Olivier Hassid, Université Paris Ouest Nanterre La Défense – Université Paris Lumières
Depuis plusieurs années, en plus des stades qui accueillent les supporters, un nouvel espace dédié est apparu pour ceux qui ne peuvent y accéder, les « fan zones ». Au départ, ces espaces totalement ouverts permettaient à ceux qui le souhaitaient de voir les matchs sur grand écran dans un contexte bon enfant et avec une sécurité limitée.
Mais avec les inquiétudes liées à la menace terroriste, la sécurité est devenue une problématique majeure pour ces espaces.
La perspective qu’un kamikaze puisse se faire exploser au milieu du public ou que des terroristes se mettent à mitrailler dans tous les sens, comme cela a été le cas au Bataclan le 13 novembre 2016, doit être malheureusement envisagée et nécessite par conséquent un dispositif sécuritaire à la hauteur de la menace. Il aurait été en effet inconcevable de maintenir des « fan zones » si les différentes parties prenantes de l’événement (les organisateurs – Euro 2016 SAS –, l’État et les collectivités locales concernées) n’avaient pas revu totalement l’organisation de la sécurité de ces endroits.
Palpations et vidéosurveillance
Ainsi, une instruction ministérielle a-t-elle été publiée le 5 mars 2016 pour préciser à la fois le statut de ces espaces – Installation ouverte au public (IOP) –, les responsabilités en matière de sécurité de la part de chacune des parties et les moyens mis en œuvre.
Ce qu’il faut retenir est que les « fan zones » sont à la charge des collectivités locales et principalement des dix villes qui auront de tels emplacements. Ces espaces seront clos et rouverts en fonction du niveau de la menace et des risques terroristes évalués, le préfet déterminera les moyens nécessaires qu’il faudra allouer à la sécurisation de ces fan zones.
Plus la menace sera élevée, plus le dispositif de sécurité sera contraignant : droit aux palpations, vidéosurveillance… Enfin, convient-il de noter, les polices municipales et les entreprises de sécurité privées (ces dernières étant missionnés par Euro 2016 SAS) auront un rôle majeur dans la sécurité de ces sites.
Un faible risque d’attentat
À l’approche de l’événement une question s’impose : l’organisation des « fan zones » est-elle satisfaisante ? Si on mesure un dispositif à son efficacité, c’est-à-dire à sa capacité d’empêcher la réalisation d’une crise majeure au sein de ces enceintes, la réponse ne pourra être donnée que le 10 juillet (date de la fin de la compétition), même si – à notre sens – le risque d’attentats dans ces espaces est faible.
En effet, les attaques terroristes récentes montrent que les terroristes recherchent avant tout à commettre leur forfaiture là où ils peuvent aisément accéder. A contrario, quand il existe un dispositif de prévention situationnelle (caméras, agents…), ils évitent les lieux ou échouent généralement à passer à l’acte. Par conséquent, au vu de la hauteur des moyens alloués (estimés entre 2 millions et 10 millions d’euros), il sera peu pertinent pour des terroristes de tenter une telle opération.
Pour autant, peut-on être satisfait du dispositif global mis en place ? La réponse est là moins évidente et ce pour trois raisons principales.
Coût financier élevé, un recrutement hâtif
Premièrement, et de manière plus générale, la sécurité de l’Euro 2016 va coûter une fortune à la collectivité dans son ensemble. Les pouvoirs publics et les organisateurs chiffrent le coût de la sécurité le plus souvent à la seule sécurité privée, à savoir les agents de surveillance et à la vidéosurveillance. Mais que coûte le dispositif globalement si on intègre à la fois les policiers, les gendarmes, l’armée (10 000 militaires), les agents de la sécurité civile et les policiers municipaux ? Difficile de chiffrer le coût global. Mais il est fort probable que l’on atteigne plusieurs dizaines de millions d’euros.
Deuxièmement se pose la question de la formation et du profil des personnes recrutées. Dépassées par les besoins de sécurité, les sociétés de sécurité privée ont du embaucher rapidement beaucoup de personnels. Même si ces personnels doivent disposer d’un certificat de qualification professionnel (CQP) pour exercer, il est permis de douter leurs compétences des personnels requis à cette activité. En cas de mouvements de foule ou de conflits entre supporters dans les fan zones, ces agents seront certainement incapables de faire face à l’événement. L’exemple récent du Stade de France entre supporters du PSG et de Marseille l’a déjà démontré.
Troisièmement, la coordination entre les différentes forces de sécurité sera-t-elle opérante ? Naturellement des exercices de gestion de crise ont été mis en œuvre. Or justement, dans ces exercices ce sont surtout les acteurs publics qui ont collaboré, laissant peu de place à la sécurité privée et aux polices municipales. Chose étonnante au vu de la lecture de l’instruction ministérielle qui fait de ces deux derniers acteurs les principaux acteurs de la sécurité des fan zones.
Si dans les textes on est prêt à donner un rôle accru aux « partenaires » de la force étatique, dans les faits, il en va tout autrement. Cette hétérogénéité des forces en présence peu préparée à travailler ensemble peut s’avérer délicate en cas de gestion de crise.
Surinvestissement sécuritaire
Enfin, le surinvestissement sécuritaire de ces zones va nécessairement laisser un vide pour de nombreux autres espaces. Pendant que la puissance publique s’escrimera à assurer la tranquillité des « fan zones » et des stades, quelle sera la sécurité sur le restant du territoire ? Qu’il s’agisse d’actes terroristes ou d’actes de délinquance plus communs, le reste du territoire national sera logiquement moins bien protégé.
Plus de 100 000 personnes seront dédiées à la sécurité de l’Euro 2016 – soit approximativement un tiers des effectifs globaux de sécurité en France. C’est tout de même beaucoup. À la hauteur de ce surinvestissement sécuritaire, il nous reste donc à espérer que la fête ne soit pas gâchée et que le soir du 10 juillet, le vainqueur du trophée soit célébrée dans la joie et l’allégresse.
Olivier Hassid, Chargé de cours, Université Paris Ouest Nanterre La Défense – Université Paris Lumières
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.