Pawel Pawlikowski a reçu le Prix de la mise en scène à Cannes pour ce superbe film, à la beauté tragique.
C’est « un amour impossible dans une époque impossible » que raconte Pawel Pawlikowski dans son film « Cold War » (sortie le 24 octobre). L’amour de Wiktor et Zula, couple auquel le cinéaste a donné les prénoms de ses parents, à qui le film est dédié, et dont il s’est inspiré de l’histoire mouvementée. Wiktor et Zula sont incarnés par Tomasz Kot et Joanna Kulig, lumineuse actrice au « charme slave » et à l’énergie explosive.
Dans les années 1950 et 1960, les amants vivent une passion sans frontières, font des allers-retours entre la France et la Pologne, Paris et Varsovie, l’Est et l’Ouest, alors que la guerre froide a tout gelé, jusqu’aux torrides élans amoureux. C’est en Pologne en 1949, dans l’après-guerre, qu’ils se rencontrent. Wiktor est musicien, chargé de lancer une compagnie de nouveaux artistes, un collectif folklorique chargé de jouer « la musique officielle du peuple » et d’entonner des chants à la gloire de la patrie et des grands leaders communistes. Il engage dans sa troupe une jeune fille blonde, danseuse, chanteuse, et bientôt amoureuse.
Une vie de bohème à Paris
Alors que la troupe fait le tour des capitales du Pacte de Varsovie, ils doivent profiter de leur passage à Berlin pour s’enfuir ensemble, passer à l’Ouest, pour toujours. Finalement, il est seul à traverser la frontière, va jouer du jazz à Paris, où elle le rejoint plus tard, et où ils connaîtront un temps une vie de bohème. Un temps seulement, car elle repartira en Pologne où il la suivra à son tour, sachant qu’il ne sera pas le bienvenu : le pianiste aura les doigts brisés dans les geôles staliniennes.
Prix de la mise en scène au Festival de Cannes, « Cold War » a été tourné avec la même image noir-et-blanc, absolument superbe, et ce format presque carré utilisés par Pawel Pawlikowski dans son film précédent, « Ida » (Oscar du meilleur film étranger). Cet esthétisme donne une beauté tragique à ce récit incroyablement romantique, emporté par la musique. A l’ouest, la liberté du jazz s’affranchit des contraintes traditionnelles polonaises ; et à Paris, un chant populaire devient une chanson d’amour jazzy. « Toute la vie je l’aimerai », chante Zula sur scène, et on sait que c’est vrai.
Patrick TARDIT
« Cold War », un film de Pawel Pawlikowski (sortie le 24 octobre)