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Oliver Stone : « Je suis toujours en colère »

« L’Amérique ne veut pas se souvenir de cette histoire », estime le cinéaste américain, qui a présenté au Festival de Deauville son documentaire sur l’assassinat de Kennedy.

« Je ne peux pas faire de politique, car je dis ce que je pense », disait Oliver Stone, au Festival de Deauville.

« Ce n’est pas seulement un cinéaste et un artiste, c’est un citoyen », déclarait Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, avant de faire monter Oliver Stone sur la scène du cinéma du Casino de Deauville. Un citoyen américain qui n’a de cesse d’appuyer là où l’Amérique a mal. Le cinéaste est ainsi venu présenter « JFK, l’enquête » au Festival du cinéma américain, un documentaire dans lequel il reprend de zéro l’enquête sur l’assassinat du président américain, le 22 novembre 1963 à Dallas.

Thierry Frémaux annonçait « un document très extraordinaire », déjà projeté sur la Croisette en juillet, tourné par « ce grand géant du cinéma contemporain », qui a notamment réalisé « Platoon », « Né un 4 juillet », « Wall Street », « The Doors », « Tueurs nés », « Nixon », « W », « World Trade Center »… Un cinéaste et citoyen qui a l’obsession de « traquer la vérité » et mène « une introspection de son pays ». « L’Amérique ne veut pas se souvenir de cette histoire, c’est un trou de mémoire », assure Oliver Stone, qui avait déjà consacré un film à l’affaire en 1991, « JFK ». Kevin Costner y incarne le procureur Jim Garrison, qui remettait en cause les conclusions de la commission Warren. « Les commissions ne sont pas transparentes », estime le réalisateur. La fiction évoquait le rôle combiné de la CIA, du FBI, et du Pentagone, dans la mort du président tant aimé ; trente ans après, le documentaire assure que c’est bien « une cabale », « un complot avéré », avec les mêmes coupables.

« Je n’ai suivi que les théories les plus crédibles »

« Le Congrès américain a déclassifié des milliers de documents, dont la presse n’a pas parlé, Donald Trump a stoppé la déclassification », précise Stone, qui exploite donc ces dossiers, a interviewé experts, témoins, historiens…, et multiplie les détails et incohérences, dont la fameuse « balle magique » aux blessures multiples. « Je n’ai suivi que les théories les plus crédibles », dit-il, connaissant toutes les rumeurs, jusqu’à la piste d’un tueur corse ! « Il y avait au moins trois équipes qui auraient pu tirer sur Kennedy », assure Stone. Arrêté par le FBI et tué par Jack Ruby, Lee Harvey Oswald était un coupable parfait.

« Il y a des sujets tabous en Amérique, on ne peut pas faire de film critique sur les militaires, c’est vrai aussi pour la CIA », disait Oliver Stone, lors d’une « Conversation » avec le public de Deauville. « Le film n’est pas montré aux Etats-Unis, il a été présenté à Cannes mais aucun média majeur n’en a parlé », regrette-t-il. Financé par des fonds britanniques, « JFK, l’enquête » n’est pour l’instant pas encore programmé en France non plus.

« Les gouvernements mentent »

Dans son documentaire, le cinéaste reprend de zéro l’enquête sur l’assassinat du président américain, le 22 novembre 1963 à Dallas.

« J’ai 75 ans et je suis toujours en colère », affirme Oliver Stone, toujours aussi enthousiaste, et aussi révolté, marqué par les trois grands mensonges de sa vie : le divorce de ses parents, la guerre du Vietnam, l’assassinat de Kennedy. Engagé au Vietnam, il y a été blessé deux fois : « C’était ma première expérience étrangère, c’était très fort. C’est un grand mensonge, on nous disait que c’était une bonne guerre mais c’était faux, au Vietnam on tuait des civils », dit-il, « C’était comme l’Afghanistan, en pire (…) L’Afghanistan, c’était tellement évident ce qui allait arriver, c’était une mission suicide ».

« En Amérique, ils tuent des présidents, ils font la guerre (…) JFK voulait retirer les soldats du Vietnam et il n’a jamais pu le faire », poursuit-il. Vietnam, Irak, Afghanistan… « Le Pentagone cache tout ce qu’il peut », dit-il, « Les gouvernements mentent (…) J’aimerais penser que les gouvernements disent la vérité, mais je crois qu’ils mentent tous pour se protéger ; et si j’étais chef d’Etat, je mentirais certainement », sourit-il.

Oliver Stone a une petite phrase pour tous les sujets. La Seconde Guerre Mondiale : « Ce n’était pas une libération américaine, mais une occupation américaine ». L’Otan : « C’est une illusion de croire que les Etats-Unis sont un allié de l’Europe, ils n’agissent que pour leurs propres intérêts ». L’Amérique d’aujourd’hui : « Je crois qu’on va voir le déclin de l’empire américain, comme on a vu le déclin de l’empire soviétique ». Sa liberté de parole : « Ils ne m’ont pas mis en prison, ils ne m’ont pas tué, ils n’ont pas peur ». Et sa certitude : « Je ne peux pas faire de politique, car je dis ce que je pense ».

Patrick TARDIT

Festival du cinéma américain de Deauville, jusqu’au 12 septembre, infos et programmation : www.festival-deauville.com

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