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Pas si « Innocents » que ça

Primé au Festival de Gérardmer, le film du cinéaste norvégien Eskil Vogt est un curieux conte nordique, un drame étrange et fantastique.

Prix du Public et Prix de la Critique au Festival de Gérardmer, « The Innocents » est un film perturbant, angoissant.

Mais pourquoi est-il si méchant ? Oui, pourquoi ce gamin est-il si cruel ? Il a pourtant l’air si gentil lorsqu’on le découvre dans le film du cinéaste norvégien Eskil Vogt, « The Innocents » (sortie le 9 février), primé doublement au Festival de Gérardmer (Prix du Public et Prix de la Critique) après avoir été sélectionné au Festival de Cannes (Un Certain Regard). Scénariste attitré du réalisateur Joachim Trier, dont « Oslo, 31 août » et récemment le délicieux « Julie (en 12 chapitres) », Eskil Vogt a pris des enfants pour personnages principaux du second long-métrage qu’il réalise (après « Blind : un rêve éveillé »). Des enfants qui ont des pouvoirs surnaturels et qui s’en servent, ainsi qu’il est de tradition dans le cinéma fantastique.

La petite Ida est l’exception, elle ne sait rien faire d’exceptionnel lorsqu’elle arrive un été avec sa famille, ses parents et sa soeur Anna, autiste, dans leur nouvel appartement, un nouveau quartier, une nouvelle ville, un ensemble d’immeubles à l’orée d’une forêt. « Tu vas te faire de nouveaux copains », lui promet sa mère. Effectivement, la blondinette tombe rapidement sur un gamin solitaire, Ben, qui lui montre son coin secret, sa cabane, mais aussi ses pouvoirs de télékinésie, sa faculté à déplacer les pierres, les objets.

Ida est d’abord mécontente de traîner sa sœur handicapée et souffre-douleur à l’aire de jeux, mais finalement Anna aussi se fait une copine, Aisha. C’est donc une banque des quatre qui se retrouve en toute liberté pour leurs jeux d’enfants dans les bois. Trois communiquent entre eux, par transmission de pensée, ils sont en connexion : « On pense ensemble ». Le simple dessin d’un requin sur une vitre ou une ardoise magique devient surnaturel. Comme téléguidée par son amie, Anna redit quelques mots, elle qui était muette depuis des années ; enfermée dans son monde, elle découvre qu’elle peut communiquer avec d’autres et bien plus encore.

Une lutte du bien contre le mal

Ben s’amuse à maltraiter un chat, avant de maltraiter sa propre mère ; garçon malfaisant, il casse à distance des branches comme les os des mômes qui jouent au foot, « télécommande » les gens, leur fait commettre des horreurs. « On fait quoi si quelqu’un est méchant ? », s’inquiète alors Ida auprès de sa maman. Eskil Vogt s’incruste dans la vie secrète des enfants, lorsqu’ils sont entre eux, pénètre dans ce qui est inconnu des parents, des adultes, et rappelle qu’ils ne sont pas si « Innocents » que çà. L’être le plus monstrueux de ce curieux conte nordique n’a pas dix ans.

Tourné entre grands immeubles et forêt toute proche, ce film est un drame étrange, perturbant, où quelques notes de musique se font angoissantes. C’est de lutte du bien contre le mal qu’il s’agit, jusqu’au « duel » final, mental, entre deux mômes, d’un côté à l’autre d’un parc public. Tandis qu’enfants et parents se prélassent, s’amusent, jouent dans le sable, au ballon, font de la balançoire… se déroule un combat, terrible et invisible.

Patrick TARDIT

« The Innocents », un film de Eskil Vogt (sortie le 9 février).

Le réalisateur Eskil Vogt s’incruste dans la vie secrète des enfants, lorsqu’ils sont entre eux, et pénètre dans ce qui est inconnu des parents.
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