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« Ernest et Célestine » libèrent la musique

« Le voyage en Charabie » de l’ours et la souris est une fable malicieuse, qui raconte aux petits la différence, l’arbitraire et la dictature. Une ode à la liberté.

Dans une Charabie colorée au graphisme inventif, le film est fidèle aux couleurs pastels et illustrations crayonnées de l’univers de « Ernest et Célestine ».

Personnages créés par Gabrielle Vincent, Ernest le gros ours bougon et Célestine la petite souris espiègle sont à la fois des vedettes de la littérature enfantine et du cinéma. Héros de dizaines d’albums, le duo d’amis était à l’affiche d’un premier film, coréalisé par Benjamin Renner et écrit par Daniel Pennac, puis d’une série télé, et d’un autre long-métrage d’animation dérivé de la série. « Ernest et Célestine » reviennent au cinéma dans « Le voyage en Charabie », réalisé par Julien Chheng et Jean-Christophe Roger (sortie le 14 décembre).

« L’animation, c’est un peu magique, ça s’apprend en le faisant », disait Julien Chheng, lors d’une avant-première du film au Star à Strasbourg. Animateur sur le premier « Ernest et Célestine » passé réalisateur sur la série, il a expliqué aux nombreux enfants présents le rôle de « chef d’orchestre » du réalisateur, et la longue fabrication d’un film d’animation traditionnelle, à la main, une centaine de personnes qui ont travaillé pendant deux ans et demi, au rythme infernal d’une seconde de film par jour !

Un monde du silence

Ernest a à nouveau la voix de Lambert Wilson, et Célestine celle de Pauline Brunner, pour ce « Voyage en Charabie », contrée imaginaire qui est le pays natal de l’ours. Une patrie où il n’a aucune envie de retourner, même pour aller chez le seul luthier capable de réparer son violon, un stradivarours, malencontreusement cassé. C‘est donc seule, le violon sous le bras, que part Célestine, prête à affronter une tempête dans une montagne enneigée. Rejointe par son fidèle ami, c’est finalement ensemble que la petite souricette et le « gros patapouf » arrivent en Charabie. Un pays qui fait « tout le temps la fête, avec de la musique partout », avait raconté Ernest le Charabien.

Mais de l’autre côté de la montagne, ils découvrent un monde du silence, on n’y entend rien, pas une seule note de musique. Enfin si, une : le do, seule note désormais autorisée dans le pays, où les pianos n’ont qu’une seule touche et les harpes qu’une seule corde. Appliquant la devise locale, « C’est comme ça et pas autrement » (diktat parental que bien des enfants entendent), une loi interdit la musique aux habitants de la Charabie. Une décision absurde que cette loi Ernestof prise par le père d’Ernest, juge autoritaire qui comptait bien que son fils lui succède, ainsi que le veut la tradition charabienne.

Un univers délicat et poétique

Ernest le gros ours bougon et Célestine la petite souris espiègle vont connaitre mille péripéties en Charabie.

C’était pour échapper à ce destin tout tracé et pour devenir musicien qu’Ernest avait fui son pays natal, où la police fait désormais la chasse aux notes. Poussé par Célestine, ils vont rejoindre la résistance musicale, un mouvement qui a son héros, Mifasol, sorte de lutin bleu saxophoniste, et son orchestre secret de la libération qui joue des mélodies interdites dans un cabaret clandestin. Pour « libérer la musique », Ernest et Célestine vont connaitre mille péripéties dans ce film fidèle à leur univers délicat et poétique, couleurs pastels et illustrations crayonnées, dans une Charabie colorée au graphisme inventif.

« Célestine empêche Ernest de renoncer à la musique », dit Julien Chheng, qui liste les sujets évoqués par cette histoire, « le retour aux origines, le poids de la tradition et des règles », le destin, le fait de suivre une voie plutôt qu’une autre, les interdictions et injustices, justifiées arbitrairement par la fameuse phrase : « C’est comme ça et pas autrement ». En montrant un monde oppressé, ce « Voyage en Charabie » est une ode à la liberté, une fable malicieuse qui raconte aux petits la différence, l’arbitraire et la dictature. Imaginant d’abord la tristesse d’un monde sans musique, ce film se fait finalement joyeux, avec de festives séquences musicales, aux airs inspirés notamment du folklore d’Europe de l’Est, prouvant qu’il n’y a jamais trop de cordes ni trop de notes !

Patrick TARDIT

« Ernest et Célestine, le Voyage en Charabie », film d’animation réalisé par Julien Chheng et Jean-Christophe Roger (sortie le 14 décembre).

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