 7 mai), Prix de la Presse au Festival du Film arabe de Fameck et présenté en avant-première aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer. Deux jeunes gardiens de chèvres, deux cousins, 14 et 16 ans, ont conduit leur troupeau dans la montagne l’Atlas, en Tunisie. Mais c’est dans une zone théoriquement interdite, dangereuse, minée, que les mômes insouciants ont pénétré, et où ils sont violemment agressés.

Lorsqu’il reprend ses esprits, Achraf est chargé par des djihadistes de ramener la tête de son cousin Nizar, qui était comme son grand frère, décapité. Arrivé au village, avec la tête dans un sac de sport, Achraf ne parvient d’abord pas à prévenir les adultes, à dire ce qui s’est passé. Lorsqu’enfin il fait son terrible récit, la tête est déposée dans le frigo familial. En attendant les obsèques, car la mère déchirée veut absolument enterrer son fils « entier ».

« Un film sur le traumatisme »

Nizar et Achraf, deux jeunes gardiens de chèvres, ont osé pénétrer dans une zone interdite de la montagne.

Tandis qu’une grande détresse plombe le village isolé, abandonné, devenu une curiosité médiatique, un petit groupe part dans les montagnes toutes proches. Malgré le danger, la présence des terroristes, l’expédition guidée par Achraf va à la recherche du corps de Nizar.

C’est « d’après une histoire vraie » qu’est tiré ce drame poignant filmé à hauteur d’enfant, l’assassinat d’un jeune berger en 2015. Une tragédie qui a bouleversé et sidéré la Tunisie, en pleine décennie noire de dictature islamiste. « A travers ce film, il ne s’agissait pas seulement de raconter un crime effroyable, mais de documenter un moment clé de notre histoire contemporaine. Ce drame cristallisait à lui seul l’abandon des populations rurales, la barbarie terroriste, la faillite politique et la dérive médiatique », précise Lofti Achour, qui a voulu faire « un film sur le traumatisme ».

Dans le paysage rocailleux de la montagne, le réalisateur apporte de l’humanité par la douceur d’une gamine et la présence fantomatique du supplicié. Une expression locale veut que « Les enfants rouges » soient des enfants courageux, vaillants. Mais c’est bien sûr la couleur du sang qui éclate ici.

Patrick TARDIT

« Les enfants rouges », un film de Lofti Achour (sortie le 7 mai).

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