Pierre Rondeau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Les Jeux olympiques de Rio vont commencer et les organisateurs sont déjà en action. Ils ont annoncé que 450 000 préservatifs seront distribués pendant la compétition, soit 42 par athlètes et ce pour 15 jours de festivités. Déjà, à Londres, en 2012, 150 000 préservatifs avaient été donnés aux sportifs contre 90 000 aux JO de Pékin et d’Athènes, en 2008 et 2004, et 70 000 aux JO de Sydney, en 2000. L’évolution est constante et nous autorise à penser qu’il y a beaucoup de sexe pendant la compétition.
« Un lieu de débauche et de beuverie »
En 2012, la gardienne de la sélection américaine de football, Hope Solo, avait déclaré que « le sexe fait partie intégrante des Jeux olympiques. C’est 75 % de la quinzaine. On ne vit ça qu’une fois dans sa carrière. Vous voulez garder des souvenirs, que ce soit sur le plan sportif ou sexuel. J’ai vu des gens faire l’amour en plein air, sur les pelouses, entre des bâtiments ».
Pour le tireur américain Joshua Lakatos, « les JO sont un lieu de débauche et de beuverie. […] Il m’est arrivé plusieurs fois de tomber sur des orgies organisées… ». Effectivement, les jeux regroupent un nombre important de jeunes sportifs, pas toujours professionnels et concentrés uniquement à 100 % sur la réussite sportive, qui veulent surtout en profiter et vivre un moment unique.
Il y a quatre ans, à Londres, les applications de rencontre Tinder et Grindr avaient implosé dans le village sportif, dès le début des Olympiades, face à l’afflux des connexions. Déclara le responsable communication du site de rencontre homosexuel :
« Grindr n’a pas su anticiper la croissance exponentielle des connexions et il a fallu 24 heures pour que l’application se remette à jour et répare son système, pour le grand bonheur des utilisateurs. »
Au JO de Sotchi, en 2014, la snowboardeuse américaine Jamie Anderson déclara que :
« Tinder était la principale application utilisée et, au village olympique, elle a monté en grade. […] Il n’y a que des sportifs présents, tous plus mignons les uns que les autres. […] Au bout d’un moment, j’ai dû supprimer l’application de mon téléphone pour me concentrer uniquement sur la compétition. »
Une baignoire remplie de glaçons
Sexe et sport font donc bon ménage, et Rio s’y est bien préparé, avec sa distribution astronomique de préservatifs. Mais qu’en dit la science à ce sujet ? N’y a-t-il pas de risque de fatigue et de méforme en cas de consommation abusive de sexe, avant une rencontre importante ? Dans le film Raging Bull, avec Robert de Niro, le boxeur Jack LaMotta préférait se tremper dans une baignoire remplie de glaçons plutôt que de coucher avec sa femme, avant un match.
Mohamed Ali, avant de conquérir le titre de champion du monde de boxe, en 1964, avait expliqué à la presse qu’il avait cessé toute activité sexuelle « six semaines avant le combat. […] Même la masturbation. »
Lors de la Coupe du monde de football, en 2014, le sélectionneur de la Bosnie-Herzégovine, Safet Susic avait clairement posé les choses :
« Il n’y aura pas de sexe. Ils peuvent trouver une autre solution, ils peuvent se masturber s’ils veulent. […] Mais ce ne sont pas des vacances, nous sommes là pour jouer la Coupe du monde. »
D’après lui, faire l’amour signifie fatigue et penser à autre chose que l’objectif sportif, ce n’est pas professionnel.
Se donner à fond
Vraiment ? Deux chercheurs canadiens, Samantha McGlone et Ian Shrier ont souhaité discuter de cette affirmation et vérifier si réellement le sexe agissait sur les performances sportives. Dans leur article « Does sex the night before competition decrease performance ? », ils ont suivi une centaine de sportifs professionnels et amateurs, dans de nombreuses disciplines différentes, allant du tennis à la course à pied en passant par le football et le basket, pendant plusieurs années. Ils se sont surtout focalisés sur leur consommation de sexe avant, pendant et après un tournoi ou une compétition importante. Leur idée était d’étudier la corrélation entre performance sportive et relation sexuelle.
Résultat : faire l’amour une nuit avant une compétition n’altère en rien l’endurance et la force physique. En matière de consommation énergétique, cela tourne entre 25 et 50 calories, soit l’équivalent de deux étages montés à l’escalier, avec plus ou moins d’effort.
Cependant, l’impact est variable s’il s’agit du partenaire habituel ou d’un nouveau partenaire. McGlone et Shrier constatent que lorsqu’on a à faire à une relation connue, avec sa femme, son mari ou sa petite amie, les choses se font normalement et à intensité moyenne. Or, si le sportif se met à fréquenter un(e) inconnu(e), les rapports sexuels seront plus passionnés et dureront plus longtemps. Il y a une volonté de briller et une contrainte sociale. On veut montrer, inconsciemment ou consciemment, à quelqu’un qu’on ne connaît pas, qu’on est compétent à ce niveau-là et on se donne à fond. Et dans ce cas, la fatigue se fait sentir.
La menace du virus Zika
Ainsi, aux JO, c’est peut-être ici le risque, fréquenter des gens nouveaux, des inconnus d’un soir. Comme cette anecdote, racontée par Joshua Lakatos, qui aurait vu, à Atlanta, en 1996, l’ensemble du relais féminin suédois au 4X100, monter dans une chambre avec des sportifs américains. « Voir des gens nouveaux, c’est tout autant grisant que fatigant sur le plan physique », affirment McGlone et Shrier.
Mais ce n’est pas le seul problème. Au-delà de la performance, la question des maladies se pose évidemment. Si Rio a décidé de multiplier par trois la distribution de préservatifs, c’est aussi en vue d’éviter la propagation du virus Zika, sexuellement transmissible. D’après Camille Malnory :
« Personne ne sait dire précisément combien de temps la personne infectée reste contagieuse. Or une transmission en cas de grossesse est également crainte étant donné que le virus provoque de graves troubles chez le fœtus : de nombreux cas de microcéphalie ont été découverts dans la zone à risque qu’est l’Amérique du Sud. »
Alors, il n’y a pas de risque à prendre. Pendant les JO, il faut viser la gloire sportive sans oublier de se protéger…
Pierre Rondeau, Professeur d’économie et doctorant, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.