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La Covid : une maladie aussi digestive ?

On sait que le SARS-COV 2 colonise le tube digestif, s’y réplique activement, voire persiste longtemps avec passage dans la circulation sanguine pouvant expliquer la COVID longue. La correction de la carence en vitamine D pourrait avoir un rôle protecteur majeur.

Coronavirus-Intestin (UnlimPhoto)
Coronavirus-Intestin (UnlimPhoto)

Le SARS-CoV-2 a été détecté de manière prolongée dans le tube digestif. La barrière intestinale exerce un rôle central dans les événements qui conduisent de l’infection par le SRAS-CoV-2 à des complications graves. Les études les plus récentes suggèrent que le SRAS-CoV-2 perturbe l’intégrité de la barrière intestinale biologique, mécanique et immunologique. La diversité du microbiote et la population de bactéries bénéfiques sont réduites, parallèlement à la prolifération de bactéries pathogènes (dysbiose).

Un dysfonctionnement préexistant amplifié par SARS-COV-2

Les espaces entre les cellules intestinales, les jonctions serrées (TJ) jouent un rôle essentiel de barrière étanche. Si cette barrière intestinale est dysfonctionnelle, le passage de bactéries, champignons et d’endotoxines vers la circulation est possible. Une altération préexistante de la barrière intestinale retrouvée chez les patients avec comorbidités (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète et immunosuppression) favorise ce passage délétère et les rend plus vulnérables [1]. L’équipe du Pr C. Devaux (CNRS – Marseille) a montré que chez les patients porteurs du SRAS-CoV-2 intestinal, le virus peut déclencher des dommages à la barrière en perturbant ces jonctions serrées, contribuant ainsi aux symptômes gastro-intestinaux globaux du COVID-19 [2].

COVID longs : présence digestive prolongée du SARS-COV2 et spike circulante

Sans aucune particule virale dans les voies respiratoires, 12,7 % des patients avait du SRAS-CoV-2 dans les selles à 120 jours et 3,8 % excrétaient encore le SRAS-CoV-2 à 210 jours [3]. En outre, du virus viable a été retrouvé dans l’appendice de 2 patients avec symptômes de Covid long à J + 175 et J + 462 jours. Il s’agit de la première étude à détecter un virus viable aussi longtemps dans le tube digestif [4]
En sus, sur 31 patients atteints de COVID long, les chercheurs ont pu, via une technologie ultrasensible (Simoa), identifier en circulation dans le sang, soit la protéine spike, soit la nucléocapside N soit la sous-unité S1 chez environ 65% des patients COVID long plusieurs mois après. Les auteurs suggèrent la présence d’un réservoir viral persistant actif du SRAS-CoV-2 à l’origine de leur découverte [5].

La Zonuline marqueur d’une perméabilité intestinale altérée

La zonuline est une molécule qui altère l’étanchéité de l’intestin, en ouvrant ces jonctions serrées qui unissent les cellules de la paroi. Produite en excès, elle peut causer le passage de composés indésirables dans l’organisme.
Dès juillet 2021, une équipe identifie la zonuline en tant que marqueur et cible thérapeutique potentielle dans le syndrome inflammatoire multisystémique (MIS-C ou PIMS) qui touche les enfants [6].
Une étude a permis de mettre en évidence que dans le groupe MIS-C, comparé à un groupe contrôle, la zonuline était significativement plus élevée. Or la zonuline ouvre les jonctions serrées (TJ), et permet le passage de particules virales hautement pro-inflammatoires dans la circulation, mais également d’endotoxines ou de lipopolysaccharides (LPS) d’origine bactérienne du tube digestif. Ces résultats indiquent qu’une perméabilité intestinale accrue peut être impliquée dans l’explication de l’infection COVID grave et de la maladie MIS-C des enfants [7].

Une bombe inflammatoire dans le tube digestif

Pierre Sonigo (DR)
Pierre Sonigo (DR)

Pierre Sonigo, ancien directeur de recherche INSERM, spécialiste des virus, estime « qu’il n’y a rien de plus pro-inflammatoire dans le corps que les endotoxines (LPS) de la paroi bactérienne » Il relève que « nous avons tous dans le tube digestif une bombe inflammatoire potentielle. Lors d’augmentation de la perméabilité intestinale, un phénomène appelé translocation des LPS peut survenir. La perméabilité augmente beaucoup en cas d’infection digestive. Tout cela est malheureusement fréquent en cas de COVID. Les manifestations digestives sont d’ailleurs connues pour augmenter le risque de forme grave de COVID avec choc ».

