Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 B dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire.
Par Gilles Voydeville
Cher lecteur,
Nous sommes en février 2023 de notre calendrier grégorien.
Aurore Kepler 452b écrit à sa sœur Gaïa pour la soutenir dans sa lutte perpétuelle contre son petit humanoïde qu’elle dénomme « Charmant ».
Chez nos ancêtres les Grecs, Gaïa, notre Terre, est considérée comme un être vivant.
Aurore Kepler, elle, a été découverte en 2015 par le satellite observatoire Kepler de la NASA. Elle tourne dans la constellation du Cygne à 1400 années lumières de la nôtre et porte le matricule 452b.
Par sa taille, sa masse, son âge (elle est seulement plus ancienne de 1,5 milliard d’années) et la similitude de son orbite autour de son étoile, Aurore Kepler possède des caractéristiques communes avec Gaïa.
D’après la communauté scientifique, Aurore Kepler pourrait être habitée.
Ces deux planètes communiquent par intrication quantique, celle décrite en 1982 par le Français Alain Aspect. Il vient d’être récompensé 40 ans plus tard par le Prix Nobel 2022 de Physique.
Ce mystérieux phénomène quantique lie de façon instantanée deux particules, quel que soit leur éloignement. En 2015 à l’université de Delft, cette fantomatique action à distance a été réalisée et établie par une expérience de Ronald Hanson. En 2022 une information instantanée a été constatée entre deux ordinateurs quantiques intriqués.
De Aurore Kepler452
Constellation du Cygne
Bras d’Orion
Voie Lactée
Superamas de la Vierge
à Gaïa
3 Ronde du Soleil
Bras d’Orion
Voie Lactée
Superamas de la Vierge
Lettre du mois des Sarments Glacés sur Kepler 452b
Lettre de février 2023 sur Gaïa
Ma chère Gaïa
J’entends d’ici les bruits de bottes et le roulement des chenilles qui a remplacé celui des tambours. Par notre père Éther, comme certaines de tes créatures sont prévisibles mais arrivent quand même à leurs fins en toute impunité, du moins dans un premier temps.
Je crois deviner pourquoi celui qui est en haut de la pyramide du pouvoir autocratique décide d’exterminer ses sujets et ceux de son voisin. Son déséquilibre le détermine à exercer un pouvoir absolu. Quand il l’obtient, il veut aller plus loin. Il se laisse griser par sa puissance de potentielle destruction. Tant qu’il n’en a pas usé, il a du mal à se convaincre de la réalité de ce pouvoir qu’il sait avoir usurpé.
Donc il lance la guerre pour se rendre compte de sa force.
Et puis il y a une autre raison : tous tes autocrates se justifient, à leurs yeux et à ceux de leurs peuples, par un comportement belliciste qui, non seulement les rassure sur leurs capacités, mais en plus les installe dans le rôle de chef de guerre qui automatiquement soude la nation derrière eux. Car l’état d’urgence nait du danger que la guerre impose et l’urgence efface les divergences d’opinion que chaque nation connait. On n’ergote plus sur les souffrances des minorités accablées, sur les revendications des oubliés du bien-être, sur les droits des légions bafouées, on fonce. L’ambiance est à la guerre et les oppositions deviennent inaudibles tant leurs discours sont futiles en regard du péril qui menace. Rien ne vaut une bonne guerre pour asseoir un leader contesté qui s’est fait tyran. Et je vois dans l’histoire de tes peuples cet éternel recommencement, ce perpétuel recours à l’ennemi pour conserver un pouvoir entaché de crimes.
Je sais ma chère Gaïa que dans tes démocraties, ce genre de manipulation fonctionne moins bien.
Le leader doit passer par les élections pour conserver le pouvoir et ce même si son pays est en guerre. Le leader hésite même à faire la guerre car comme partout, elle est impopulaire : le leader élu doit donc ménager le peuple pour qu’il lui octroie toujours ses voix. Donc la bonne guerre n’est pas celle qui tue mais celle qui est déclarée à la corruption et à la paupérisation du pays. En revanche chaque démocratie doit craindre un voisin autocratique car la survie de ce dernier va un jour ou l’autre passer par un conflit de voisinage dont il fera les frais.
En résumé, je crains que ma petite Utula qui admire tant tes autocrates ne soit tentée par des actions similaires et guerrières.
Je ne sais comment tes Charmants tranchent les contradictions qui s’opposent dans leur esprit avant de prendre une décision. Ici sur Kepler pour mes Ovoïdes, je sais que jusqu’à présent c’est assez simple. Une situation se présente et ils réagissent immédiatement en fonction du schéma inscrit dans leur génome, celui qui est utile à la société ovoïde, à ma planète. Leur réaction ne prend pas en compte un avantage qu’ils pourraient en tirer individuellement. Mes Ovoïdes sont une partie de moi et ne se posent pas la question du mieux être personnel. Ils ne font pas vraiment de choix, leurs comportements interagissent avec les données environnementales ponctuelles sur le lieu de la décision, le tout étant géré par les grands principes du respect de ma terre et des autres animalcules vivants.
