« C’était un sujet important pour moi », confiait Elsa Bennett, lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer. La cinéaste a coréalisé une comédie dramatique sur le tabou de l’alcoolisme féminin, avec Valérie Bonneton, Michèle Laroque, Sabrina Ouazani.

Il n’y a pas d’hommes avinés accoudés à un comptoir dans « Des jours meilleurs », film coréalisé par Elsa Bennett et Hippolyte Dard (sortie le 23 avril). Il y est question d’alcoolisme, mais ce sont des femmes qui en sont ici victimes. « C’est un alcoolisme caché, de culpabilité, surtout pour les mères, il y a un déni familial, professionnel », confiait Elsa Bennett lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où elle était venue présenter son film en avant-première.
Valérie Bonneton y joue Suzanne, une mère dépassée par la vie, qui remplit des petites bouteilles de vodka, fait un malaise au travail, est en retard pour emmener ses enfants à l’école. Après un accident de voiture, elle est soumise à une obligation de soins, envoyée d’office en centre de désintoxication pour une cure de sevrage ; obligatoire si elle veut récupérer la garde de ses enfants. Dans ce centre, elle est une femme parmi d’autres, toutes souffrant d’addiction et de mal-être. Si Suzanne est dépressive, Alice (Sabrina Ouazani) est une jeune femme à l’alcoolisme festif, et Diane, actrice interprétée par Michèle Laroque, ferait plutôt dans l’alcoolisme mondain.
Ce trio d’alcooliques plus ou moins repenties se retrouve embringué dans le Rallye des Dunes, course auto dans le désert marocain, toutes poussées par Denis (Clovis Cornillac), coach bienveillant qui a eu cette drôle d’idée. Un personnage masculin positif parmi des femmes, ce qui est assez rare au cinéma actuellement : « C’est important, même pour nos filles, de rétablir une figure masculine positive », précise Elsa Bennett, « C’est un film qui essaie de faire bouger les choses ».
« Ne pas trahir la souffrance de ces femmes »

Avec un tel casting (Bonneton, Laroque, Ouazani, Cornillac), on peut s’attendre à des scènes de comédie, le film a d’ailleurs été sélectionné par le Festival de l’Alpe d’Huez. Mais c’est en fait une comédie dramatique, au sujet grave, et où l’on sent la patte du coscénariste Louis-Julien Petit, réalisateur de comédies sociales (« Les Invisibles », « La Brigade »). « On ne veut pas trahir la souffrance de ces femmes, l’humour n’est pas toujours facile à glisser, il faut être dans le respect », assure Elsa Bennett, « Il était impératif que toutes les comédiennes aillent dans des centres, à la rencontre de ces femmes, il faut le vivre pour s’en rendre compte. Elles ont vraiment réalisé ce qu’est la maladie, c’est toujours extrêmement éprouvant ».
Pour être au plus près de la réalité, un travail a également été mené avec des addictologues et des médecins. « C’était un sujet important pour moi, ça vient toujours de quelque chose de personnel, ça m’a touché dans ma famille très proche et il fallait que j’en parle », ajoute la coréalisatrice. Lors de séquences face caméra, comme lors d’un entretien avec un médecin, les femmes se racontent, évoquent des vies cassées, la honte, la pression sociale, la solitude, le regard des autres… « Prisonnières de la maladie », elles sont d’abord dans le déni, avant d’accepter de vivre avec, puis d’espérer une guérison possible.
« La prévention est essentielle », constate Elsa Bennett, qui avec ce film brise le tabou de l’alcoolisme féminin, « Tout ce que je souhaite, c’est aider ces femmes à tendre la main ». Après la traversée du désert de son curieux équipage, ses personnages sont effectivement prêtes pour « Des jours meilleurs ».
Patrick TARDIT
« Des jours meilleurs », un film de Elsa Bennett et Hippolyte Dard, avec Valérie Bonneton, Michèle Laroque, Sabrina Ouazani, et Clovis Cornillac (sortie le 23 avril).