« On rêve souvent d’avoir d’autres parents », constate Ivan Calbérac, qui a tourné « Venise n’est pas en Italie », une tendre comédie avec Valérie Bonneton et Benoît Poelvoorde.
Comme dans la chanson de Reggiani, « Venise n’est pas en Italie », en fait Venise c’est « l’endroit où tu es heureux », dans le roman, le spectacle, puis le film de Ivan Calbérac (sortie du film le 29 mai). Quitte à être corrigé par ses lecteurs et spectateurs, l’auteur et réalisateur a bel et bien choisi ce titre, « Venise n’est pas en Italie ». « J’avais le roman en tête, je l’ai écrit quasiment d’une traite, en pensant en faire un film », dit-il. Lors de la sortie du livre, une lecture par le comédien Thomas Solivérès, qui en jouait tous les personnages, change les plans : « En fait, il en a fait un seul en scène qu’il a joué à Avignon et Paris, en tournée, et qui sera repris à la rentrée, c’était une aventure magnifique », raconte Ivan Calbérac.
Réalisateur de « Irène », « On va s’aimer », « Une semaine sur deux », Calbérac passe aisément du théâtre au cinéma, ainsi qu’il l’a déjà fait avec « L’Etudiante et Monsieur Henri » ; et le fera peut-être de nouveau avec « La Dégustation », sa pièce qui vient de recevoir le Molière de la comédie. La comédie est assurément son élément, et c’est un duo spécialiste du genre qu’il a choisi pour êtres les têtes d’affiche de son film, Valérie Bonneton et Benoît Poelvoorde.
« On a ri, mais ri », assurait Valérie Bonneton aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où elle accompagnait le réalisateur, et où elle a découvert « Venise n’est pas en Italie » avec le public. C’est bien sûr pour leur « grain de folie », pour qu’il y ait « des étincelles », qu’Ivan Calbérac les avait réunis, et sur le tournage il n’a pas été déçu : « Quand ça prenait des proportions, j’étais obligé d’intervenir, mais j’avais très vite ce que je voulais », dit-il. « Avec Benoît ça marche, c’est quelqu’un d’instinctif », ajoute Valérie Bonneton.
« Impossible n’est pas Chamodot »
Effectivement, les deux s’en donnent à cœur joie dans cette tendre comédie, où ils jouent un couple, Annie et Bernard Chamodot, mais dont le personnage principal est bien leur fiston, Emile, joué par le jeune Hélie Thonnat. Un gamin de 14 ans, timide, délicat, surdoué en maths : « C’est un adolescent un peu exclu, au collège il ne fait pas partie de la bande des cools, il se fait un peu chambrer, c’est important que le héros soit un peu en marge », précise Calbérac. Car Emile est aussi un ado qui passe régulièrement « à la couleur », les cheveux teints en blond par sa mère pour « augmenter son capital de départ », et qui vit dans une caravane avec ses parents aussi exubérants qu’encombrants.
Ce qu’il ne peut bien sûr pas dire à la jolie Pauline aux yeux bleus (Luna Lou), dont il tombe amoureux, une demoiselle de bonne famille (papa est chef d’orchestre), qui joue de la harpe, et habite dans une belle et grande maison. Lorsque Pauline l’invite à la rejoindre à Venise pendant l’été, finalement c’est toute la famille Chamodot qui part vers l’Italie en caravane et vieux break : « Impossible n’est pas Chamodot », répète le père. Un road-movie forcément galère et une « histoire en partie autobiographique » : « Mes parents m’ont vraiment teint les cheveux en blond de 7 à 13 ans, et j’ai aussi vécu dans une caravane pendant un an », raconte Ivan Calbérac.
« Je viens d’un milieu modeste et d’une famille un peu barrée. Ils m’ont forcé à faire des mathématiques pendant des années, parce qu’ils avaient peur que je ne trouve pas un métier plus tard. C’est pour ton bien, c’est toujours un argument un peu dangereux », dit le réalisateur, « Maintenant que je fais du cinéma, il me dise : C’est grâce à nous ».
« Une famille sans filtre, qui assume ses différences »
Avec un choc social entre deux familles, la honte de parents fantasques mais aimants, cette histoire est une façon légère d’évoquer l’éducation, l’hérédité, la transmission. « Les parents ont toujours du mal à accepter leurs enfants tels qu’ils sont, et réciproquement. Cette teinture est la métaphore de toutes les éducations qui demandent à l’enfant d’être comme ci comme ça ; souvent inconsciemment, on demande des choses à nos enfants, on leur en impose malgré tout », constate Ivan Calbérac, « Pareil, quand on est enfant, on a du mal à accepter ses parents tels qu’ils sont, on rêve souvent d’avoir d’autres parents, et que ce serait forcément mieux ; ça c’est vraiment autobiographique, je rêvais d’avoir une autre famille. Finalement, avec le temps, je me suis rendu compte qu’elle n’était pas plus mal qu’une autre ».
« Cette histoire n’est pas formatée, et c’est touchant le regard que porte cet enfant sur ses parents, c’est une famille sans filtre, qui assume ses différences », dit Valérie Bonneton, connue du grand public notamment par la série « Fais pas ci, fais pas ça », vue dans de nombreuses comédies, dont certaines avec son complice Dany Boon, et la bande à Guillaume Canet (« Les Petits mouchoirs », « Nous vieillirons ensemble »). « Je viens du Nord, j’étais attirée par ça, je voulais faire du théâtre, mes parents ne voulaient pas », confie l’actrice, « Le personnage d’Emile me touche énormément, parce que je me revois aussi adolescente, je ne pensais pas réussir, être connue, tout ça, mais je rêvais de ça, j’ai toujours pensé que tout est possible dans la vie ». Et bien sûr, « Venise n’est pas en Italie », mais partout « où tu es heureux ».
Patrick TARDIT
« Venise n’est pas en Italie », un film de Ivan Calbérac, avec Valérie Bonneton, Benoît Poelvoorde, et Hélie Thonnat (sortie le 29 mai).