Leur centre décisionnel n’est pas identifié car ils n’ont pas de centre de commande anatomiquement observé.
C’est peut-être pour cette raison qu’il n’y a pas de conflit entre leur corps et leur esprit car on pourrait penser que le corps a des désirs que l’esprit qui observe une morale peut contester. Comme l’esprit des Ovoïdes habite tout leur corps et que tout leur corps est esprit, il y a une facilité de prise de décision qui n’est jamais double ni ambigüe mais instantanée.
Je crois que ce sont tes Égyptiens qui ont les premiers dissocié l’âme, l’esprit du corps pour ensuite situer l’esprit au niveau du cerveau de tes Charmants.
Depuis la naissance de Charmant, il y a quelques 3 ou 4 millions d’années m’as-tu dit, son cerveau s’est développé terriblement alors que son corps est sensiblement identique. Est-ce la raison de cette dualité qui le contraint quand il faut prendre une décision ?
Cela me fait réviser mes premières idées.
Le développement du cerveau semble avoir amené des comportements plus individualistes, car quand Charmant vivait en tribu dans la savane au pied de la faille du Rift, la survie du groupe était régie par des comportements désintéressés pour l’individu mais indispensables au groupe. Aujourd’hui la plupart de tes Charmants mangent à leur faim et ne craignent plus les bêtes sauvages ou le froid. Ils peuvent faire des choix personnels qui les avantagent par rapport aux autres individus. À la première analyse, je pensais que c’était le corps qui avait trop d’exigences personnelles et le cerveau qui le raisonnait pour prendre une décision utile et conforme à une morale qui est une règle de respect et de convivialité sociétale. Et je m’aperçois que c’est le développement du cerveau qui a amèné des comportements égoïstes, voire superficiels et superflus. Le cerveau moderne se permet des fantaisies qui se soustraient à la conscience utile au groupe. Et si ce cerveau est celui d’une éminence, ses décisions peuvent sembler complétement illogiques, aberrantes et nuisible au groupe.
Si je comprends bien, le corps désire simplement de l’air, de l’eau et du pain.
Il agira simplement pour survivre et par sa présence renforcer et augmenter la force et le nombre du groupe. On doit constater que la croissance du cerveau a entraîné des comportements servant plus l’individu que le groupe, exauçant ses caprices ou comblant ses désirs quand il a analysé une situation qui l’avantage sans se mettre en danger.
Tu m’as fait une prédiction sur ton conflit russo-ukrainien. Je vais essayer d’en imaginer une autre.
Au printemps tes grandes plaines de ton Europe Centrale se réchauffent et les projets de reconquête s’échafaudent au fond des bivouacs enterrés. La neige fond lentement et les carcasses des chars dessinent toujours des ombres macabres sur l’horizon des charmantes pensées. Les cadavres jonchent le creux des chemins : ils ont l’allure du dormeur du val que le gel a conservé. La boue ruisselle dans les tranchées et les vivants aux pieds gourds se préparent pour l’assaut.
L’Ours Brun au regard sans fond sait qu’il doit réussir ou disparaître.
Les mères des soldats morts dans cette opération spéciale qui a mal tourné harcèlent ses commissaires politiques et commencent à hanter les réseaux sociaux.
Son avatar l’ours blanc le nargue en osant contre toute attente révéler qu’il y a eu des centaines de milliers de jeunes recrues russes décimées sur le front. Il le provoque et prend des libertés : il veut plus d’obus que le Ministère de la Défense refuse de lui fournir par crainte qu’il ne s’en serve contre le pouvoir. L’ours blanc voudrait aussi que l’Ours Brun use des armes biologiques pour rétablir un équilibre numérique avec l’ennemi ukrainien car lui n’arrive plus à recruter assez de prisonniers de droit commun qui ont compris leur avenir : du fer, du feu ou se faire éclater la tête par une masse s’ils refusent de monter sous la mitraille. L’ours blanc qui a séjourné dans les geôles pendant neuf ans, sait que la mèche du pétard de la libération des détenus est mouillée par les fleuves de sang de ces volontaires malgré eux.
Il va manquer de chair pour nourrir ses ambitions. Il a faim.
Mais il ne veut pas d’une nouvelle conscription qui noierait ses troupes dans une multitude et altérerait son pouvoir.
L’Ours Brun hésite à répandre des bacilles tueurs sur les lignes ennemies qui sont trop proches des siennes.
