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Baromètre « hygiène et précarité en France »

La précarité hygiénique est un facteur d’exclusion sociale qui persiste et s’aggrave chez les plus fragiles. Trois millions de Français se privent aujourd’hui de produits d’hygiène de base tels que le savon, le shampoing, le dentifrice, le papier toilette…

Eric Pouhier/Wikimedia, CC BY-NC

Le baromètre « Hygiène et Précarité en France », commandé pour la deuxième fois par l’association Dons Solidaires à l’institut IFOP dresse un état des lieux de l’évolution de la précarité hygiénique et de son impact sur l’estime de soi et l’insertion sociale.
« En 2019, Dons Solidaires et l’IFOP, par la première étude française sur l’Hygiène et la Précarité, ont tiré la sonnette d’alarme face à une problématique grave et méconnue : plusieurs millions de personnes ne peuvent pas accéder à des produits de première nécessité tels que les produits d’hygiène. La crise que nous vivons actuellement marque une progression inquiétante de la précarité et aggrave encore ces difficultés. C’est ce que nous avons souhaité mesurer dans la réédition de cette étude » déclare Dominique Besançon, Déléguée Générale de Dons Solidaires.

Exclusion sociale

Après un an de crise sanitaire, économique et sociale, les résultats de ce 2ème baromètre sont sans appel : la précarité hygiénique est une réalité bien ancrée avec 3 millions de Français qui continuent de se priver de produits d’hygiène de base faute de moyens ; un facteur d’exclusion sociale qui persiste et s’aggrave chez les plus fragiles.

Engagée dans la lutte contre le gaspillage et l’exclusion sociale depuis sa création en 2004, l’association Dons Solidaires continue de se mobiliser fortement sur ce sujet qu’elle a largement contribué à faire émerger dans les débats publics depuis 2019 : le manque d’accès aux produits d’hygiène pour les personnes les plus démunies et ses conséquences sociales.
Ce baromètre a pour objectif de devenir un référentiel de mesure de l’évolution de la précarité hygiénique afin d’interpeler et de mobiliser les pouvoirs publics, de sensibiliser les entreprises du secteur ainsi que le grand public.

les données de l’étude de 2021 concernant l’accès à l’hygiène restent préoccupantes. Par manque d’argent, 7% des français se lavent les cheveux avec autre chose que du shampoing (vs 6% en 2019), 6 % n’utilisent pas ou contrôlent leur consommation de papier toilette (vs 7% en 2019) et 4% se lavent sans utiliser de gel douche ou de savon (idem 2019). Au total, ce sont 3 millions de français qui aujourd’hui se privent toujours de produits d’hygiène de base faute de moyens.

« Je ferme les yeux »

Le renoncement aux produits de base est d’autant plus inquiétant qu’il est largement plus fréquent  parmi les bénéficiaires d’associations et reste un marqueur de grande précarité. Globalement le taux de renoncement de cette population est 4 fois plus élevé que pour le panel national. 28% des bénéficiaires d’associations déclarent par exemple avoir déjà renoncé à l’utilisation de shampoing et  24% se lavent les dents sans  dentifrice. « Quand il manque de l’argent, je ferme les yeux au supermarché ; j’achète seulement à manger et je dis à mes enfants : lave-toi avec l’eau ! On fait avec les moyens du bord. » Aïcha, maman de 5 enfants, bénéficiaire de l’association Together We Can.
« Pour le gel douche, je mets de l’eau dedans et je secoue pour faire durer. On est obligé de diluer pour que ça dure » Anne, veuve et maman de deux enfants, bénéficiaire de l’association Together We Ca.
Parmi les plus précaires, une personne sans domicile fixe sur deux est obligée de renoncer à l’utilisation de produits d’hygiène de base.

 Le jugement des autres

 Le sentiment de malaise par rapport à l’apparence est répandu dans la population : 69% des Français déclarent qu’une mauvaise odeur corporelle donne une mauvaise opinion d’une personne, (vs 73% en 2019).  Les vêtements sales et usagés sont le deuxième critère de jugement pour 40% des français (vs 42% en 2019). Enfin, 27% d’entre eux estiment qu’une mauvaise hygiène dentaire donne une mauvaise opinion d’une personne (vs 32% en 2019).  « C’est impossible de porter des habits sales, ça gêne les gens. Le regard des autres est très important. Si tu es sale, les gens ont peur de toi. » Pierre, bénéficiaire du centre d’hébergement Corot Entraide.
Dix millions de Français soit 17 % de la population renoncent à sortir en raison de leur apparence.  Une situation qui concerne davantage les plus précaires avec un taux de 28% chez les bénéficiaires d’associations .

Précarité menstruelle : les voyants au rouge

Autre enseignement de cette étude : 1,7 million de femmes en France, soit 9% de la population, sont victimes de précarité menstruelle. Une situation encore plus préoccupante chez les 18-24 ans qui sont 15% à être concernées.  Sujet longtemps tabou, la précarité menstruelle est une réalité que le baromètre de 2019 a permis de mettre en exergue.  Bien que la problématique soit dorénavant prise en compte par les acteurs publics et privés, 1,7 million de femmes (9%) ne disposent toujours pas de suffisamment de protections hygiéniques.

Cette précarité impacte plus durement les populations les plus fragiles : en effet pour 39 % des femmes bénéficiaires d’associations, l’accès aux protections hygiéniques est insuffisant. La précarité menstruelle conduit donc de nombreuses femmes à utiliser des protections de fortune comme du papier toilette. « Quand je n’ai pas de protections hygiéniques, système D, je mets du tissu. Pour mes filles c’est différent, elles vont à l’infirmerie du collège mais ça les gêne de demander. » Léa, mère célibataire, bénéficiaire de l’association Together We Can.

Pas de couches pour les bébés

Un parent de jeunes enfants sur 5 (22%) a plus de difficultés à acquérir des couches depuis le début de la crise sanitaire et plus d’1 parent sur 2 (56%) chez les bénéficiaires d’associations. Même si les renoncements se font d’abord sur l’achat de jeux d’éveil (54%) ou de vêtements (52%), 16% des parents d’enfants en bas-âge ont des difficultés à acheter des couches pour leurs bébés. C’est 2,5 fois plus courant chez les bénéficiaires d’associations (37%).
Et la situation s’est fortement dégradée depuis un an, : 1 parent de jeunes enfants sur 5 (22%) déclarant avoir plus de difficultés à acquérir des couches depuis le début de la crise sanitaire et plus d’1 parent sur 2 (56%) dans le cas des bénéficiaires d’associations.

Mal-être chez les jeunes

La crise sanitaire a particulièrement touché les jeunes de moins de 25 ans qui sont aujourd’hui 1 sur 10 à renoncer à l’achat de produits d’hygiène de base faute de moyens. Ce renoncement les conduit à adopter des stratégies de contournement en se lavant par exemple les cheveux avec autre chose que du shampoing pour 10% ou les dents sans dentifrice pour 9%. Ce problème d’accès aux produits d’hygiène altère fortement l’estime de soi des étudiants et renforce le mal-être des jeunes : 46% d’entre eux ont peur d’être jugé négativement en raison de leur apparence (vs 20% de la population française) ce qui conduit même 37% de ces jeunes à renoncer à sortir de chez eux (17% de la population française). « Il m’arrive de me laver les cheveux avec du gel douche parce que je n’ai pas autre chose. Je dilue les produits aussi, pour les faire durer plus longtemps ». Éloïse, étudiante, bénéficiaire de l’épicerie sociale du Mans. 

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