Dans son dernier ouvrage « Les origines du Plan Marshall », l’historienne Annie Lacroix-Riz remet en cause le récit dominant sur le Plan Marshall, y voyant un instrument de la mainmise américaine sur l’Europe d’après-guerre.
Le Plan Marshall, lancé en 1947, est généralement présenté comme un effort de reconstruction massif de l’Europe par les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Prêts et dons américains auraient permis de relever le continent de ses ruines.
Mais cette vision est contestée par l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste reconnue des relations internationales contemporaines. Dans son dernier ouvrage, elle démonte cette « propagande » et y voit au contraire un outil d’asservissement de l’Europe à la puissance américaine.
Le rôle des fondations américaines
Selon Annie Lacroix-Riz, le Plan Marshall s’inscrit dans une stratégie globale des États-Unis après 1945 pour prendre le contrôle économique et politique de l’Europe, facilitée par leur position dominante à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
Dès les années 1930, les élites politiques et économiques européennes ont été courtisées et financées par les Américains pour devenir les relais de leurs intérêts sur le continent. L’historienne montre par exemple comment les fondations Carnegie et Rockefeller ont financé la recherche à Sciences Po Paris avant-guerre.
Le Plan Marshall aurait servi avant tout à écouler les énormes surplus agricoles et industriels américains d’après-guerre, en contraignant les Européens à importer massivement des produits américains. Les prêts accordés alimentaient cette dépendance obligée.
Au détriment des intérêts économiques nationaux
Les accords de Bretton Woods en 1944 ont verrouillé cette mainmise économique en imposant le dollar comme monnaie internationale et en limitant drastiquement la souveraineté des pays européens.
Sur le plan culturel, Hollywood et les fondations américaines ont investi massivement pour contrôler la production cinématographique et noyauter les élites intellectuelles et artistiques européennes.
Annie Lacroix-Riz dénonce également les accords Blum-Byrnes de 1946, très défavorables à la France, comme une manifestation de la subordination française aux intérêts américains.
En France, l’acceptation du Plan Marshall se serait faite au détriment des intérêts économiques nationaux et avec la complicité des milieux d’affaires et politiques ralliés à Washington.
Le général De Gaulle est présenté comme la seule figure politique ayant tenté, avec ses faibles moyens, de résister à cette mainmise américaine.
Le débat reste ouvert
Les travaux d’Annie Lacroix-Riz offrent un contre-point radical à l’histoire officielle du Plan Marshall et de la politique américaine d’après-guerre. Ils ouvrent un débat historiographique essentiel, même si certains de ses jugements peuvent sembler excessifs ou sujets à discussion. Reste que cette analyse documentée jette un doute sérieux sur la générosité désintéressée prêtée aux États-Unis dans les années d’après-guerre.
Qui pourrait en douter ?