La désinformation est une arme de destruction massive. Relayée sans discernement par la presse et les médias sociaux, elle permet de justifier des actes innommables et de manipuler l’opinion. En Irak, en Ukraine comme au Proche-Orient.
Crime de guerre ? Acte terroriste? Dans l’un et l’autre cas, c’est l’horreur absolue. Plusieurs centaines de morts dans une frappe sur l’hôpital Al-Ahli Arab de Gaza, mardi 17 octobre. Les images tournent en boucle sur les médias sociaux. L’armée israélienne nie être à l’origine de cette frappe et accuse les terroristes du jihad islamique d’une erreur de tir. Le Hamas accuse Tsahal d’un massacre intentionnel. Qui dit vrai ?
La guerre informationnelle entre Israël et la Palestine est celle qui prévaut dans tous les conflits.
Rappelons-nous, il n’y a pas si longtemps. Paris bombardé ! Les images diffusées par BFMTV le samedi 12 mars 2022, sont là, sous nos yeux, terribles. Le fracas des bombes, les cris des enfants, la Tour Eiffel détruite : tout y est. Et tout est faux, heureusement. L’auteur de ce montage de mauvais goût ? Le Parlement ukrainien qui a diffusé ces images chocs pour interpeller les européens sur son propre sort. Le président Zelensky adresse aux Occidentaux ce message direct : « Si on tombe, vous tombez ! »
L’industrie des fake News
L’information est un enjeu militaire majeur. Son corollaire, la fausse information, le mensonge, la désinformation, la manipulation, l’intoxication font partie de la guerre psychologique. Celle qui prend à témoin l’opinion publique. Il faut marquer les esprits avec des infos toujours plus fortes et plus destructrices que les bombes. Le stratège chinois Tsun Tse affirmait, cinq siècles avant notre ère, que « le comble de la réussite consistait à gagner la guerre sans la faire ».
La propagande véhiculée par les fake News s’est pratiquement industrialisée aux 20ᵉ et 21ᵉ siècles avec l’avènement des moyens de communication de masse. Avec la radio, la télé, internet et désormais le smartphone, l’info, vraie ou fausse, fait le tour de la planète en temps réel. La peur et l’émotion brouillent le jugement. Elles suscitent soit le dégoût et la révolte, soit l’estime et l’empathie. Elles conduisent forcément à des sentiments irrationnels.
De Timisoara à l’Ukraine
Les exemples abondent. Les plus anciens se souviennent de l’affaire des charniers de Timișoara, en Roumanie en 1989.
Plus récemment, il y a eu la célèbre affaire des couveuses au Koweït pour justifier l’entrée en guerre des États-Unis et de l’OTAN contre l’Irak de Saddam Hussein.
Quelques années plus tard, Colin Powell, alors secrétaire d’État américain, a fait croire que le dictateur irakien détenait des armes de destruction massive pour justifier la deuxième guerre d’Irak. Il les a même montrées aux caméras.
Il y eut aussi la guerre en ex-Yougoslavie de la fin du 20ᵉ siècle, qui selon deux journalistes du Monde Diplomatique, a permis de propager « Le plus gros bobard de la fin du 20ᵉ siècle ».
Les guerres du 21ᵉ siècle n’échappent pas à ce phénomène des mensonges. Plus ils sont gros, plus on les croit. La Russie et l’Ukraine en font chaque jour la démonstration. Dans un camp comme dans l’autre, on sort l’artillerie lourde du mensonge et de la mystification sans qu’il soit toujours facile de distinguer ce qui est vrai et ce qui est faux. Même les images sont parfois trompeuses. Quand les télés montrent une maternité de Marioupol dévastée par une attaque russe, Moscou affirme qu’il n’y avait personne dans le bâtiment et que la jeune femme enceinte et blessée qui pose pour les caméras, est une influenceuse connue. Elle s’appelle Marianna Podgurskaya. Difficile à croire, évidemment.
Quant aux bombes qui pleuvent depuis deux semaines sur l’Ukraine, les morts et les blessés, les populations qui fuient les villes dévastées, il est difficile de les nier.
Le difficile fact-checking
Les médias traditionnels comme les réseaux sociaux se nourrissent de ces infos souvent invérifiables. Ce faisant, ils prennent le parti d’un camp contre l’autre et participent, d’une certaine façon, à la guerre. Leur responsabilité est donc très lourde. La Russie de Poutine l’a bien intégré. Une loi a été votée au début de l’invasion de l’Ukraine qui punit jusqu’à 15 ans de prison toute personne qui diffusera des fausses nouvelles. Reste dès lors à définir la fausse nouvelle. Parler de guerre ou d’invasion relève, selon Moscou de la fake news. Les médias russes sont donc bâillonnés.
La vérification et le recoupement de l’information est au cœur du métier de journaliste qui doit lui-même s’informer à des sources contradictoires pour donner à ses lecteurs une information fiable.
Car le monde n’est pas manichéen, comme dans les films américains, avec le Bien d’un côté et Mal de l’autre comme on voudrait nous le faire croire. La guerre, ce n’est pas du cinéma. Il n’y a jamais de happy end.
🇮🇱🇵🇸 The Wall Street Journal and Reuters have now CONFIRMED that Israel BOMBED the Gaza Baptist hospital.
Don’t fall for the fake news propagandists telling you Hamas is responsible! They’re sharing videos from 2022 as fake “evidence.” pic.twitter.com/N3Wjeud7Zw
— Jackson Hinkle 🇺🇸 (@jacksonhinklle) October 17, 2023
Un tir de roquette raté de l'organisation terroriste du Jihad islamique a touché l'hôpital Al Ahli dans la ville de Gaza.
Images de l’armée de l’air israélienne dans la zone près de l'hôpital avant et après l'échec du tir de roquette : pic.twitter.com/vDlJp9IsEE
— Tsahal (@Tsahal_IDF) October 18, 2023