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« Pour l’éternité » et au-delà !

Dans le film de Roy Andersson, il y a du burlesque, du triste, du fantomatique. Et toute la beauté de la banalité.

Un couple enlacé dans les airs au-dessus de Cologne, tels des amants dans les nuages, une des saynètes marquantes de ce film.

Cinéaste suédois et réalisateur publicitaire, Roy Andersson a vu son œuvre artistique et commerciale être exposée au Musée d’Art Moderne de New York. Rayon ciné, il a tourné « Chansons du deuxième étage » (Prix spécial du jury à Cannes en 2000), « Nous, les vivants », « Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence » (Lion d’or à Venise en 2014), et « Pour l’éternité » (« About endlesness », Lion d’argent au festival de Venise en 2019, sortie le 4 août). Ce film étrange est une succession de saynètes, bien souvent inspirées de tableaux notamment des années 1920, des scènes pour la plupart banales et généralement silencieuses, des drames beaucoup, de l’humour parfois, et de l’absurde toujours.

Ce sont de toutes petites histoires qui commencent par la voix d’une conteuse qui nous dit « J’ai vu un homme… » ou « J’ai vu une femme… ». Ainsi, on y voit un couple assis sur un banc, un père et sa fille sous la pluie, un client qui lit le journal dans une salle de restaurant et à qui un serveur veut faire goûter le vin, un homme qui garde ses économies sous son matelas, un musicien cul-de-jatte dans le couloir du métro, un couple enlacé dans les airs au-dessus de Cologne, tels des amants dans les nuages…

Une forme de poésie obsédante, captivante

On a encore vu une femme qui attend sur le quai vide d’une gare, un homme attaché à un poteau d’exécution, trois jeunes filles qui dansent, Hitler dans son bunker, un dentiste dépressif, une voiture en panne sur une route déserte… Et puis on a vu aussi un martyr qui porte une croix dans une rue en pente, « Crucifiez-le », braille la foule ; peut-être le cauchemar d’un prêtre en pleine crise de foi, qui boit au goulot le vin de messe dans la sacristie, et tente de se faire aider par un psy.

Esthétiquement, le cinéma de Roy Andersson fait penser à celui du cinéaste finlandais Aki Kaurismäki. L’image est grise, un peu fantomatique, il y a du burlesque et du triste dans « Pour l’éternité », une forme de poésie obsédante, captivante. Avec ses tableaux d’un autre temps, ses images d’un autre univers peut-être, Andersson semble philosopher sur l’existence, comme perché quelque part au-dessus de nous, entre rêves et cauchemars. Dans son film, on a vu des hommes et des femmes perdus, pathétiques, humains, et toute la beauté de la banalité en quelques instants d’éternité.

Patrick TARDIT

« Pour l’éternité », un film de Roy Andersson (sortie le 4 août).

On voit des hommes et des femmes perdus dans le film de Roy Andersson, qui crée des tableaux d’un autre temps.
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