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« Anora », le conte défait

C’est « une histoire d’amour » mais sans avenir que raconte Sean Baker dans son film, Palme d’Or à Cannes. Une variation délirante et chaotique sur le thème d’une « Cendrillon des temps modernes », un réjouissant désenchantement.

Le cinéaste Sean Baker et l’actrice Mikey Madison (à droite) sur la scène du Festival de Deauville, avant la projection de « Anora ».

« Figure du cinéma indépendant américain », c’est auréolé de sa Palme d’Or cannoise pour « Anora » (sortie le 30 octobre) que le cinéaste Sean Baker est revenu en septembre au Festival du Cinéma Américain de Deauville, où il avait été récompensé pour certains de ses films précédents (« Tangerine », « Red Rocket »…). Le festival normand lui rendait ainsi un hommage et projetait ses tout premiers films, jusqu’alors inédits en France. Sean Baker était accompagné de Mikey Madison, l’électrisante actrice d’« Anora » qui a reçu à Deauville un Hollywood Rising-star Award.

Remarquée en disciple de Charles Manson dans « Once upon a time… in Hollywood » de Quentin Tarantino, Mikey Madison joue ici Anora, dite Ani, une escort-girl qui travaille dans un club de strip-tease de Manhattan. Parce qu’elle parle russe, on lui confie un jeune client, fils d’un oligarque russe. Pour cet Ivan (joué par Mark Eydelshteyn), qui vit dans une immense et luxueuse résidence sécurisée, la jolie et sensuelle demoiselle fait d’abord des séances privées, avec tarif spécial jour férié, puis accepte d’être sa « prestataire » exclusive pour une semaine.

Sexe, alcool, drogue, limousine… ces deux-là s’entendent bien pour faire la fête et passer de joyeux et tourbillonnants moments ensemble. Flambeur jeune et inconscient, Ivan propose à Ani de l’épouser, et l’embarque aussitôt pour une virée en jet privé à Las Vegas où, euphorique, elle accepte le mariage. Apprenant la nouvelle en Russie, les parents ne sont pas vraiment ravis de cette union soudaine avec « une danseuse érotique », qui peut se transformer en furie incontrôlable lorsque débarquent des malabars arméniens chargés de la sécurité du jeune homme pourri gâté.

Une Palme dédiée « aux travailleuses du sexe »

Sexe, alcool, drogue, limousine… Ivan (joué par Mark Eydelshteyn) et Ani (Mikey Madison) s’entendent bien pour faire la fête (Photo Drew Daniels).

La situation étant devenue « compliquée », les parents rappliquent aux Etats-Unis pour faire annuler ce mariage et remettre dans le droit chemin leur « petit merdeux », qui passe son temps à faire la fête aux frais de papa-maman. La poursuite dans les rues et clubs de New York, avec des tontons flingueurs maladroits sur les traces d’Ivan, est une des hilarantes séquences de ce film, comme une audience de tribunal chaotique, ou d’autres situations loufoques et délirantes.

« Anora » est dans la lignée de Palmes d’or récentes, « Parasite », « Titane », « Sans filtre », « The Square »… films déjantés et décapants qui ont pu décontenancer un certain public. Avec cette variation sur le thème d’une « Cendrillon des temps modernes », c’est un conte défait qu’a réalisé Sean Baker, qui avait dédié sa Palme « aux travailleuses du sexe ». Son film est certes « une histoire d’amour » mais sans avenir, le jeune prince n’est pas si charmant, la belle retournera dans sa chaumière newyorkaise, ils ne vieilliront pas ensemble et n’auront pas d’enfants. Avec une sorte de happy end quand même, « Anora » est ainsi un réjouissant désenchantement.

Patrick TARDIT

« Anora », un film de Sean Baker, avec Mikey Madison (sortie le 30 octobre).

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