Un espoir de traitement chez les enfants atteints de MIS-C

Chez les enfants atteints de MIS-C, la présence prolongée du SRAS-CoV-2 dans le tractus gastro-intestinal a conduit à la libération de zonuline avec un passage d’antigènes du SRAS-CoV-2 dans la circulation sanguine, entraînant une hyper inflammation selon une équipe du Massachussetts General Hospital. Le larazotide, un inhibiteur de la zonuline utilisé dans le traitement de la maladie cœliaque, préviendrait l’altération de la perméabilité digestive (jonctions serrées = TJ), limitant le passage d’antigènes délétères : ce traitement serait bien toléré et utile comme traitement adjuvant.  Ainsi, 4 jeunes patients MIS-C traités par le larazotide ont vu leur taux de protéine Spike diminuer à des niveaux indétectables, une amélioration plus rapide des symptômes gastro-intestinaux ainsi qu’une tendance à la réduction de la durée de séjour hospitalier [8].

Et la vitamine D ?

La vitamine D est connue pour être impliquée dans les maladies inflammatoires de l’intestin et intervient au niveau de la perméabilité intestinale des jonctions serrées.
Depuis 2007, les études expérimentales ont montré que la vitamine D3 peut jouer un rôle protecteur de la barrière muqueuse en maintenant l’intégrité des complexes de jonction et dans la capacité de cicatrisation de l’épithélium du côlon [9].
Les niveaux de Vitamine D sont également inversement corrélés avec le score des symptômes et la zonuline fécale. Ces données mettent en évidence la relation étroite entre Vitamine D et la barrière intestinale [10].

L’endotoxine et la zonuline plasmatiques diminuaient avec l’augmentation des taux de vitamine D. Des analyses ont montré une association significative entre les taux plasmatiques de zonuline avec les taux de vitamine D. Cette découverte suggère encore une fois une relation entre une carence en vitamine D et des altérations précoces de la perméabilité intestinale. Ainsi, l’évaluation des niveaux de vitamine D et la correction préventive de la carence peuvent être justifiées [11].
À la fois in vitro et in vivo, une autre étude montre que la vitamine D3 a atténué l’augmentation de la perméabilité de la muqueuse intestinale. Enfin, le traitement vitamine D3 a considérablement diminué les niveaux de libération de zonuline [12].

Expérimentalement chez la souris avec un régime carencé en vitamine D, une équipe constate une diminution significative de l’épaisseur de la muqueuse du côlon, une augmentation marquée des taux de cytokines pro-inflammatoires, des niveaux élevés de zonuline-1. La supplémentation en Vitamine D pourrait faire partie d’une stratégie thérapeutique pour les maladies humaines comportant un dysfonctionnement de la barrière intestinale (leaky gut) selon les auteurs [13].

 Carence sévère en vitamine D et MIS-C

Enfin, sur 31 jeunes patients atteints du MIS-C, 10 avaient une carence sévère en vitamine D avec un taux moyen de 7,2 ng/ml (le taux souhaitable est sup à 30ng/ml, voire 50 ng/ml). 90% présentant une carence sévère en vitamine D avaient une maladie grave et un risque accru d’atteinte cardiaque [14]. L’effet préventif de la vitamine D est d’ailleurs suggéré en mars 2021 dans une mini-revue de la littérature scientifique [15].

Toutes ces données suggèrent que l’altération de la perméabilité digestive concomitante à la pénétration et la présence de virus réplicatif digestif sont déterminants dans la compréhension de la maladie COVID – la COVID longue et le MIS-C. La poursuite d’études et d’essais cliniques est nécessaire pour déterminer l’impact thérapeutique du larazotide sur la prévention des MIS-C, et de la correction de la carence en vitamine D sur les COVID graves et COVID longues.

