Les États-Unis ont réuni le mardi 26 avril 2022 en Allemagne une quarantaine de pays alliés pour armer davantage l’Ukraine face à l’envahisseur russe. Contexte et objectifs.
Les États-Unis sont prêts à tout pour faire gagner l’Ukraine contre la Russie, a affirmé le chef du Pentagone : « L’Ukraine croit clairement qu’elle peut gagner et c’est aussi le cas de tout le monde ici » (Secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin). Car, depuis le 24 février 2022, la guerre a changé de dimension.
Russie contre Occident
Les USA s’impliquent désormais directement dans l’affaire d’Ukraine. Ils ont pris incontestablement la direction des opérations, grâce à leur puissance globale : financière, économique, technologique, militaire et… médiatique.
Volodymyr Zelensky, lui, considère que l’avenir de l’Ukraine dépend uniquement des USA, ce qui fait que, si l’issue de la crise tourne à son avantage, il ne pourra rien leur refuser. Les USA et leurs satellites européens sont devenus stricto sensu des cobelligérants. Le conflit a évolué : il est devenu un conflit Russie contre Occident, de l’aveu même du président Poutine.
L’Europe à la traine
Quand la guerre a éclaté, en février, les États-Unis ont soigneusement laissé les Européens s’occuper de l’affaire. Ces derniers ont démontré un activisme aussi brouillon qu’inopérant : ils ont fourni des assurances unanimes de soutien au président Zelensky, mais tout le monde a pu constater qu’aucun d’entre eux n’avait la possibilité politique, pas plus que matérielle, d’influencer le cours des événements et encore moins de sauver l’Ukraine.
L’Europe en tant que puissance militaire est une pure fiction. Sa puissance ne vaut pas plus que celle du Vatican (qui, lui au moins, ne prétend pas sauver l’Ukraine).
L’épine des îles Salomon
Dans le même temps, les USA subissent un revers sévère dans le Pacifique avec l’accord de sécurité Îles Salomon – Chine et même si une délégation américaine s’est précipitée dès le surlendemain, le mal est fait. Les Îles Salomon occupent une position géographique cruciale (penser à Guadalcanal) qui permet de contrôler les lignes de communications entre les USA, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Le pari américain
La période d’observation (et d’aide informationnelle à l’Ukraine) du début de l’envahissement russe a permis aux Américains de vérifier que l’armée russe était d’un niveau opérationnel relevant de la 2ᵉ guerre mondiale et, par suite, totalement vulnérable à la puissance militaire actuelle américaine (2ᵉ offset). La conclusion est qu’un support massif américain en armement et information peut permettre à l’armée ukrainienne de refouler l’armée russe, et ce, au point de faire retrouver à l’Ukraine son intégrité territoriale – Crimée comprise. Il s’agit d’un pari calculé.
À propos des armes russes
Les fameux armements modernes de la Russie ne sont que du vent. Preuve en est, l’attaque réputée par la Russie avec des armements « ultra-précis » sur une usine d’armement à Kiev (pendant la visite d’Antonio Guterres secrétaire général de l’ONU). Cette attaque ne détruit qu’un immeuble à proximité… l’ultra-précision américaine est de moins de 5 mètres et pas de 150 mètres !
Preuve s’il en est de la défectuosité russe en matière de Glonass (équivalent GPS). Le GPS est brouillé sur l’Ukraine mais les modes militaires (dits code P et code M) ne sont pas affectés. Les communications russes sont brouillées et certains généraux russes ayant utilisé leur téléphone portable ne s’en sont jamais remis… Les StarLink d’Elon Musk fournis par centaines à l’Ukraine sont cyberprotégés. La fameuse cybermenace russe n’existe pas pour les américains.
Un duopole USA-Chine
La pensée stratégique américaine est sous-tendue par une seule arrière-pensée globale : la rivalité USA-Chine. Ces deux puissances effacent les autres et sont en train de dessiner le monde de demain. C’est un fait. Les prétentions d’autres acteurs ne sont que des niaiseries (y compris celle de l’Europe hyper-puissance).
On assiste donc à l’émergence d’un duopole USA-Chine où chacun des acteurs aura sa zone d’influence. À la différence du passé, les frontières pourront être indécises dans certains cas. L’organisation globale sera de type ‘’westphalien’’ car c’est la volonté de la Chine.
En échange, elle reconnaîtra de manière symétrique la suprématie américaine sur la zone qui lui sera dévolue. Pour les USA, ce qui importe, c’est une stabilité ‘’globale’’ à l’image de celle du temps de la guerre froide, pour la Chine, cet ordre n’est qu’une étape vers une suprématie globale qu’elle pense devoir assumer pour le bien de la planète entière (la nécessaire transition énergétique qu’elle est seule à pouvoir imposer, car seule à pouvoir en fournir les moyens matériels sur tout le globe).
Le partage du monde
L’affaire ukrainienne est une opportunité pour les USA. La guerre n’a pas été provoquée par eux (leur inaction quasiment indolente après l’affaire de Crimée en est une preuve suffisante : c’était le temps d’Obama avec un désintérêt non dissimulé pour les affaires européennes au profit de son fameux ‘shift’ du Pacifique). Elle est désormais vue par les stratèges comme pouvant produire des avantages importants, sinon cruciaux dans le partage du monde avec la Chine.
Il est entendu dans ce cadre que, désormais, la Russie est définitivement poussée dans la sphère d’influence chinoise, donc devient une alliée objective et un ‘proxy’ de la Chine. Il est donc essentiel pour les USA d’affaiblir la Russie sur les plans économique et militaire. En clair, il s’agit de ‘nanifier’ la Russie et de la contraindre de manière à sécuriser la frontière ‘est’ européenne de la zone d’influence américaine.
Et l’Europe dans tout ça ?
Les États européens sont dans ce cadre l’équivalent des ‘’fédérés’’ pour l’empire romain antique (la provincialisation de l’Europe de l’Ouest est quasiment acquise à travers l’Otan et les petits trublions qui pourraient rêver d’indépendance européenne seront traités comme des bouffons à l’instar de leurs ancêtres par Rome).
Dans ce cadre, il faut que l’Ukraine (dès lors considérée comme ‘proxy’ à part entière des USA) puisse reconquérir tout son espace légal reconnu antérieurement, ce qui permettra l’installation de bases militaires US au voisinage de la mer d’Azov et de la mer Noire pour les contrôler (on redit que dans l’hypothèse concernée, l’Ukraine ne pourra rien refuser aux USA). Il s’agit d’une obligation stratégique pour contrer l’influence (et menacer) les Routes de la Soie chinoises qui passent à proximité de ces régions.
L’Ukraine, un épiphénomène
Le scénario de la réussite américaine est en place. Il rencontrera des difficultés, car l’histoire apprend que la réalité ne respecte jamais les plans, même les mieux élaborés. Au-delà des difficultés, le vrai problème reste la réaction de Poutine à une défaite humiliante inéluctable. Il y a deux sortes de réactions possibles : l’acceptation ou non. Si acceptation il y a, le scénario se conclut. Dans l’autre cas, on a un changement de nature du conflit et ça fait l’objet d’un scénario totalement différent.
Mais l’enjeu reste bien le duopole USA-Chine qui se situe dans la durée ‘longue’ de l’histoire. L’Ukraine n’est qu’un épiphénomène déclencheur qui accélère l’histoire (comme Corcyra dans la guerre du Péloponnèse).
La guerre en Ukraine n’est qu’une guerre par procuration entre la Russie et les États-Unis. Qui peut en douter ?