La famille de super-héros revient sauver le monde dans un second épisode divertissant et très « girl power » : madame au boulot, monsieur à la maison.
C’était il y a quatorze ans, en 2004, avant que tous ces films de super-héros n’envahissent les écrans, à la limite de l’overdose. Un film d’animation mettait en scène une famille américaine presque comme les autres, les Parr, qui lorsqu’elle enfilait combinaisons rouges et masques noirs allait sauver le monde et faire leur fête aux méchants. A terre entière a alors applaudi les exploits des « Indestructibles », film réalisé par Brad Bird, qui avait fait 5,4 millions d’entrées en France, et rapporté 633 millions de dollars dans le monde.
C’était aussi le premier film des Studios Pixar dont les personnages principaux sont des humains ; auparavant, ils étaient jouets (« Toy Story »), voitures (« Cars »), créatures (« Monsters »), poissons (« Le monde de Nemo »)… Brad Bird, qui auparavant avait réalisé « Le géant de fer » et « Ratatouille » après, est à nouveau maître d’œuvre d’un second épisode avec sa famille préférée, « Les Indestructibles 2 » (sortie le 4 juillet). Un succès de cet été : le week-end de sa sortie aux Etats-Unis, il a battu le record de recettes pour un film d’animation (182,7 millions de dollars), et a déjà accumulé 500 millions en deux semaines sur le marché mondial.
L’adorable bébé devient démon
En quatorze ans, la technologie de l’animation a certes formidablement évolué, mais on retrouve les cinq Fantastiques tels qu’on les avait laissés. Les parents, Bob et Hélène, et les trois enfants, Violette, Flèche, et Jack-Jack, tous dotés de super-pouvoirs, y compris le petit dernier : en colère, l’adorable bébé se transforme en démon aux yeux rayons laser qui s’enflamme et se démultiplie. Mais même s’il est plus dangereux sans eux, le monde a choisi de se passer désormais des services des super-héros, contraints de raccrocher leurs costumes.
Un richissime magnat veut pourtant les réhabiliter et engage Hélène pour « redorer le blason des super-héros ». Avec une inversion des rôles jusqu’alors attribués, « Les Indestructibles 2 » est ainsi très « girl power » : c’est madame qui va aller au boulot, et monsieur qui va rester à la maison s’occuper des gosses. Parce qu’elle est plus glamour et fait bien moins de dégâts que son lourdaud de mari, madame part en mission sur sa super-moto électrique et va combattre les vilains.
Tandis que son épouse sauve le monde et une ambassadrice, Mr Indestructible se fait discret et découvre les joies d’être un bon père au foyer : faire des gaufres, endormir le petit, souffrir sur les devoirs du second, gérer la crise d’adolescence de l’aînée…
Brad Bird : « J’ai mes propres super-héros »
Lors d’une conférence de presse à Paris, au Mandarin Oriental, Brad Bird et ses producteurs Nicole Grindle et John Walker notaient combien chacun est bien à sa place chez les Parr : « Tous les membres de la famille peuvent utiliser leurs dons de super-héros pour aller plus loin dans la vie quotidienne », dit Nicole Grindle, « Le père est un symbole de force, la mère est écartelée dans tous les sens comme Elastigirl, Violette est une adolescente mal dans sa peau et a le pouvoir d’être invisible, Flash le petit garçon a beaucoup d’énergie et court dans tous les sens, et même le bébé qui ne découvrira l’étendue de ses pouvoirs qu’en grandissant ».
Entre les deux épisodes des « Indestructibles », Brad Bird a bien sûr observé l’afflux de tous ces films de super-héros : « En fait, ça a un peu cassé mon enthousiasme, ça m’a travaillé peut-être pendant une heure, et puis ce qui m’a plu c’est que c’est d’abord un film sur la famille », précise le réalisateur, « Quand j’étais enfant, les films de super-héros que je voyais à la télévision n’étaient pas très bien faits, alors que les films d’espionnage étaient mieux faits, il y avait de vrais méchants comme dans les James Bond ».
Avec un décor rétro-futuriste, une architecture très années 50, une musique aux tonalités sixties, un style vintage, et des gadgets à la James Bond, il a fait de sa superfamille des agents très spéciaux, et réalisé un film qui ressemble plus aux histoires d’espionnages passées qu’aux exploits invraisemblables des vengeurs masqués d’aujourd’hui. Brad Bird, qui a aussi tourné le spectaculaire « Mission Impossible : Protocole Fantôme » (avec Tom Cruise en rappel le long de la plus haute tour du monde), a bien sûr reçu des propositions de réaliser des films de super-héros, qu’il a décliné : « J’ai mes propres super-héros avec Les Indestructibles », sourit-il.
« Les méchants sont meilleurs quand ils ont un point de vue »
« Pixar apprécie la différence entre les réalisateurs, la force du studio c’est que chacun a sa propre voix originale, et qu’il nous donne l’opportunité d’être différent », assure Brad Bird, qui a rendu hommage à John Lasseter, créateur de Pixar et big boss de Disney Animation, en retrait depuis plusieurs mois de la société qu’il a fondé et va quitter à la fin de l’année, en raison de son « comportement » : « John Lasseter a été très impliqué dans le scénario, dans la création de l’histoire, et le projet n’aurait jamais vu le jour sans lui ». « Nous avons beaucoup de gratitude envers John d’avoir créé Pixar, qui a produit depuis vingt films originaux avec des réalisateurs différents », ajoutait Nicole Grindle, évoquant Domee Shi, qui a réalisé le court-métrage « Bao » (présenté en avant-programme des « Indestructibles 2 »), la première femme réalisatrice à signer un long-métrage chez Pixar.
Pour cette nouvelle aventure des « Indestructibles », Brad Bird a rejeté la « check-list » de ce qu’il faut remettre dans une suite pour satisfaire les spectateurs : « Quand le public a beaucoup aimé un film, il ne faut pas le décevoir avec le second, du coup c’est dur pour la créativité », convient-il. Mais il n’a pas hésité à recycler dans le second film des idées abandonnées pour le premier, telle la formidable scène de bagarre entre le bébé et un raton-laveur : « On aimait beaucoup l’idée que le public sache que Jack-Jack a beaucoup de pouvoirs différents, ce que ne sait pas sa famille ».
Il a aussi inventé un méchant galvanisé par un discours antisystème, anti-consumérisme, et quasiment lanceur d’alerte sur l’addiction aux écrans : « C’est un film et vous regardez l’écran », sourit Brad Bird. « Les méchants sont meilleurs quand ils ont un point de vue, même si leurs actions sont mauvaises, ils sont plus crédibles », ajoute le réalisateur, qui a tourné un vrai divertissement familial, avec de l’action, de l’humour, et des sentiments. Et une famille dont le plus grand des superpouvoirs est de rester unie pour vaincre les méchants.
Patrick TARDIT
« Les Indestructibles 2 », un film réalisé par Brad Bird (sortie le 4 juillet).