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Images de guerres et guerres d’images à Deauville

L’Ukraine, Israël, ou encore le Débarquement en Normandie sont évoqués avec force dans des documentaires présentés au Festival du Cinéma Américain.

Dans une forêt détruite, une brigade de soldats ukrainiens combat l’armée russe pour reprendre un village en ruines, Andriivka.

Bien sûr, il y a des fictions et des stars cette semaine à Deauville, mais le Festival du Cinéma Américain propose aussi une plongée dans une terrible réalité, dans les tourments les plus violents de l’actualité internationale, avec une section consacrée aux documentaires. Au programme d’American Doc Stories, des films racontent ainsi des épisodes de la guerre en Ukraine, la situation en Israël, des images de guerres qui pourraient servir de matière à des guerres d’images et de propagande. Au plus près de la vérité, les documentaires projetés en Normandie sont des témoignages poignants et des documents pour l’histoire.

L’Ukraine est ainsi évoquée à travers deux films, « A 2000 mètres d’Andriivka » (sortie en salles le 24 septembre) réalisé par Mstyslav Chernov, qui avait déjà tourné « 20 jours à Marioupol » (Oscar du meilleur documentaire) ; et « Viktor » d’Olivier Sarbil, qui suit un jeune homme sourd à Kharkiv lors de l’invasion russe, qui veut devenir combattant mais dont l’enrôlement est refusé. C’est lors de la contre-offensive ukrainienne en 2023 qu’a été tourné « A 2000 mètres d’Andriivka », par une équipe de l’Associated Press mais aussi par les caméras fixées sur les casques ou les uniformes de soldats ukrainiens.

Un village abandonné et en ruines

« Les crayons sont arrivés », est-il annoncé par radio, pour avertir de la venue de journalistes ; ceux-ci accompagnent une poignée de volontaires qui ont pour mission de reprendre à l’armée russe le village d’Andriivka. Coincés dans des tranchées, les soldats de la brigade combattent un ennemi presque invisible à travers une satanée forêt, piteuse, le sol déformé de trous d’obus, des arbres décharnés, calcinés, un enfer de deux petits kilomètres à traverser. La progression est lente, les combattants s’approchent, 1000 mètres, puis 600, puis 300, jusqu’à atteindre Andriivka, hameau abandonné et complétement détruit, au sol jonché de cadavres, avant de hisser le drapeau ukrainien au milieu de ruines. Combien de morts pour un village qui n’existe plus, et sera repris plus tard par les Russes. « Et si cette guerre durait toute notre vie ? », s’interroge un soldat dans ce document éprouvant.

A Venise, le jury du Festival vient de décerner le Grand Prix au film réalisé par Kaouther Ben Ania, qui fait entendre « La voix de Hind Rajab », cette fillette palestinienne piégée sous les tirs, réfugiée dans une voiture mitraillée, à Gaza. A Deauville, c’est une voix israélienne qui a résonné avec « Holding Liat », où Brandon Kramer a suivi au jour le jour la famille de Liat Beinin, prise en otage le 7 octobre 2023, lors de l’attaque du Hamas en Israël.

Dans « Holding Liat », Brandon Kramer a suivi au jour le jour la famille de Liat Beinin, prise en otage le 7 octobre 2023.

Cette famille israélo-américaine a vécu des semaines d’inquiétude, d’incertitude et d’angoisse sur le sort de Liat et de son mari Aviv, qui a été blessé. Le manque d’information d’abord, le soulagement d’apprendre qu’elle est en vie, l’interminable attente des listes de noms d’otages libérés… La séquence émotion des retrouvailles familiales après sa libération est particulièrement forte, comme ensuite celle des obsèques de son mari.

Un inaudible message de paix

Entre-temps, les divergences s’expriment au sein même de la famille. « Ils doivent mourir », affirment l’un des fils de Liat et Aviv, à propos des terroristes du Hamas ; lui-même a échappé à la mort ou l’enlèvement le 7 octobre. « On est dirigés par des fous, que ce soit du côté israélien et palestinien », estime quant à lui son grand-père, le père de Liat.

Son « message de paix et de réconciliation » n’est pas audible lors d’une tournée de sensibilisation aux Etats-Unis, où une délégation de familles d’otages rencontre des élus, des médias, la communauté juive, le président Biden lui-même. Engagé politiquement, le vieil homme est à contre-courant du discours officiel du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qu’il traite de « fucking idiot » : « Les otages ne sont pas au programme de Bibi ». Mais tous dans la famille se questionnent sur l’utilité de leur engagement, de leur mobilisation, si ce n’est d’obtenir la libération de leur chère Liat, mais bien incapable de briser « le cercle vicieux de la violence ».

Retour en Normandie avec « Why we dream », réalisé par Meredith Danluck, qui a suivi un groupe de vétérans américains, lors de la commémoration des 80 ans du Débarquement. Médaille bien en vue sur leur veste, ils étaient quelques-uns à accompagner la réalisatrice sur le tapis rouge du Festival. De très vieux messieurs revenus en pays normand, si proches des sanglantes et fameuses plages, « paysages marqués par la guerre », à tout jamais.

Patrick TARDIT

Festival du Cinéma Américain à Deauville, jusqu’au 14 septembre, www.festival-deauville.com

Pour « Why we dream », Meredith Danluck, a suivi un groupe de vétérans américains, lors de la commémoration des 80 ans du Débarquement en Normandie.
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