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Faut-il prendre des médicaments quand on est grippé ?

François Chast, Université Paris Descartes – USPC

Notre auteur, professeur de pharmacie, exerce à l’hôpital public. Dans son livre « Les médicaments en 100 questions », dont l’article ci-dessous est extrait, il se penche sur les bénéfices et les risques des médicaments disponibles contre la grippe.


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Le grog est le meilleur remède.

Quand on est grippé, faut-il prendre des médicaments ? Cette question amène plusieurs réponses rapides : pas sûr que ce soit utile ; en tout cas pas d’antibiotiques ; le « grog » est une option mais… ce n’est pas un médicament ! Cependant, le sujet mérite de s’y pencher plus longuement.

La grippe est une infection virale causée par un virus influenza A ou B. Les symptômes, non spécifiques à cette maladie, sont bien connus : fièvre, toux, maux de gorge, frissons, fatigue, douleurs musculaires. Ils durent entre trois et sept jours, parfois un peu plus. Il peut y avoir quelques complications : pneumonie, otite ou bronchite. La sévérité est variable : d’inapparente, à une défaillance pouvant conduire en réanimation.

Le bilan annuel est souvent voisin de plusieurs milliers de décès, en règle générale, de personnes âgées, voire très âgées. Au printemps 2015, Santé publique France relevait près de 30 000 passages aux urgences pour grippe, dont 47 % chez les 65 ans et plus ; 3 133 hospitalisations ; 1 558 cas graves admis en soins intensifs. On a dénombré un excédent de 18 300 décès, toutes causes confondues, pendant cette épidémie, concernant pour 90 % des sujets âgés de plus de 65 ans (décès liés à la grippe et à d’autres facteurs hivernaux).

La vaccination, prise en charge pour de nombreux Français

Le traitement de la grippe est d’abord préventif : c’est la vaccination, parfaitement bien tolérée. Elle est prise en charge à 100 % pour 10 millions de Français : personnes âgées de 65 ans et plus, femmes enceintes, personnes atteintes de certaines pathologies chroniques, personnes obèses présentant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40, entourage des nourrissons de moins de 6 mois fragiles, professionnels de santé en contact régulier avec des sujets à risque de grippe grave.

Au-delà de la vaccination, la prévention, c’est aussi l’hygiène : se laver les mains, plusieurs fois par jour, même en dehors de la toilette ou des repas, permet de casser la chaîne de transmission des virus. Quand on ne dispose pas de lavabo, le gel hydroalcoolique dont on peut glisser un flacon dans sa poche est très efficace.

Que faire une fois qu’on est grippé ? Il existe trois ou quatre médicaments présentés comme antiviraux dans l’infection grippale. Les plus anciens, l’amantadine et la rimantadine, sont parfaitement inactifs, selon l’étude réalisée en 2014 par la collaboration Cochrane (organisation internationale indépendante regroupant les données scientifiquement validées). Deux plus récents, l’oseltamivir (Tamiflu) et le zanamivir (Relenza), sont – un peu – plus actifs contre les virus grippaux A et B. Le Tamiflu réduit d’un peu plus de seize heures le délai de survenue du premier symptôme – sur un total de sept jours, rappelons-le – sans avoir d’effet ni sur les hospitalisations, ni sur les complications graves. Pour observer une diminution du risque de pneumonie chez un seul malade, il faudrait en traiter cent. Ce médicament ne réduit pas le risque de survenue de surinfection bronchique et ses effets indésirables ne sont pas négligeables.

Réserver ces médicaments aux sujets à haut risque

Quant aux propriétés curatives de ces antiviraux, elles ne sont pas plus spectaculaires : soulagement des symptômes pendant moins d’un jour par rapport au placebo (18 heures pour la fièvre), et en termes d’arrêts d’activité, c’est entre un et quatre jours de gagnés. Comment, alors, expliquer que les agences sanitaires acceptent que ce type de médicament soit proposé pour prévenir la grippe à virus influenza ou même traiter cette infection ? Il faudrait vraiment réserver ces médicaments antiviraux peu efficaces à des sujets à haut risque, âgés et insuffisants respiratoires, cardiaques ou immunodéprimés.

Avant de conclure, quelques précisions. Les spécialités homéopathiques Gelsemium 4CH, Arsenicum album, Phosphorus ou Oscillococcinum n’ont strictement aucun intérêt. Oscillococcinum, par exemple, préparation parfaitement improbable, est faite selon le fabricant à partir d’autolysat de foie et de cœur de canard de Barbarie. La dilution de cet autolysat des milliards de milliards de milliards de fois défie les lois de la chimie. Bientôt centenaire, Oscillococcinum a vu le jour dans les années qui ont suivi l’hécatombe de la grippe espagnole de 1918-1919. Son inventeur Joseph Roy avait cru voir, au microscope, un microbe qu’il baptisa oscillocoque, qui n’a jamais été retrouvé après lui… Inutile d’ajouter que cette préparation n’a autre efficacité que son effet placebo.

La vitamine C ne présente pas davantage d’intérêt en cas de grippe, ni le saule – même s’il contient un peu d’acide salicylique, ni la matricaire – même si cette camomille renferme du chamazulène réputé anti-inflammatoire, ni la myrtille, dont les baies sont cependant délicieuses !

Couverture du livre, paru le 15 septembre 2016.
Tallandier

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François Chast, Professeur de pharmacie, Université Paris Descartes – USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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