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L’abattage des bovins scientifiquement injustifié

L’abattage systématique des vaches en raison de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) peut être considéré comme un scandale pour plusieurs raisons, qui sont à la fois scientifiques, éthiques, économiques et sanitaires.

Jean-Marc Sabatier (DR)
Jean-Marc Sabatier, Docteur en biologie cellulaire et microbiologie, HDR en biochimie, directeur de recherche au CNRS. Il s’exprime ici en son nom propre.

Par Jean-Marc Sabatier

La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) des bovins est une maladie virale due à un Capripoxvirus, proche des virus de la variole (ovine et caprine). Les principaux vecteurs de transmission sont les moustiques, les taons et les mouches piqueuses. Dans une moindre mesure, la transmission virale peut se faire par les sécrétions et lésions cutanées. La période d’incubation virale est généralement de 4 à 14 jours (jusqu’à 28 jours). La maladie se traduit par l’apparition de nodules et de lésions cutanés (et des muqueuses), des œdèmes et un amaigrissement des bêtes. Le virus est actuellement présent en Afrique, en Asie (Chine, Inde, etc.), au Moyen-Orient, et en Europe de l’Est. Et maintenant en France!

L’abattage systématique des vaches en raison de la dermatose nodulaire contagieuse peut être considéré comme un scandale pour plusieurs raisons, qui sont à la fois scientifiques, éthiques, économiques et sanitaires.

En effet, les points suivants sont à considérer :

  1. La maladie est bénigne dans la majorité des cas (et rarement mortelle) : le taux de mortalité est souvent inférieur à 1 %, même sans traitement. Dans la majorité des cas, les vaches infectées guérissent spontanément en quelques semaines. Les lésions cutanées peuvent être spectaculaires, mais sont non graves dans la plupart des cas ;
  2. Le virus n’est pas zoonotique (il ne se transmet pas de l’animal à l’humain) : aucun cas de transmission à l’homme n’a jamais été documenté. Il n’y a donc pas de risque pour la santé publique humaine (la DNC n’affectant que les bovins) ;
  3. Des mesures « alternatives » existent, dont l’isolement temporaire des animaux malades, des traitements symptomatiques combinés (par exemple, une combinaison d’Ivermectine, d’antibiotiques, et d’analgésique). Ainsi, des mesures de biosécurité suffiraient à maîtriser l’épidémie, incluant les vaccins vétérinaires (virus atténué ou inactivé, notamment ceux dérivés du virus de la variole caprine) ;
    Vaccination animale (dessin Anne-Marie/ Agathe Dream Digital)
    Vaccination animale (dessin Anne-Marie/ Agathe Dream Digital)

    Des compensations financières insuffisantes

  4. L’abattage massif est économiquement (et psychologiquement) désastreux, car il entraîne la destruction d’élevages entiers, souvent sur la base d’un ou deux cas détectés (parfois même asymptomatiques). L’impact pour les éleveurs est majeur, avec la perte des animaux (destruction potentielle de la génétique de troupeaux), de leur production, auquel doivent s’ajouter les traumatismes extrêmes des éleveurs. Les compensations financières sont souvent insuffisantes et/ou tardives ;
  5. La stratégie d’abattage utilisée est disproportionnée par rapport au risque sanitaire réel. Une comparaison de la DNC avec d’autres maladies animales plus graves comme la rage est exagérée. L’OMSA (Organisation Mondiale de la Santé Animale) recommande le contrôle, mais pas un abattage massif des bovins ;

    L’importation de viandes étrangères

  6. Des intérêts économiques ou idéologiques peuvent motiver cette stratégie d’abattage massif en France (actuellement en Savoie, Haute-Savoie, Ain et Isère). L’abattage systématique des bêtes peut favoriser l’importation de viande étrangère ou industrialisée, au détriment des élevages locaux. Cela peut aussi être perçu par certains comme une stratégie d’élimination progressive de l’élevage traditionnel, au nom de la biosécurité, mais au profit de systèmes de production centralisés et sous contrôle industriel ou étatique ;
  7.  Il s’agit d’une véritable atteinte au vivant et à l’éthique paysanne, car l’élimination d’animaux en bonne santé ou guérissables est contraire à l’éthique vétérinaire et paysanne. Les animaux sont tués de manière précipitée en absence d’évaluation clinique individualisée sérieuse.

Ainsi, il apparait qu’un abattage systématique des bovins à cause de la DNC est scientifiquement injustifié, économiquement destructeur, éthiquement inacceptable, et socialement étrange, voire suspect. Il s’agit d’une réponse disproportionnée à une maladie le plus souvent bénigne, ouvrant potentiellement la voie à un contrôle excessif de la production animale par des logiques technocratiques ou commerciales. Ces mesures apparaissent clairement déconnectées des réalités humaines et rurales.

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