Prix Louis Delluc du premier film, le long-métrage de Charlotte Le Bon est un récit mélancolique, hanté d’une douce étrangeté.
« C’est un métier coup de cœur », disait Charlotte Le Bon, avant la projection de son premier film en tant que réalisatrice, « Falcon Lake » (sortie le 7 décembre), au Festival du Cinéma Américain de Deauville. « Mon désir de réaliser était latent depuis des années, j’avais le désir de raconter des histoires à travers des images », ajoutait l’actrice, qui fut le temps d’une saison Miss Météo sur Canal+. Auparavant sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, « Falcon Lake », qui vient de recevoir le Prix Louis Delluc du premier film, est tiré d’un roman graphique, « Une sœur » de Bastien Vivès, qui se déroulait en Bretagne. « Le réel défi de l’adaptation était de se réapproprier l’histoire », précise Charlotte Le Bon, qui a tourné au Québec, dans l’univers familier pour elle d’un lac des Laurentides.
C’est avec un corps immobile qui flotte à la surface que s’ouvre cette « histoire d’amour et de fantômes », un récit d’été, « entre l’adolescence et le monde adulte ». Une famille française débarque pour les vacances chez des amis canadiens, tous réunis dans un chalet près d’un lac, enfants, ados, parents. Parmi eux, Bastien, bientôt quatorze ans, joué par Joseph Engel (qui incarnait le fils de Louis Garrel et Laetitia Casta dans « La Croisade »), impressionné par la jeune fille de la maison dont il partage la chambre, la charmante et bizarre Chloé, interprétée par Sarah Montpetit.
« Un voile de noirceur » enveloppant
Fille singulière, seize ans et plus mûre que lui, Chloé est fascinée par les histoires de fantômes, s’amuse à se déguiser d’un drap, joue à se faire peur, et raconte à Bastien la légende d’un spectre qui hante le lac et ses alentours. Certes, Chloé fréquente des plus vieux qu’eux, entraînant Bastien avec elle, mais à force de s’asseoir sur le ponton et papoter, ces deux-là vont irrémédiablement se rapprocher ; pour elle, le jeune garçon va même braver sa phobie de l’eau, et se baigner la nuit dans le lac.
« Falcon Lake » est une chronique adolescente, tendre et mélancolique, à l’âge des découvertes, des premiers émois, des hésitations, des maladresses, la première cuite, la perte de l’innocence, l’attirance… Un quotidien qui se déroule en parallèle du monde des adultes, qui n’apparaissent ici que comme un décor, un bruit de fond. Un lac, des forêts, le décor est celui des films d’horreur, et la nature, magnifiée par le travail du directeur photo (Kristof Brandl), est belle et inquiétante, « un voile de noirceur » enveloppant le tout d’une douce étrangeté, d’une inquiétude latente qui rôde.
Longtemps pressenti, un drame final va survenir mais il est presque inutile dans cette histoire racontée avec sensibilité ; flirtant avec le fantastique, ce film est subtilement hanté, mais les fantômes sont encore plus présents quand on ne les voit pas.
Patrick TARDIT
« Falcon Lake », un film de Charlotte Le Bon, avec Joseph Engel et Sarah Montpetit (sortie le 7 décembre).