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« May December », duo d’actrices à tour de rôles

Natalie Portman et Julianne Moore sont à l’affiche de ce film de Todd Haynes, où l’une joue l’autre dans un récit très stylé mais superficiel.

Dans une belle séquence, Natalie Portman et Julianne Moore jouent l’imitation de l’une par l’autre, tel un jeu de miroirs où la comédienne copie mimiques, expressions et attitudes de son modèle « vivant » (Cr. François Duhamel / Courtesy of Netflix).

« Je cherche un personnage qui soit difficile à appréhender », répond à des lycéens l’actrice interprétée par Natalie Portman dans « May December » (sortie le 24 janvier), un film de Todd Haynes, présenté en avant-première au Festival du Cinéma Américain de Deauville après avoir été sélectionné au Festival de Cannes. Dans « son désir de prendre des risques et de jouer avec son image d’actrice », c’est elle qui a envoyé ce scénario au cinéaste (« Carol », « Mildred Pierce », « Dark Waters »…) « qui adore faire des films sur des femmes compliquées », et a sollicité une autre actrice avec qui il a beaucoup travaillé, Julianne Moore (« Loin du paradis », « I’m not there »…).

L’une va jouer l’autre dans ce film, Elizabeth (Natalie Portman), jeune star de Hollywood, prépare le personnage qu’elle doit incarner prochainement au cinéma, celui de Gracie (Julianne Moore) qui est elle aussi une célébrité à sa façon. Alors mariée et mère de famille, Gracie la scandaleuse avait eu à 36 ans une liaison avec un ado de treize ans, ce qui l’avait menée en prison, où elle avait accouché de leur premier enfant. Désormais mariés depuis plus de vingt ans, Gracie et son Joe (joué par Charles Melton) forment un couple « mignon » et atypique, l’expression du titre « May December » évoquant la différence d’âge.

La complexité des êtres humains

C’est en plein barbecue qu’Elizabeth débarque dans leur maison de Georgie. L’actrice dîne en famille, prend un café avec l’ancien mari, questionne voisins et amis, observe les uns et les autres, prend des notes, aspire de la matière vivante pour son film, tente de vampiriser Gracie qui n’a aucune honte, ni regret, ni culpabilité.

Incarner une telle personnalité médiatique, ce peut être « un rôle à Oscar », et toute à la préparation de ce personnage, dans leur duo d’actrices à tour de rôles, Natalie Portman et Julianne Moore jouent face caméra dans une belle séquence, l’imitation de l’une par l’autre, tel un jeu de miroirs où la comédienne copie mimiques, expressions et attitudes de son modèle « vivant ».

Todd Haynes évoque la complexité des êtres humains, l’ambiguïté morale, le jugement, la manipulation, et même la fabrication du cinéma, dans ce film très esthétique, tourné rapidement (23 jours) avec un « petit » budget malgré deux stars. Le cinéaste utilise habilement la petite musique de Michel Legrand composée pour « Le Messager » de Joseph Losey (reprise à la télé française par « Faites entrer l’accusé » !), et la beauté de ses plans font de « May December » un bel objet de cinéma, mais ce trop-plein de style et le manque d’enjeu (une star de Hollywood prépare un rôle) le rendent finalement superficiel.

Patrick TARDIT

« May December », un film de Todd Haynes, avec Natalie Portman et Julianne Moore (sortie le 24 janvier).

Elizabeth (Natalie Portman, à droite), jeune star de Hollywood, prépare le personnage qu’elle doit incarner prochainement, celui de Gracie (Julianne Moore), mariée à un homme bien plus jeune qu’elle.
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