Asie-Pacifique
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

S’apaiser dans « Le jardin zen »

Le film de Naoko Ogigami est à la fois réconfortant et libérateur, où une épouse finit par s’émanciper des contraintes de la patriarcale société japonaise.

Après des années d’absence, son mari revient dans la vie de Yoriko, désormais adepte à une secte de l’eau.

Au début du film de la réalisatrice japonaise Naoko Ogigami, « Le jardin zen » (sortie le 29 janvier), un parterre de fleurs agrémente un joli jardin fleuri devant une pavillon de banlieue. Ce sont ces fleurs que le maître de maison devait aller arroser lorsqu’il est parti sans prévenir, abandonnant femme, enfant, et même vieux père indigent laissé aux soins de son épouse Yoriko, alors que tout le pays est dans l’angoisse de Fukushima, tsunami et alerte nucléaire.

Bien des années plus tard, Yoriko (Mariko Tsutsui, vue notamment dans « L’infirmiére », « Harmonium »…) vit toujours dans la maison, seule, son grand fils parti à son tour vivre sa vie. Entre-temps, elle a transformé le jardin et a remplacé les fleurs par du gravier et quelques rochers, un jardin sec, zen, apaisant, qu’elle ratisse en vagues. Caissière dans un supermarché, elle a aussi modifié son intérieur, et remplacé la télé par un autel à la gloire d’une religion qui a tout d’une secte avec gourou. Fidèle disciple de ce mouvement de « l’eau de la vie verte », elle achète chèrement et par cartons entiers le précieux liquide sensé « purifier les cœurs ».

Humour noir en goutte à goutte

Yoriko a transformé l’ancien jardin fleuri par du gravier et quelques rochers, un jardin sec, zen, qu’elle ratisse en vagues.

Et voici que, du jour au lendemain, revient le mari, malade dit-il. « Et sinon, tu restes manger ? », propose l’épouse faiblement compatissante. Oui, il veut bien, et aussi qu’elle paye l’onéreux traitement contre son cancer, et aussi finir ses derniers jours à ses côtés si elle est d’accord. Malgré les chants et prières (« Ensemble, élevons-nous ») et les préceptes de sa nouvelle croyance, rejeter les émotions négatives et les mauvaises pensées, pardonner, « le renoncement de soi… Yoriko a bien du mal à rester aussi zen que son jardin. Elle va plutôt suivre les conseils d’une vielle collègue, et décider de ne plus se laisser faire, ni par le chat de la voisine qui vient poser ses sales pattes (et pas que) dans son cher jardin, ni par un client de mauvaise foi, ni par ce lâche de mari qu’elle ne supporte plus.

L’eau s’écoule plus ou moins au long du film de Naoko Ogigami, contingentée en période de crise, vendue à profusion par la secte abusive, et inexistante dans ce jardin zen qui n’a besoin d’aucun arrosage. La cinéaste évoque, avec un certain humour noir, la pression de la société japonaise, le patriarcat, la bienséance, les traditions et contraintes imposées aux femmes. Mais il y a quelque chose de réconfortant et de libérateur dans l’évolution de Yoriko, qui finit par s’émanciper de tous ces corsets, et au final danse un indocile flamenco après avoir « reconfiguré » un nouvelle fois le jardin.

Patrick TARDIT

« Le jardin zen », un film de Naoko Ogigami (sortie le 29 janvier).

Asie-Pacifique