Antoine Pelissolo, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
De nombreux adolescents se découvrent soudainement en état de panique à l’approche des premiers examens. Le compte à rebours a en effet commencé pour les épreuves du brevet des collèges, du CAP, du BEP et en particulier du baccalauréat, dont les épreuves écrites commencent le 18 juin.
Cette réaction peut se produire chez n’importe quel élève, qu’il soit ou non de nature anxieuse. Cela ne dépend pas, non plus, de son bon ou mauvais niveau scolaire. C’est le cas surtout avec la toute première épreuve orale. Elle impressionne par son caractère solennel et le peu d’expérience qu’en ont les jeunes, en France, dans leur parcours scolaire.
L’état de panique correspond en général à un mélange d’anxiété sociale (la crainte du regard d’autrui, avec peur de perdre ses moyens et d’être ridiculisé) et d’anxiété de performance (la peur d’échouer). Elle peut s’exprimer par tous les degrés du stress, léger et même stimulant chez les moins sensibles, ou plus fort voire paralysant sur le moment chez les plus fragiles. Car un examen est un événement suffisamment déstabilisant pour que des jeunes que l’on ne considérait pas comme anxieux ou qui parvenaient à prendre sur eux jusque-là développent soudainement des symptômes parfois invalidants – à la grande surprise de leurs parents.
Une boule dans le ventre, des palpitations, des bouffées de chaleur
Cette anxiété s’installe parfois bien avant la date de l’examen. Mais le plus souvent, elle survient dans les heures précédant l’épreuve, avec une peur croissante et des signes de tension nerveuse comme une boule dans la gorge ou le ventre, des palpitations, des bouffées de chaleur, l’envie d’aller aux toilettes, etc. Comme le trac banal, ces signes restent habituellement supportables et s’atténuent assez rapidement une fois l’action engagée. Ils deviennent problématiques quand ils sont très intenses et persistants, et peuvent ainsi perturber la prestation du fait des conséquences physiques (tremblements, bégaiement, douleurs, etc.) ou intellectuelles (incapacité à se concentrer et à retrouver ses idées) de ce trouble émotionnel.
La gêne s’accentue quand l’anxiété apparaît plusieurs jours avant l’épreuve, voire plus, avec des angoisses récurrentes, des somatisations diverses, des insomnies et des troubles de l’attention perturbant les révisions et le repos pourtant essentiels à cette période.
Le principal risque lié à cette anxiété des examens est l’éventualité d’un renoncement, quelques jours avant ou sur le moment même, du fait de l’intensité de la peur et de son caractère insupportable qui s’accompagne de la certitude (erronée) d’un échec assuré.
Des exercices de préparation mentale, l’entraînement à la prise de parole
Comment éviter tout cela ? Si les signes sont repérés suffisamment tôt, parce que l’adolescent en parle de lui-même ou parce que son entourage s’en rend compte, la meilleure solution est d’effectuer une préparation spécifique un peu à l’avance. Il s’agit surtout d’apprendre à gérer son stress et son anxiété, et pour cela des exercices de relaxation, de méditation et de préparation mentale peuvent être très efficaces, avec des outils à utiliser seul ou en consultant un thérapeute, pratiquant notamment les thérapies comportementales et cognitives.
L’entraînement à la prise de parole en public, par des jeux de rôle et des simulations, fait partie des ingrédients très utiles de cette préparation, en plus des révisions bien sûr !
Si les symptômes sont découverts ou s’expriment très tardivement, quelques jours ou quelques heures avant les épreuves, voici quelques conseils pouvant aider à surmonter l’anxiété voire la panique de l’examen.
Une anxiété proportionnelle aux conséquences redoutées en cas d’échec
Tout d’abord, les aspects purement psychologiques peuvent avoir une influence décisive, car il suffit souvent de peu de choses pour passer d’un mode de relative sérénité à un mode de panique totale en fonction de la manière dont on perçoit les enjeux de la situation. Le chemin dans l’autre sens peut aussi se faire aussi vite si on trouve les bons leviers.
L’anxiété, anticipatoire ou immédiate, est proportionnelle au décalage perçu par le jeune entre ses capacités et la difficulté de la tâche, mais elle est aussi proportionnelle aux conséquences redoutées en cas d’échec. Cette appréciation est éminemment subjective et très sensible au climat émotionnel du moment, qui peut perturber grandement la perception de la réalité et le sentiment de maîtrise de soi et de la situation. Le mécanisme principal de la panique est une spirale s’auto-aggravant : plus je stresse, plus je me sens vulnérable, et donc plus je stresse.
