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« Les Rascals », blousons bleus et fureur de vivre

Avec une histoire de guerre de bandes, le film de Jimmy Laporal-Trésor évoque la montée du fascisme dans les années 80. « Le rêve américain qui rencontre le cauchemar français », résume le réalisateur.

Look de teddy boys et goût pour le rockabilly, les Rascals ont une attirance pour une mode et une musique d’un autre temps.

Décidément, le cinéma français revisite les années 80, la situation sociale et politique d’alors, tout en parlant d’aujourd’hui. Après « Nos frangins », de Rachid Bouchareb, consacré notamment à l’affaire Malik Oussekine, voici « Les Rascals », premier long-métrage de Jimmy Laporal-Trésor (sortie le 11 janvier 2023). Au générique de début, défilent des clichés en noir-et-blanc qui ont été une source d’inspiration graphique, esthétique, pour le réalisateur ; des photos de Philippe Chancel, rassemblées dans un album, « Rebels » (The Jokers Publishing), qui dressent le portrait « d’une jeunesse de France métissée, dynamique et audacieuse (…) Une jeunesse black, blanc, beur qui traîne dans les rues, danse le rock, se bagarre, s’embrasse et s’embrase ».

Tout le contenu des « Rascals », présenté comme « un film de bande, de jeunesse cosmopolite » : « Le rêve américain qui rencontre le cauchemar français », assurait Jimmy Laporal-Trésor, sur la scène du Festival de Deauville où son film était sélectionné. Il était entouré de sa troupe de jeunes comédiens, portant pour la plupart un blouson bleu, « Rascals » inscrit en lettres jaunes dans le dos. Ces blousons, ils les portent dans le film, inteprétant Rudy, Rico (qui en fait se prénomme Ahmed), Mandale, Boboche, Sovann… Des ados de la banlieue parisienne, qui traînent ensemble dans leur quartier depuis qu’ils sont gamins, et arborent fièrement le nom de leur bande.

L’infernal cycle de la vengeance

Avec leur look de teddy boys et un goût pour le rockabilly, une mode et une musique d’un autre temps, cette attirance pour l’Amérique des années 50 semble anachronique alors que le hip-hop et le rap font leurs débuts en France. Certes, en 1984, l’équipe de France de foot est Championne d’Europe, la petite main jaune de « Touche pas à mon pote ! » est brandie, mais le pays déjà déçu du socialisme souffre de plusieurs maux, chômage, racisme, violences… le terreau du Front national, qui obtient une dizaine de députés européens, certes neuf fois moins qu’aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Chez un disquaire, Rico casse la tête d’un skin qui l’avait agressé quelques années plus tôt ; cachée, Frédérique, la sœur de l’amoché a tout vu. Dès lors, le film fait évoluer en parallèle les parcours et destins de Rico, qui veut avancer dans la vie, quitter sa banlieue, et Frédérique, qui se rapproche d’Adam, un étudiant en fac de droit, habile à utiliser son ressentiment. « On est chez nous », braillent déjà les skinheads, jeunes fachos aux crânes rasés et groupuscules d’extrême-droite, toujours prêts à casser du gauchiste.

Dans une ambiance oppressante, à l’image du Paris nocturne de « Tchao Pantin », « Les Rascals » est une chronique de jeunesse, pleine de rage et de fureur de vivre. Avec embrouilles et règlements de compte, et affrontement entre bandes rivales prises dans l’infernal cycle de la vengeance, façon West Side Story (mais sans la musique). Porté par une épatante troupe de jeunes comédiens (Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet, Marvin Dubart, Taddeo Kunfus, Jonathan Eap…), ce récit fait exploser les frustrations, la haine et les colères, et les drames ne peuvent que s’achever en tragédies.

Patrick TARDIT

« Les Rascals », un film de Jimmy Laporal-Trésor (sortie le 11 janvier 2023).

Blouson bleu sur le dos, la troupe de jeunes comédiens entourait le réalisateur Jimmy Laporal-Trésor, sur la scène du Festival de Deauville où le film était sélectionné.
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