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« Fortuna », l’enfant perdue

Avec l’histoire d’une jeune réfugiée dans un monastère des Alpes, et le désir de faire un cinéma ambitieux, Germinal Roaux signe un film superbe.

Magnifié par une superbe image en noir-et-blanc, "Fortuna" évoque le destin d'une jeune Ethiopienne réfugiée en Suisse..
Magnifié par une superbe image en noir-et-blanc, « Fortuna » évoque le destin d’une jeune Ethiopienne réfugiée en Suisse..

Une future mère dans une étable, un âne, un endroit isolé, quelques hommes de bonne volonté, des prières, et un enfant à naître… L’histoire que nous raconte Germinal Roaux a certes des références religieuses, mais c’est bien celle de « Fortuna », titre de son film (actuellement en salles), qu’a imaginé le photographe et réalisateur suisse. Incarnée par la jeune Kidist Siyum Beza, Fortuna est une jeune Ethiopienne de 14 ans, une enfant perdue sans ses parents, seule, qui n’a plus rien ni personne.

Après une traversée de la Méditerranée, dont les images la hantent dans ses cauchemars, Fortuna a trouvé refuge dans un monastère, dans les Alpes suisses, où le froid est glacial, et la montagne figée dans un brouillard hivernal. Sublimant la blancheur de la neige et des murs du monastère, et la couleur de peau des réfugiés, Germinal Roaux a conçu une superbe image en noir-et-blanc, et un cadre serré qui nous rapproche au plus près des êtres.

Malgré son prénom, Fortuna n’a pas l’impression d’être chanceuse, bien au contraire. Si « dieu écoute tout le monde », elle a l’impression qu’il ne l’entend pas ; c’est donc à Marie qu’elle confie son secret qu’elle n’a encore révélé à personne, elle est une enfant qui porte un enfant. Une faible gamine qui pourtant dégage force et détermination, et dont le beau visage rayonne en gros plan.

Dans le silence ou presque, les rites quotidiens du monastère, la prière, les repas… sont à peine perturbés par la présence de ces migrants qui ne font que passer. Jusqu’à un contrôle de police, en pleine nuit, qui bouleverse jusqu’à l’esprit des hommes de foi. Il faut toute la sagesse d’un vieux chanoine, joué par Bruno Ganz, pour rappeler à la communauté que l’hospitalité est plus qu’une tradition, un devoir d’humanité, un valeur chrétienne, et que charité bien ordonnée est « accueillir l’étranger comme le christ lui-même ».

Par son image, son rythme lent, « Fortuna » (Ours de Cristal et Grand Prix du Jury dans la section Génération du Festival de Berlin) est certes un film contemplatif, mais Germinal Roaux souhaite aussi réaliser « un cinéma qui aurait l’ambition de ‘’faire’’ plutôt que de dire ». Bouleversé par les histoires de jeunes exilés, que le rêve d’une vie meilleure a jeté sur les routes, le cinéaste a voulu « essayer de faire quelque chose ». « Fortuna » est bien plus qu’un essai, c’est une réussite.

Patrick TARDIT

« Fortuna », un film de Germinal Roaux (actuellement en salles).

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