Pour combattre ces idées catastrophistes, le rôle des parents est souvent crucial, même chez des grands adolescents presque adultes. Ils restent en effet très sensibles au rôle rassurant de la mère ou du père (ou d’autres personnes proches de confiance), qui doivent leur rappeler qu’ils ont des capacités, qu’ils ont travaillé pour préparer leurs examens, que la situation est certes intimidante mais qu’ils ont déjà réussi des interrogations orales ou des épreuves du même type. Et, surtout, que la réussite à un examen se joue rarement en tout ou rien, que la note peut être modulée par de nombreux paramètres et, qu’au pire, il existe très souvent des solutions de rattrapage.
Bref, une mauvaise prestation n’est pas un arrêt de mort, et surtout l’affection et l’estime des parents n’en sera en rien remise en cause – ce qui peut être une crainte, dite ou non dite, des adolescents. D’ailleurs, le témoignage des propres souvenirs de stress du père ou de la mère dans la même situation peut avoir un effet très encourageant. On peut dire, aussi, qu’il est normal d’être intimidé dans ce type de situation, et que les enseignants voient plutôt l’émotivité comme un signe d’implication et de sérieux, mieux perçu que le comportement trop affirmé voire désinvolte de certains candidats.
Visualiser la scène en se focalisant sur les éléments du décor
D’autres éléments peuvent aider, s’il reste un peu de temps avant l’épreuve : une activité physique qui permet de se défouler puis ensuite de bien dormir, une séance de cinéma ou un autre loisir dans les goûts de l’adolescent, s’entraîner à respirer calmement et plutôt avec le ventre, en se concentrant quelques minutes sur son souffle et sur rien d’autre. On peut aussi conseiller au jeune de visualiser très concrètement la scène qu’il anticipe en se focalisant sur les éléments très concrets du décor, des personnes présentes et du travail à effectuer, et tout cela en se « forçant » à être optimiste et à penser que tout se passera très bien.
C’est une petite méthode Coué qui peut créer un auto-conditionnement favorable et éviter une focalisation négative injustifiée. Ces conseils pourront être appliqué lors de la passation, et surtout dans la phase d’attente qui est souvent la plus anxiogène. On peut recommander également d’échanger avec les autres candidats présents, notamment pour réaliser qu’ils sont probablement tous dans le même état d’esprit, et parfois encore plus stressés eux-mêmes !
La question de la prise de médicament est souvent posée par les parents, pour dormir la veille de l’examen ou pour affronter l’épreuve le moment venu. Il s’agit vraiment d’un dernier recours, car cette solution est artificielle et comporte quelques risques. S’en tenir à des produits naturels comme une bonne tisane ou un lait chaud est bien sûr préférable, et cela peut bien fonctionner par un effet de réassurance.
Une toute première utilisation d’anxiolytique paraît un peu risquée
Les médicaments anxiolytiques comportent toujours un risque de sédation (somnolence) et de troubles de l’attention, qui peuvent être délétères pour une tache intellectuelle – même si c’est rare à de petites doses. Il est difficile de prévoir la sensibilité de chaque personne, aussi une toute première utilisation lors d’une situation d’examen paraît un peu risquée.
Cependant, c’est parfois la seule solution pour « passer le cap » dans de bonnes conditions, donc il arrive qu’une prescription se justifie. Celle-ci doit toujours être effectuée par un médecin, qui vérifie notamment l’absence de contre-indication et qui peut personnaliser la posologie. Un tel rendez-vous demande d’être anticipé par rapport aux dates des examens. Une règle, en tout cas : ne jamais donner un médicament anxiolytique sans avis médical sous prétexte qu’on en a chez soi, et ne pas en reprendre ensuite régulièrement en dehors d’un suivi.
S’il y avait un message à retenir, ce serait… pas de panique ! La grande majorité des situations de ce type se terminent bien, avec de bons résultats aux examens, ne serait-ce parce que l’anxiété de performance s’accompagne le plus souvent d’une forte motivation et d’une bonne implication dans le travail.
Antoine Pelissolo, Professeur de psychiatrie, Inserm, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.