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Gérer les comptes publics ou inventer des contes au public

Point-de-vue-. L’ancien secrétaire d’État au Budget donne ici une petite leçon sur les comptes publics pour que les Français ne se fassent par berner à propos du report de l’âge de départ en retraite.

par Christian Eckert

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Les comptes publics ne sont pas le centre d’intérêt des Françaises et des Français. Il y a naturellement bien d’autres sujets plus « funky » pour meubler les soirées libres ou animer les repas de famille…
Et pourtant… Il faut bien que certains s’en occupent et un peu de pédagogie peut aider à distinguer entre les choix politiques qui nous sont proposés.

Les comptes publics se décomposent en gros en trois blocs :

Les comptes de l’État :
• Dépenses : défense, éducation, culture, remboursement de la dette, sécurité, administrations, ….
• Recettes : TVA, CSG, Impôts sur le revenu, sur les sociétés, amendes, taxes…

Les comptes sociaux :
• Dépenses : retraites, maladie, allocations familiales, (sécurité sociale), assurance chômage…
• Recettes : cotisations sociales, fractions d’impôts…

Les comptes des collectivités locales :
• Dépenses : voirie, équipements publics, personnel, …
• Recettes : impôts locaux, Dotations de l’État, quelques fractions de TVA ou de taxes, taxes locales…

On ignore généralement que les comptes sociaux représentent de loin la plus grosse part des comptes publics. Autour de la moitié !
L’État et les collectivités locales se partagent le reste à peu près à égalité.

« Arranger la réalité »

Les choses se compliquent quand on sait qu’entre ces trois blocs existent des tuyaux dans tous les sens… Et, qu’en plus, ils sont parfois utilisés pour « arranger » la réalité…
Le déficit public, au sens de Maastricht, au sens de la fameuse règle des 3%, se calcule en totalisant les trois blocs. Chacun comprendra alors que les mouvements entre les blocs se neutralisent et ne changent rien au total. Sauf que cela permet de raconter une histoire, qui peut déformer la réalité.
Simone Veil et le Parlement en 1994 ont inscrit dans la loi un principe qu’il est assez simple de comprendre : chaque fois que l’État décide de diminuer des cotisations sociales, il doit compenser la perte de recettes pour la Sécurité Sociale. Au fil du temps, bien des gouvernements (de droite comme de gauche) ont allégé les cotisations sociales pour soutenir l’emploi et la compétitivité. Tous ont (à peu près) reversé à la Sécurité Sociale les montants qui lui revenaient. Sauf le gouvernement d’Édouard Philippe fin 2018 et surtout fin 2019. Il manque à peu près 5 milliards par an rien que sur le budget 2020.

Des comptes et des contes

La situation des comptes est souvent ignorée dans sa décomposition : Fin 2017, les comptes sociaux (de loin les plus volumineux) étaient quasiment équilibrés.
L’essentiel du déficit était porté par le budget de L’État.
Les collectivités avaient dans leur ensemble des comptes redevenus légèrement excédentaires.
Le fait que l’État prive la Sécurité Sociale de cotisations (exonérations sur les bas salaires, sur les heures supplémentaires, sur les revenus du capital…) sans compenser ces pertes permet au gouvernement de crier « Au Loup !», de noircir le tableau des comptes sociaux et d’inventer un déficit fictif qui, pour lui, justifie par exemple d’inventer l’âge pivot.
Voilà comment le Président Macron transforme les comptes publics en des contes qu’il raconte au public, pour faire peur et imposer le report de l’âge de départ en retraite qu’il s’était pourtant engagé à ne pas mettre en œuvre.
Les Français seront-ils dupes ou dupés ?

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