Le cinéaste iranien Hadi Mohaghegh a tourné un film lent et magnifique, qui tient de l’expérience contemplative.
Bien souvent, le cinéma iranien peut être partagé en deux catégories, les films politiques et les films poétiques. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient « L’odeur du vent » (sortie le 24 mai), réalisé par Hadi Mohaghegh, présenté en avant-première aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer. Lors de la première séquence, un homme handicapé est accroché aux rochers de la montagne, s’échinant à en arracher des herbes qu’il utilisera plus tard pour faire des potions et poudres médicamenteuses.
D’abord, on suit cet homme accroupi, au ras du sol, qui se déplace difficilement, lentement, dans ses tâches quotidiennes, allumer le feu, faire la toilette de son fils alité, en mauvaise santé. Après une coupure d’électricité, il quitte leur maison isolée, se traîne péniblement sur les chemins, à la recherche d’un détenteur de téléphone, afin de prévenir les services techniques.
Interprété par le réalisateur lui-même, un électricien arrive plus tard, qui grimpe au transformateur puis en redescend : il ne peut pas dépanner et remettre le courant, il doit aller récupérer une pièce de rechange. Cette quête va devenir une véritable aventure : son 4X4 coincé dans un ruisseau, il va chercher de l’aide à son tour, échoue dans un village en ruines, seulement habité par un aveugle qui lui demande de le conduire à un rendez-vous galant, trouve la fameuse pièce, traverse une rivière à pied avec l’encombrant objet sur l’épaule… Sans jamais râler ni se plaindre, comme si tout cela n’était que simples épisodes le retardant dans sa tâche.
Une leçon de dignité et de solidarité
De lui-même, l’électricien décide de faire tout son possible pour réaliser ce dépannage et bien au-delà. Il s’investit vraiment, loue une voiture, puis un groupe électrogène, achète un matelas pour le jeune garçon, tombe en panne avec la voiture… et emprunte une chèvre à son frère lorsque sa carte de paiement est bloquée. Une succession d’actes désintéressés, qui font de ce récit un film pétri d’humanité, d’entraide gratuite, une leçon de patience, de persévérance, de dignité, et de solidarité.
Au pied de la montagne iranienne, « L’odeur du vent » souffle sur la plaine, au-dessus d’hommes silencieux, n’échangeant que peu de mots, « Bonjour… Merci… ». Economie de dialogues et économie de mouvement, Hadi Mohaghegh n’utilise quasiment que des plans fixes, laissant le temps aux personnages de se déplacer au loin dans un paysage superbe qui emplit l’écran. C’est ainsi un film lent et immobile, qui tient de l’expérience contemplative, une œuvre dépouillée, toute de simplicité et de beauté cinématographique.
Patrick TARDIT
« L’odeur du vent », un film de Hadi Mohaghegh (sortie le 24 mai).