En envoyant les personnages dans la toile numérique, les Studios Disney ont imaginé un amusant divertissement, qui se moque gentiment des princesses maison.
Un gros balaise en salopette qui casse des briques, et une petite brunette à queue de cheval qui pilote plus vite que son ombre, étaient de nouveaux héros des Studios Disney dans « Les mondes de Ralph » (2012). Ce duo évoluait dans le monde des jeux d’arcade, qui a pris un bon coup de vieux avec la technologie numérique. Les réalisateurs Rich Moore (qui avait réalisé le premier film) et Phil Johnston ont donc téléportés Ralph et sa meilleure copine Vanellope dans le nouveau monde, celui d’internet, avec le film d’animation « Ralph 2.0 » (sortie le 13 février).
En fait, ils sont d’abord contraints de sortir de leur univers devenu, au mieux, vintage, sinon ringard. Princesse en son domaine, le jeu de poursuite « Sugar Rush », Vanellope craint que sa machine ne soit débranchée à cause d’un volant cassé. La pièce de rechange peut être dénichée dans un espace dont ils n’ont jusqu’alors jamais entendu parlé : internet (« C’est quoi wifi ? »). Ensemble, ils partent donc à la recherche du volant perdu, pénétrant dans un vaste monde inconnu et inexploré.
D’abord complétement perdus dans la toile, un univers agité et frénétique, ils vont y faire des rencontres, bonnes (une belle galerie de personnages de la galaxie Disney, Pixar, Fox…) et moins bonnes ; Vanellope découvre « une course infernale » bien plus stimulante que la sienne, Ralph fait le buzz avec des blagues, pour mieux se faire insulter ensuite, frappé alors par la méchanceté des réseaux sociaux. Leur amitié est mise à l’épreuve, elle resterait bien dans ce nouveau terrain de jeux, moderne et attirant, tandis que le géant au cœur tendre, « pot de colle possessif », préfèrerait rentrer chez lui. Il faudra qu’un méchant virus sème la panique pour que les amis se rassemblent.
Avec une bonne série de gags (un bug chez « Tron », un « bar de recherches », King Kong sur la tour google, les stormtroopers de Star Wars en vigiles, le dernier caméo de Stan Lee…) et un scénario malin sur l’univers du net, « Ralph 2.0 » est un film divertissant. La séquence la plus drôle est la rencontre de Vaneloppe avec les Princesses Disney, Cendrillon, Blanche-Neige, la Belle au bois dormant, Vaiana, la Reine des Neiges, Pocahontas, Raiponce, la Petite Sirène, Mulan… Les belles vont abandonner leur robe de bal pour enfiler une tenue décontractée, et passer un agréable moment de détente avec la gamine en pull à capuche.
« On voulait montrer que Disney ne se prend pas au sérieux »
Un vrai crime de lèse-majestés si ce n’était si réjouissant. « Il fallait trouver un juste milieu entre auto-dérision et hommage, c’est fait avec amour, on a pu le faire parce que nous sommes au sein de Disney, comme des blagues que vous faites avec votre famille ou vos amis, on a le droit de s’amuser, personne au studio ne nous a mis de limites, mais nous avons coupé ce qui n’était pas drôle », précisait Rich Moore, lors d’une conférence de presse au Bristol, à Paris. « C’est une comédie, on voulait montrer que Disney ne se prend pas au sérieux, c’est aussi un film sur l’amitié qui est déchirée et survit malgré ses fissures », ajoute Rich Moore (qui a également réalisé « Zootopie » et a longtemps travaillé sur les « Simpson »).
En explorant le net, Ralph et sa copine vont croiser de nombreuses marques et firmes du numérique, qui apparaissent de façon plus ou moins déguisée. « On n’a demandé aucune autorisation, si vous ne détournez pas ou ne dénigrez pas la marque, on peut l’utiliser, eBay ne savait pas qu’ils étaient dans le film avant la sortie de la bande-annonce », précise Phil Johnston.
Dans la version française, Ralph a repris sa voix, celle de François-Xavier Demaison : « C’est un bonheur de retrouver ce personnage tellement attachant, tellement tendre, qui a ce besoin d’amour irrépressible », dit le comédien, « Je crois qu’il a changé, au premier il voulait des médailles, il avait un besoin de reconnaissance, il voulait être un gentil ; là, il a construit une belle relation d’amitié avec Vaneloppe, mais ils sont dans une routine, elle veut en sortir, elle veut des sensations fortes, c’est une princesse moderne, elle sait ce qu’elle veut. Ralph va essayer de suivre et il va devoir comprendre qu’avoir une amie ce n’est pas être possessif, c’est la maturité, il faut qu’il apprenne tout ça ».
« Sur le premier film, on a créé un personnage en français, je pense, beaucoup plus empathique, plus naïf aussi parfois, ce qui fait qu’il est extrêmement attachant », ajoute Boualem Lamhene (direction créative voix Disney Pixar). « Quand on caste les comédiens, on leur demande de venir produire une version française, on respecte le fil conducteur de la version originale, mais on ne fait pas un copié-collé de l’acteur original, on lui demande de créer et construire un personnage », dit-il. « C’est très satisfaisant, on a l’impression d’y mettre notre patte », ajoute François-Xavier Demaison.
François-Xavier Demaison : « C’est d’une poésie incroyable »
C’est à Jonathan Cohen (créateur et interprète de la série « Serge le mytho ») que Boualem Lamhene a demandé de faire la voix française de Spamley : « J’ai un point commun assez fort avec Spamley, c’est le petit côté embrouilleur, gouailleur et tchatcheur. Faire un Disney une fois dans sa vie, c’est génial de faire partie de ce rêve-là », dit l’acteur. « Tout en respectant les intentions, il m’a laissé plein d’espace de liberté, c’est très agréable. On essaie de rester dans la modernité des films Disney Pixar, on ne parle pas aux enfants comme à des enfants, c’est des mini-adultes qui sont au fait de tout ce qui se passe aujourd’hui, on est dans la recherche de ce qui peut être le plus actuel et le plus percutant », dit Jonathan Cohen.
Tel Ralph qui débarque comme un gros lourdaud dans internet, on a tous eu le sentiment d’être dépassé devant son ordi : « On est toujours en décalage par rapport aux gens qui sont en pointe, on est toujours en retard quand on n’a pas quatorze ans, même si on utilise ces outils-là, j’ai trois ans de retard par rapport aux vrais gens qui sont connectés », estime Jonathan Cohen. François-Xavier Demaison se dit quant à lui « bluffé » par la façon dont les créateurs de chez Disney ont « reconstitué » l’univers du web : « C’est en droite ligne de Vice-Versa, où ils faisaient vivre le corps humain, l’esprit humain, là ils font vivre l’internet, je trouve ça génial, c’est d’une poésie incroyable, c’est les contes de fées du XXIème siècle ».
Comme pour faire plaisir aux parents, « Ralph 2.0 » montre aussi clairement les dangers et la violence d’internet : « J’ai 45 ans et j’ai connu le minitel, j’ai dû m’adapter », blague François-Xavier Demaison, « Alors que les enfants d’aujourd’hui sont nés dedans, ils connaissent les outils, ils ont tout digéré, et même ils en connaissent mieux les dangers, ils sont affranchis de tout ça. Le film décrit internet de manière très poétique, et puis il y a des petits messages qui sont jolis : ce n’est pas parce que tu as plein de followers que t’as plein d’amis, ce n’est pas parce que tu as des mauvais commentaires que t’es pas un type bien ».
Patrick TARDIT
« Ralph 2.0 », un film de Rich Moore et Phil Johnston (sortie le 13 février).