, École de Management de Normandie
Le 29 septembre 2016, Manuel Valls annonçait une petite révolution dans le financement des régions françaises : la fin de la DGF au profit d’un reversement d’une part de la TVA.
Une autonomie fiscale pour les régions, enfin !
Jusqu’alors, les régions étaient les dernières collectivités territoriales à ne pas bénéficier d’une fiscalité autonome. L’annonce du premier ministre constitue de ce point de vue un tournant. Le budget des régions françaises ne dépendrait plus des dotations de l’État mais des recettes de la TVA (par ailleurs en hausse de 2,5 % pour 2015).
3 %, c’est la part envisagée qui serait reversée aux régions, soit 3,85 milliards d’euros pour 2018, date du début des transferts. Cette autonomie financière est d’autant plus importante que la loi NOTRe a transféré de nouvelles compétences aux régions, en particulier sur le développement économique.
Réforme territoriale : décentralisation ou rationalisation ?
Entre 2002 à 2012, les dépenses des régions ont augmenté de 86,4 % ! Avec le début de la crise en 2008, on s’attendait à ce que ces dernières resserrent de manière drastique leurs dépenses. Pourtant, dans son rapport d’octobre 2014, la Cour des comptes montre du doigt les collectivités territoriales et explique qu’elles n’auraient pas cherché à réaliser des économies budgétaires et à contribuer ainsi à la réduction des déficits publics.
La masse salariale continue d’augmenter, les régions continuent de prendre de nouvelles compétences. Dans le même temps, la Cour des comptes remarque que le déficit des collectivités locales a été multiplié par deux en 2013. Il en ressort que les principes de l’autonomie financière décrits dans l’article 72-2 de la Constitution sont mis à mal.
Les finances locales arrivent au terme d’une période de relative facilité. Dès lors, la réforme en cours ne peut être uniquement une transformation de l’architecture institutionnelle et se limiter à une réduction du nombre de régions. Peut-on réussir une réforme territoriale sans les facilités financières qui ont traditionnellement scellé le consensus ? Une réforme territoriale économe est-elle possible ?
L’objet de la réforme en cours se distingue de celles opérées depuis près de trente années en ce qu’elles ne visent pas à décentraliser davantage, c’est-à-dire à augmenter le volume des finances locales. Elle ambitionne de rationaliser l’organisation décentralisée, de la renforcer de l’intérieur afin d’en améliorer les performances. De ce point de vue, l’annonce du 29 septembre du Chef du Gouvernement est bien reçue par les présidents de régions qui y voient un signal positif vers une plus grande autonomie financière.
De la nécessité de financer les transferts de compétences pour les régions
Jusqu’alors, d’importantes transformations sont intervenues dans les structures territoriales, les compétences des collectivités et le système de financement. Mais, ces changements n’ont ni cherché, ni assuré une cohérence entre les fonctions attribuées et les ressources. Les ajustements ont bien souvent été faits au coup par coup, par correction de défauts de la fiscalité ou révision des dotations en tant que telles.
Il en résulte un rapport de la Cour des comptes publié en 2009 dans lequel on peut recenser des termes tels qu’« un financement complexe et toujours contesté de la décentralisation », « une réforme institutionnelle ambitieuse au financement incertain », « l’opacité des mécanismes de financements ».
Toutes les réformes passées ont eu des coûts, souvent élevés, tant pour l’État que pour les collectivités territoriales. Bien qu’effectuées au nom d’une plus grande efficacité de l’action publique, elles ont engendré des dépenses supplémentaires, justifiées par davantage de service public ou d’investissements, ou facilitées par l’alibi même de la réforme et par les financements qui l’accompagnaient.
L’exemple du transport ferroviaire est à cet effet éclairant. Lorsque la région a récupéré la compétence, l’impact pour les usagers a été bénéfique (modernisation des lignes TER, amélioration de la fréquence des passages de trains) mais a eu un coût très élevé entraînant un important effort financier à la charge des contribuables. En conséquence de quoi, l’augmentation continue et rapide des dépenses locales a entraîné un gonflement des budgets des régions. En moyenne, la part du budget total d’une région dévouée à la compétence « TER » s’élève à 20 %.
L’augmentation du portefeuille des compétences des régions trouvera-t-il un moyen de les financer via la TVA ? C’est nécessaire !
Sebastien Bourdin, Enseignant-Chercheur à l’Institut du Développement Territorial (IDéT), Laboratoire Métis, École de Management de Normandie
This article was originally published on The Conversation. Read the original article.