 

  • Bibliographie
    1) Assimakopoulos : SARS CoV-2-Induced Viral Sepsis: The Role of Gut Barrier Dysfunction. Microorganisms 2022, 10, 1050. https://doi.org/10.3390/microorganisms10051050
  • 2) Osman IO, Devaux CA : Control of CDH1/E-Cadherin Gene Expression and Release of a Soluble Form of E-Cadherin in SARS-CoV-2 Infected Caco-2 Intestinal Cells: Physiopathological Consequences for the Intestinal Forms of COVID-19. Front Cell Infect Microbiol. 2022 May 4;12:798767. doi: 10.3389/fcimb.2022.798767.
  • 3) Rubin R. : SARS-CoV-2 RNA Can Persist in Stool Months After Respiratory Tract Clears Virus. JAMA. 2022;327(22):2175–2176. doi:10.1001/jama.2022.7892
  • 4) Goh, D. et al. Persistence of residual SARS-CoV-2 viral antigen and RNA in tissues of patients with long COVID-19 (jun 2022) Researchgate DOI : 10.21203/rs.3.rs-1379777/v2
  • 5) Zoe Swank et al.: Persistent circulating SARS-CoV-2 spike is associated with post-acute COVID-19 sequelae medRxiv 2022.06.14.22276401;
  • 6) Hensley-McBain T et al. Zonulin as a biomarker and potential therapeutic target in multisystem inflammatory syndrome in children. J Clin Invest. 2021 Jul 15;131(14):e151467. doi: 10.1172/JCI151467. PMID: 34160366; PMCID: PMC8279574.
  • 7) Kılıç AO et al.  Zonulin and claudin-5 levels in multisystem inflammatory syndrome and SARS-CoV-2 infection in children. J Paediatr Child Health. 2022 May 30. doi: 10.1111/jpc.16033. Epub ahead of print. PMID: 35638118.
  • 8) Yonker LM, Swank Z, Gilboa T, Senussi Y, Kenyon V, Papadakis L, Boribong BP, Carroll RW, Walt DR, Fasano A. Zonulin Antagonist, Larazotide (AT1001), As an Adjuvant Treatment for Multisystem Inflammatory Syndrome in Children: A Case Series. Crit Care Explor. 2022 Feb 18;10(2):e0641. doi: 10.1097/CCE.0000000000000641. PMID: 35211683; PMCID: PMC8860335.
  • 9) Zhao H, et al. : Protective role of 1,25(OH)2 vitamin D3 in the mucosal injury and epithelial barrier disruption in DSS-induced acute colitis in mice. BMC Gastroenterol. 2012 May 30;12:57. doi: 10.1186/1471-230X-12-57. PMID: 22647055; PMCID: PMC3464614.
  • 10) Linsalata M, et al The Relationship between Low Serum Vitamin D Levels and Altered Intestinal Barrier Function in Patients with IBS Diarrhoea Undergoing a Long-Term Low-FODMAP Diet: Novel Observations from a Clinical Trial. Nutrients. 2021 Mar 21;13(3):1011. doi: 10.3390/nu13031011.
  • 11) Eslamian G, et al. Association of intestinal permeability with admission vitamin D deficiency in patients who are critically ill. J Investig Med. 2020 Feb;68(2):397-402. doi: 10.1136/jim-2019-001132. Epub 2019 Oct 30
  • 12) Dong S e al. : Protective Effect of 1,25-Dihydroxy Vitamin D3 on Pepsin-Trypsin-Resistant Gliadin-Induced Tight Junction Injuries. Dig Dis Sci. 2018 Jan;63(1):92-104. doi: 10.1007/s10620-017-4738-0. Epub 2017 Sep 4. PMID: 28871457
  • 13) Yeung CY, et al :. Effects of Vitamin D-Deficient Diet on Intestinal Epithelial Integrity and Zonulin Expression in a C57BL/6 Mouse Model. Front Med (Lausanne). 2021 Aug 3;8:649818. doi: 10.3389/fmed.2021.649818.
  • 14) Torpoco-Rivera D : Vitamin D and morbidity in children with multisystem inflammatory syndrome related to Covid-19. Prog Pediatr Cardiol. 2022 Mar 1:101507. doi: 10.1016/j.ppedcard.2022.101507.
  • 15) Feketea G, et al . : Vitamin D in Corona Virus Disease 2019 (COVID-19) Related Multisystem Inflammatory Syndrome in Children (MIS-C). Front Immunol. 2021 Mar 8;12:648546. doi: 10.3389/fimmu.2021.648546.

 

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