« C’est un conte moral », dit l’acteur du film qu’il a réalisé, « Amoureux de ma femme ». Interview.
Après avoir adapté Marcel Pagnol (« La fille du puisatier », « Marius » et « Fanny »), Daniel Auteuil a cette fois adapté une pièce de théâtre de Florian Zeller (« L’envers du décor ») dans un film qu’il a réalisé, « Amoureux de ma femme » (sortie le 25 avril). « C’est une comédie dont la seule prétention est de divertir », a-t-il précisé aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où il était venu présenter son film en avant-première.
Tout se déroule lors d’un dîner entre deux couples ; celui qui reçoit, joué par Sandrine Kiberlain et Daniel Auteuil lui-même, et les invités, son vieil ami, interprété par Gérard Depardieu, venu présenter sa nouvelle compagne, incarnée par l’actrice espagnole Adriana Ugarte. Jeune, jolie, délicieuse, elle est à craquer dans sa robe rouge moulante, et Daniel a beau être « amoureux de sa femme », il en est tout perturbé, se fait des films, s’imagine partir avec elle, et rêve tout éveillé de sa vie possible avec ce « lumineux objet du désir ».
Vous avez présenté cette comédie comme un film « léger », pourquoi aviez-vous envie de légèreté ?
Daniel Auteuil : Par rapport à la vie, qui n’est pas légère. J’avais envie aussi d’une façon d’une forme de nostalgie, ça raconte aussi quelque chose du temps qui passe, sur l’importance du souvenir ou du rêve. C’était un prétexte, c’est une comédie, mais au fond pour raconter d’autres choses, c’est ça qui me plaît. C’est un film qui parle d’amour, de couple, et que c’est permis de s’évader, tout le monde rêve.
« Cela me plaît de brouiller les pistes »
Vous aviez joué cette pièce au théâtre, pourquoi avoir souhaité ensuite l’adapter au cinéma ?
Après l’avoir joué très longtemps au théâtre, je sentais qu’il y avait un potentiel énorme. Florian Zeller ne voyait pas très bien comment, je lui ai cité ce film génial de De Broca, « Le Magnifique », où le type inventait sa vie au fur et à mesure, selon ses émotions et ses colères. Là, en mélangeant les deux, c’est-à-dire la réalité et les rêves, j’avais envie qu’on ne sache plus dans quelle histoire on était, ça me plaît de brouiller les pistes, de vous entraîner ailleurs, de vous surprendre, et de me surprendre moi-même. On n’a pas fait la pièce, on est partis de cette idée, et on a fait une véritable adaptation, donc c’est un vrai film de cinéma avec des bons dialogues, ça fait du bien. On a retravaillé ensemble avec Florian, il y a 60% de nouveau, mais on retrouve l’esprit de la pièce, c’est un peu la même histoire mais différemment.
Qui étaient vos partenaires au théâtre, et pourquoi ne sont-ils pas dans le film ?
Il y a eu François-Eric Gendron, Pauline Lefèvre, Isabelle Gélinas, et Valérie Bonneton. C’est autre chose le cinéma, c’est une industrie, ce n’est pas les mêmes personnages que la pièce, l’adaptation est assez libre, on a été ensemble deux ans, j’avais envie de retrouver d’autres amis à moi, c’était délicieux à jouer.
« C’est une rêverie amoureuse, une fantaisie »
Et qu’est-ce que vous a fait choisir Adriana Ugarte ?
Quand j’ai vu « Julieta » d’Almodovar, je l’ai trouvée extraordinaire, je me suis dit que si un jour j’avais la chance de faire un film pour lequel il y a un rôle pour elle, ce serait elle. Elle est magique, je le trouve exceptionnelle ; dans le film, elle est juste très amoureuse du personnage joué par Gérard Depardieu, mais c’est tout, rien n’est vrai en réalité, rien n’existe. La première lecture est celle classique du dîner, mais ce n’est pas ça l’histoire, c’est une rêverie amoureuse, une fantaisie, c’est l’envie d’une autre vie, l’envie de se redécouvrir.
Comment se sont passées les retrouvailles avec Gérard Depardieu, que vous mettez en scène pour la première fois ?
D’abord, il y a le filtre d’un scénario, il vient ou il vient pas à la lecture, ensuite c’est un tellement grand acteur qu’il n’y a pas grand-chose à lui dire, tu rentres par là, tu sors par là… Avec Sandrine et Adriana, c’est comme quatre musiciens qui maîtrisent parfaitement leurs instruments, je me contentais de donner la couleur, d’envoyer la note, et après ça suivait.
Votre personnage est un éditeur, est-ce qu’il a tendance à imaginer sa vie comme dans un roman ?
Oui, c’est ça, c’est quelqu’un qui rêve sa vie. Il y avait plein de titres formidables qui étaient déjà pris, « Dans la tête de…, « La vie rêvée de… », on est autour de ça, mais c’est une comédie. Il y a à la fois toute cette rêverie, qui peut être drôle, qui peut être nostalgique, dans ses rêveries il s’imagine en train d’écrire, et surtout il s’imagine aussi tout ce qu’il va morfler s’il fait le con. C’est un conte moral, on ne peut pas dire que les hommes soient montrés comme des héros, ils sont ridicules, mais qu’est-ce que vous voulez, c’est des hommes !
Propos recueillis par Patrick TARDIT
« Amoureux de ma femme », un film réalisé par Daniel Auteuil, avec Sandrine Kiberlain, Adriana Ugarte, et Gérard Depardieu (sortie le 25 avril).