L’ours blanc décide alors de recruter des mercenaires sur les terres africaines nouvellement subjuguées. Des bataillons entiers de combattants de Guinée, du Burkina Fasso sont acheminés sur la ligne de front du Dniepr. Mais ils ont froids et ne comprennent pas les vociférations de leurs adjudants russophones. Ils grelottent. Un jour, quand l’un des leurs refuse de monter à l’assaut et que son crâne est éclaté par la délicatesse des masses des gradés, l’un de ses frères sous l’emprise de sa rage, d’un jet sort son coutelas et commence, immédiatement suivi par ses frères, à égorger les chefs mercenaires qui cèdent sous le nombre et la surprise. Cette poche de sécession fait tache d’huile et s’étend aux bataillons des ex prisonniers de droit commun qui ont compris leur destin. Et la révolte ne faiblit pas.
Partout, les jeunes recrues se tiennent les coudes et malgré des dizaines d’exécutions sommaires, refusent de monter au front.
Puis, c’est la bascule : au quartier général de l’Armée Rouge, trois généraux se déclarent en rébellion et déclenchent un coup d’État. Leurs tanks foncent sur le Kremlin, sur la télévision, occupent les chambres hautes et basses. Les troupes régulières hésitent, puis le chef d’état-major fait une allocution et toute l’armée le suit pour s’emparer du pouvoir.
L’Ours Brun alors se terre dans un de ses nombreux bunkers et s’adresse à la nation pour reprendre la main. Mais il est pourchassé par l’armée et par l’Ours Blanc qui tente lui aussi une prise de pouvoir par une contre-offensive sur le Kremlin tenu par les militaires. Leurs chars s’affrontent dans les rues de la capitale et les dômes des églises orthodoxes tremblent sous les détonations. Le Patriarche se rallie aux généraux félons.
Les troupes du bélier ukrainien foncent sur leurs ennemis qui désemparés se rendent sans combattre.
Cette guerre est finie.
L’ours brun disparaît. On pense qu’il s’est enfoncé dans les profondeurs de la Sibérie Orientale et qu’il a rejoint l’Empire du Milieu qui lui a offert un nouveau visage et une nouvelle identité.
L’ours blanc essaye de négocier son amnistie mais il retourne en prison malgré le fort soutien des ultranationalistes qui le nomment président de leur parti. Des élections sont prévues par l’armée qui décide de rendre le pouvoir aux civils. On croit Navalny sur le point d’être élu quand c’est l’Ours Blanc qui est porté par le suffrage universel au pouvoir de la Fédération de Russie.
La guerre n’est pas finie.
Ma chère Gaïa, il y a fort longtemps, tu m’as parlé de la pensée du philosophe russe Vladimir Soloviev. Celle-ci ne réussit visiblement pas à encore s’inscrire dans le projet des esprits des citoyens de ce grand pays. Si je me le rappelle bien, lui pense à l’époque que le véritable substantif auquel s’applique l’adjectif russe, c’est le mot européen. Il est un Européen russe comme il y a des Européens anglais, français, allemands, etc… Il sait de façon indiscutable qu’il est Européen autant qu’il sait qu’il est russe. Il se reconnait solidaire avec des nations et des hommes qui ont créé, conservé les trésors de la « civilisation supérieure ». Il ressent dans cette affirmation la confirmation de l’air de la paix et la confirmation de la diffusion pacifique de la civilisation européenne. Partout maintenant s’annonce pour lui l’ère de la paix… Tous doivent devenir Européens. La notion d’Européen doit coïncider avec celle d’homme et la notion de monde civilisé européen avec celle d’humanité. C’est là la signification de l’histoire…
Vladimir Soloviev avait écrit cela un peu avant ta première guerre mondiale… Il avait oublié les guerres coloniales que les Européens portaient sur les autres continents. Il s’est douloureusement trompé sur le siècle suivant qui fut bien le pire de l’Europe.
Mais vous-mêmes n’êtes-vous pas aussi naïfs ?
N’avez-vous pas tendance à croire que la disparition d’un tyran vous amènera la paix entre les peuples ? Ne vous bercez-vous pas d’illusions en pensant qu’il contraint le peuple à des actions néfastes alors que vos peuples sont naturellement bons et généreux ?
Tes Européens de l’Ouest ont réalisé le début du rêve de Soloviev, mais j’ai l’impression que l’adjectif russe se rattache encore aujourd’hui plutôt au substantif Empire qu’à celui d’Européen. L’illusion serait de croire qu’une fois l’Ours Brun disparu, l’imprégnation totalitaire de l’esprit de ses sujets va faire place à une disposition spirituelle démocratique et philosophique. C’est la raison pour laquelle je t’ai écrit une fin de ce petit scenario qui n’est pas tout à fait aussi belle que celle que tu aurais pu rêver.
Ma chère Gaïa, je t’envoie mes meilleures pensées ondulantes de chaleur et de lumière, mes plus jolis photons caracolant comme des chevaux harnachés de pourpre et coiffés de plumes d’autruche, je te souffle entre deux zéphyrs mes particules les plus douces qui ne manqueront pas de te consoler de tes déboires et de tes charmants soucis.
Ton Aurore